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Rina Muller

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La brasserie Schutzenberger a su moderniser l’image de sa bière. Le fait que cette entreprise familiale et indépendante soit la seule brasserie au monde à être dirigée par une femme n’y est pas étranger. Dans ce monde d’hommes, Rina Muller use de conviction… et de sensibilité.

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Lorsque Rina Muller fixe ses rendez-vous parisiens, c’est au bar d’un prestigieux palace de la capitale, où sa bière est distribuée. Avoir réussi à imposer la bière comme une boisson chic et moderne, bien loin des clichés un peu bruegeliens – “on peut boire de la bière et bien se tenir”, dit-elle –, est l’une de ses fiertés. Mais pas la seule. Elle pourrait aussi se vanter d’être à la tête de la plus ancienne brasserie familiale indépendante d’Alsace, fondée en 1740. De génération en génération, les ancêtres de Rina Muller se succéderont pour présider aux destinées de l’entreprise. Une affaire que l’on se transmet de père en fils, jusqu’à ce jour de 1994 où la tradition est bousculée, et où c’est la fille de la famille qui prend les rênes. Elle arrive à ce poste par goût de la direction d’équipes et surtout par passion pour la bière. Madame “le Président”, comme le signalent ses cartes de visite, réussit le tour de force de s’imposer dans un monde exclusivement masculin. “Au début, c’était un peu difficile, reconnaît-elle. On m’observait beaucoup parce que j’étais une femme, en se demandant de quoi j’allais être capable. Mais on m’a acceptée très rapidement.” L’expérience du terrain Il est vrai que Rina Muller n’a pas été “parachutée” à la tête de l’entreprise. Ses galons de capitaine d’industrie, elle les a gagnés à force de travail : pendant une quinzaine d’années, elle s’occupe du service export de la brasserie, ce qui lui vaut d’être également conseiller du commerce extérieur de la France. “Une période extrêmement formatrice. J’ai voyagé sur tous les continents pour vendre notre bière, négocier des contrats, trouver de nouveaux clients.” Elle contracte alors le goût du terrain. “Je n’en fais plus assez aujourd’hui”, regrette-t-elle. Ce qui ne l’empêche pas, lorsqu’elle est en vacances aux États-Unis ou en Asie, d’aller voir quelques clients fidèles… “Vous savez, le téléphone, le fax ou le mail ne remplacent pas le contact direct. Chez nous, nos clients ne sont pas anonymes, nous les connaissons tous, et tous nous connaissent.” Un principe qu’elle veut transmettre à ses quinze commerciaux. “Je les vois tous les jours et je participe à leurs réunions parce que l’enjeu sur ce marché mondial de la bière c’est d’abord de vendre. Ensuite seulement la production doit suivre.” L’innovation dans la tradition C’est aussi au cours de ses “années terrain” que Rina Muller se forge les convictions qui lui servent toujours de fil conducteur pour son projet à la tête de la brasserie. “Je me suis rendue compte qu’il fallait changer l’image de la bière, explique-t-elle. Quand je suis arrivée à la direction, j’ai voulu faire sortir cette boisson de son ghetto, la faire passer dans la modernité.” Cela se traduit par l’élaboration de nouveaux produits. Aux côtés des bières traditionnelles, on trouve désormais la Tütz, une bière plus féminine et plus jeune, packagée dans une bouteille élancée à la robe entièrement blanche, ou bien encore une bière biologique. Schutzenberger fut également la première brasserie à remettre au goût du jour la tradition oubliée des bières de Noël et de Mars. “J’ai voulu montrer qu’il était possible d’innover dans la tradition”, affirme Rina Muller. À ce titre, son dernier projet est exemplaire : elle a ouvert il y a quelques mois un gigantesque bar-restaurant, place Kléber, en plein centre-ville de Strasbourg, dont elle a confié la conception à l’architecte Jean Nouvel. Résultat : une brasserie très contemporaine sur deux étages avec des passerelles d’acier et des verrières aux antipodes de la vieille “winstub” aux nappes à carreaux rouges. “Vous y rencontrez aussi bien des hommes politiques, des employés de bureau que des étudiants.” C’est un endroit où, fidèle aux convictions qui ont guidé son action à la tête de l’entreprise, Rina Muller réussit à offrir plus que de la bière, “à donner aussi un peu de joie de vivre”. Un lieu pour lequel elle a su conjuguer réalisme économique et sensibilité : oui, décidément, le président de la brasserie est une femme.

Dates-clés • 1978 : Rina Muller entre au service export de la brasserie familiale. • 1994 : après avoir fait son “apprentissage terrain”, elle devient présidente de la brasserie. • 1995 : lancement de la Tütz, une bière moderne et féminine pour changer l’image de marque de cette boisson. • 1996 : Rina Muller est élue présidente du Syndicat des Brasseurs d’Alsace. • 1999 : ouverture d’une brasserie bar-restaurant Schutzenberger à Strasbourg, conçue par l’architecte Jean Nouvel.

Repères La brasserie Schutzenberger fait partie des deux dernières brasseries indépendantes d’Alsace. Cette “doyenne” a dépassé depuis trois ans le seuil des 200 000 hectolitres de production annuelle. Elle réalise plus de 100 millions de chiffre d’affaires par an.

 
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F. T.

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