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Shop in shop. Un espace à soi chez ses revendeurs

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Accroître sa visibilité et maîtriser son image de marque : pour un fabricant, le shop in shop présente bien des avantages. Qu’il s’agit de faire partager à ses revendeurs.

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Lorsqu’un fournisseur distribuant ses produits par le biais d’un réseau multimarque ouvre un shop in shop, explique Benoît Hery, directeur associé chez Grrrey Marketing Services, il entend, avant toute chose, capturer le trafic d’un espace marchand pour son propre profit. » Autrement dit, il s’agit, pour une marque, de s’installer et de se mettre en scène dans un point de vente offrant des produits similaires ou complémentaires, afin de se procurer une nouvelle source de revenus. Les grandes marques de prêt-à-porter et de cosmétique l’ont fort bien compris, qui pratiquent cette technique de vente depuis très longtemps déjà. Il suffit, d’ailleurs, de se rendre au Printemps ou aux Galeries Lafayette pour évaluer l’ampleur de ce phénomène commercial. Les corners et autres shops in shop y abondent ; les marques se côtoient à quelques mètres les unes des autres. « Il règne une concurrence certaine, argumente Benoît Hery, mais cette concurrence constitue une sorte d’émulation, et les différentes marques tirent réciproquement parti de l’image des autres. »

En B to B aussi

Mais, au-delà de ces exemples emblématiques, la technique du shop in shop – littéralement “magasin dans le magasin” – se développe dans d’autres secteurs d’activité, et de façon plus novatrice. Ainsi, en B to B, Hilti, fournisseur des professionnels du bâtiment, a pour ambition de terminer l’année 2003 avec plus de soixante-dix shops in shop. Les premières expérimentations ont été réalisées, en la matière, dès la fin des années 1990, comme le relate Benoît Pédoussaut, directeur de la division agences et distribution chez Hilti : « Nous avons, dans un premier temps, installé des espaces à nos couleurs dans quelques grands points de vente La Plateforme du Bâtiment. Notre objectif était de toucher une clientèle d’artisans que notre force de vente a beaucoup de difficulté à rencontrer, parce qu’elle passe le plus clair de son temps sur des chantiers et se trouve rarement dans les locaux de l’entreprise. Or, cette clientèle se rend presque quotidiennement dans les magasins spécialisés pour s’y approvisionner. » Hilti, qui dispose pourtant d’une force de vente de terrain de 500 commerciaux, a donc décidé d’aller à la rencontre des artisans là où ceux-ci se trouvent le plus fréquemment. « Le shop in shop, analyse Benoît Hery, permet de partir à la rencontre d’une nouvelle clientèle dans des lieux où la marque est traditionnellement absente, tout en impliquant des frais infiniment moins importants que si l’entreprise créait ex nihilo une enseigne en propre. » Bénéficier du trafic d’un point de vente est, en effet, l’objectif commun de toutes les entreprises ayant créé des shops in shop. Car, même lorsque les marques sont déjà présentes dans les espaces qu’elles investissent en ouvrant un espace, elles augmentent leur visibilité. Spécialiste du carrelage, de la cuisine, de la salle de bain et, enfin, des arts de la table, Villeroy & Boch a dressé ce constat. Aujourd’hui, le fabricant possède plusieurs dizaines de shops in shop en France. Parmi ces espaces dédiés, certains présentent l’offre “Maison” (arts de la table) ; d’autres sont installés chez des spécialistes de la cuisine et de la salle de bain et accueillent l’offre sanitaire de la marque. Des espaces de 40 à 60 mètres carrés, où tous les segments de la gamme Villeroy & Boch se doivent de figurer. « Nous avons mis en place de tels espaces parce que, pour nous, une marque ne se limite pas à son offre de produits, explique Philippe Craeynest, le directeur des ventes détail. Ces shops in shop nous permettent, à travers une architecture et un mobilier qui nous sont propres, de recréer notre univers chez nos distributeurs. » Un tel concept permet à un client de Strasbourg de retrouver la même ambiance qu’un client de Paris ou de Marseille. Et, surtout, la marque se différencie dans la boutique : ses articles ne sont plus noyés dans des linéaires et présentés à côté des autres marques, parfois moins prestigieuses. Résultat : une visibilité accrue et un chiffre d’affaires qui décolle rapidement. « Nous pouvons chiffrer la différence, analyse Philippe Craeynest, parce que nos produits étaient déjà référencés dans les mêmes boutiques avant que nous y implantions des shops in shop. Dès lors que nous créons un espace à nos couleurs, le chiffre d’affaires que nous réalisons avec le magasin augmente de 50 à 120 %. » Un business qui, dans le contexte économique actuel, a de quoi laisser rêveur… De la même manière, la marque de sportswear féminin Dorotennis a développé, depuis 1999, une stratégie de shop in shop dans les magasins de sport multimarques. Si les points de vente ont immédiatement adhéré au projet, c’est pour une raison simple : alors qu’ils réalisent un chiffre d’affaires au mètre carré moyen de 2 700 euros, ils parviennent à le hisser jusqu’à 4 500 euros avec le shop in shop ! « L’intérêt était donc évident, et c’est la raison pour laquelle nous avons réussi à implanter environ quatre-vingts corners la première année », explique Olivier Jouanne, directeur commercial de Dorotennis. Car, au-delà des avantages que le fournisseur trouve à l’implantation d’un shop in shop, il faut également que le point de vente y trouve son propre intérêt pour que l’accord fonctionne. L’espace marchand représente, en effet, un investissement pour le magasin. Dorotennis demandait ainsi à ses revendeurs de le financer intégralement. Ce n’est pas toujours le cas et, en la matière, toutes les formules existent. Villeroy & Boch, par exemple, prend en charge la moitié du coût du mobilier.

Un partenariat gagnant-gagnant

Un fabricant ne doit jamais oublier non plus que la mise en place de tels espaces implique un partenariat. Conséquence : rien ne doit être à sens unique, et ce qui bénéficie à l’un doit également se révéler fructueux pour l’autre, dans une optique gagnant-gagnant. « Ainsi, nous n’exigeons pas que le shop in shop soit placé dans un lieu hautement stratégique du point de vente, affirme Philippe Craeynest. Nous négocions l’emplacement avec le magasin, pour que le revendeur continue aussi de faire du business avec les autres marques. » En clair, il ne faut pas vouloir “phagocyter” le point de vente, ou bien l’on risque de se mettre à dos le commerçant en se montrant excessivement exigeant avec lui. Une relation de partenariat, c’est également ce qu’a voulu mettre en place Dorotennis, avec les magasins de sport. « Les points de vente qui ont mis en place des shops in shop Dorotennis sont considérés comme des clients privilégiés, explique Olivier Jouanne. À ce titre, ils bénéficient d’un excellent suivi commercial de la part du chef de secteur, qui leur rend visite au moins une fois par mois et leur fournit des analyses chiffrées de leurs ventes. » Par ailleurs, ces magasins reçoivent deux fois par an la visite d’un merchandiser, qui leur prodigue des conseils sur l’architecture de leurs rayons. C’est un vrai service à forte valeur ajoutée, parce que le merchandising est un domaine que ces commerçants ne maîtrisent pas toujours très bien. Ces visites sont également l’occasion d’apporter au personnel des magasins une formation aux produits et techniques de vente. Car le shop in shop met en avant la marque. Il convient donc de s’assurer que celle-ci sera bien représentée.

Témoignage

Benoît Pédoussaut, directeur de la division agences et distribution chez Hilti « En B to B, ça marche aussi ! » Avec sa force de vente directe de 500 personnes, Hilti ne parvenait pas à démarcher les artisans correctement. Le fournisseur des professionnels du bâtiment a donc décidé de créer des espaces marchands à ses couleurs, au sein de points de vente spécialisés (La Plateforme du Bâtiment, Point P ou Cédéo). « Le shop in shop nous permet de couvrir toute la clientèle, explique Benoît Pédoussaut. On se place sur les points de passage obligés et l’on parvient ainsi à créer une relation commerciale de proximité. » Aujourd''hui, les shops in shop Hilti représentent 5 % du chiffre d''affaires de l''entreprise, qui espère porter cette proportion à 20 % dans les cinq prochaines années, sans pour autant diminuer le CA généré par la vente directe. « Ces points de vente permettent de mieux répartir nos ressources : les commerciaux de terrain ont recentré leur activité sur les grands comptes. » Par ailleurs, Hilti emploie ses propres commerciaux plutôt que de faire appel à ceux des points de vente. « Nous avons opté pour cette solution parce que nos produits ont une technicité élevée. Nous voulions donc des relais efficaces sur le terrain. » L''investissement est donc pris en charge par Hilti, qui reverse un pourcentage de son chiffre aux points de vente ; en échange, ceux-ci s''engagent à donner accès au fichier des clients ayant acheté un produit Hilti. Une nécessité pour bien connaître la clientèle.

Avis d’expert

Benoît Hery, directeur associé chez Grrrey Marketing Services « Un lieu d''innovation et de test » « Le shop in shop va permettre à une marque de bénéficier du trafic d’un point de vente, mais il y a également un autre intérêt, moins perceptible directement : c’est aussi un lieu d’innovation, affirme Benoît Hery. Une marque va, ainsi, pouvoir y tester de nouvelles cibles. Elle va également pouvoir en faire un lieu d’innovation, en y mettant en place de nouveaux produits ou de nouvelles gammes, pour étudier les réactions de la clientèle. » En clair, le shop in shop est un lieu de vente en même temps qu’un laboratoire. « C’est une dimension qu’il ne faut pas négliger, parce que le shop in shop est un excellent outil, qui coûte beaucoup moins cher qu’une boutique classique en propre. L’entreprise peut donc se permettre d’y réaliser des tests grandeur nature – ou presque – sans avoir une nécessité de rentabilité aussi forte que dans un magasin en propre. »

Lexique

- Le corner est un petit espace marchand implanté dans un magasin. Il ne présente qu''une petite partie de la gamme des produits et n''a souvent qu''une architecture limitée. C''est le cas, notamment, des espaces des marques dans les grands magasins, où l''emplacement est loué au fournisseur. - Le shop in shop est un véritable “magasin dans le magasin”, comme son nom l''indique. C''est une boutique qui peut être fermée par des murs et qui a toujours une identité visuelle forte, aux couleurs de la marque, avec un mobilier particulier, pour montrer au client qu''il entre dans un univers à part.

 
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Frédéric Thibaud

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