Recherche
Magazine Action Commerciale
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Sony : Comment séduire un million de Français en un an

Publié par le

En France, la PS2 s’est vendue à 400 000 exemplaires en neuf mois. Le secret de Sony : le marketing, stratégique et opérationnel.

Je m'abonne
  • Imprimer

Elle a sonné le glas des autres consoles de jeux, conquis les 20-25 ans, fait rêver leurs cadets, séduit leurs aînés. La PS2, dernière-née des consoles, mise au monde par Sony Computer Entertainement en novembre 2000, n’en finit pas de faire parler d’elle. Et pour cause : en août dernier, neuf mois après sa naissance, elle s’était déjà vendue, au sein de l’Hexagone, à 400 000 exemplaires ! Mieux : en dépit des trois mois de pénurie qui ont suivi son lancement, la “machine la plus intelligente du monde”, comme l’a surnommée, en avril 2000, le très branché The Face, devrait, affirment ses concepteurs, tenir ses promesses : l’objectif d’un million de pièces, annoncé lors de la conférence de presse de lancement, a été maintenu. « Nous devrions passer ce cap symbolique d’ici à la fin de l’année », déclare Georges Fornay, p-dg de Sony Computer Entertainment (SCE) France. Une performance hors pair qui, associée au succès des jeux et accessoires PS2 et à la bonne santé de la PS1, version miniaturisée de l’ancienne Playstation, permet à la filiale française du géant nippon de tabler sur un chiffre d’affaires record de quelque 530 millions d’euros (3,5 milliards de francs environ) en 2001. Une aubaine, puisqu’en attendant l’arrivée prochaine des plates-formes concurrentes – Game Cube de Nintendo et Xbox de Microsoft – Sony fait cavalier seul sur un marché pourtant très convoité.

1. La console des jeunes adultes

Si ses rivales estampillées “Sega” ou “Nintendo” ont, dès leurs premiers pas, ciblé les adolescents, voire les enfants, la Playstation “première génération”, arrivée sur le Vieux Continent en 1995, s’est immédiatement imposée comme “la” console des jeunes adultes. Depuis, la moyenne d’âge de ses groupies n’a pas fléchi : elle aurait même « légèrement augmenté », note Georges Fornay. Premier avantage de ce positionnement original : la moindre saisonnalité des ventes. « Nous réalisons moins des deux tiers de notre chiffre sur la période des fêtes de fin d’année. C’est peu, dans notre secteur… » De plus, en séduisant les 20-25 ans, la marque a conquis une clientèle de jeunes salariés, disposant d’un pouvoir d’achat non négligeable. Un atout maître, qui explique en partie son succès : en France, en 2001, une personne de moins de trente-cinq ans sur deux possède une Playstation, quelle que soit sa version ! Pour Sony, il s’agissait donc de prendre place sur un marché de masse – la cible hexagonale de Playstation regroupe, au bas mot, 5 millions de personnes – tout en préservant la personnalité de la marque : « rebelle, décalée, underground », résume son président. D’où cette stratégie marketing quasi schizophrénique qui, à l’instar des marques de skate ou de surf, hésite entre discours fédérateur et secrets d’initiés, entre tapage médiatique et bouche à oreille. « Nous investissons près de 8 millions d’euros par an en pub TV, mais nous organisons aussi des soirées ultrabranchées ; nous sponsorisons les événements les plus médiatiques, mais aussi les plus confidentiels. » L’objectif étant d’entretenir la fidélité d’un noyau de puristes, tout en partant à la conquête – succès commercial oblige – de millions de néophytes.

2. Sony, premier partenaire de son réseau

« Un bon fournisseur doit permettre à tous ses clients de marger et d’augmenter leur chiffre d’affaires. » Sa devise, Georges Fornay l’applique tout d’abord à l’entreprise qu’il dirige. « Nous apportons à nos revendeurs au moins 40 % de croissance par an. Mais certains voient leurs ventes doubler d’une année à l’autre ! », lance-t-il. Présentes dans tous types de réseaux – hypermarchés, spécialistes des jeux vidéo, multispécialistes, magasins de jouets et commerces indépendants – les marques PS1 et PS2 misent sur « une stratégie équilibrée, permettant à chaque acteur de gagner sa vie ». C’est pourquoi, si SCE France réalise 48 % de ses ventes dans la grande distribution alimentaire, il engage d’importants partenariats avec l’ensemble de ses clients, quelle que soit leur envergure. « Nous investissons plusieurs dizaines de millions de francs dans le trade marketing. » Ainsi, les lancements de jeux les plus médiatiques donnent à l’entreprise l’occasion de créer l’événement dans les points de vente. « L’arrivée, sur le marché, de jeux à fort retentissement dope les ventes de consoles », argumente Nathalie Dacquin, directrice marketing de SCE France. Témoin : l’arrivée du célèbre Gran Turismo 3, le 20 juillet dernier, un mois après les Vingt-quatre heures du Mans. « En juin, au moment de la course, nous avons organisé une rencontre intitulée les “Vingt-quatre heures virtuelles”, relate Georges Fornay. Nous avons, en fait, sélectionné, dans notre fichier, 1 000 joueurs, parmi les plus “accros”. Nous leur avons adressé un mailing pour les inviter à concourir. » Tels de vrais coureurs du Mans, ces aficionados de l’asphalte et de l’écran se sont affrontés durant deux douzaines d’heures de jeu ininterrompu. L’émotion était au rendez-vous, la presse aussi ! « Puis, quinze jours avant l’arrivée du jeu en magasin, une campagne de publicité a débuté en télévision, sous forme de teasing. Enfin, sur le terrain, nous avons fourni à nos revendeurs un dispositif complet de PLV, d’éléments de vitrine et de bornes de démonstration. L’objectif était de recréer l’ambiance de la course dans les points de vente. » Bilan : grâce à un investissement en marketing-communication de 2,3 millions d’euros (15 millions de francs), GT3 s’est hissé au sommet des ventes de jeux sur PS2. « En un mois, fin août, nous avions écoulé 150 000 pièces, et notre objectif est de doubler ce chiffre d’ici à la fin du mois de décembre », témoigne Georges Fornay.

3. Une force de vente plus proche de ses clients

« Nous voulions offrir à chacun de nos clients un interlocuteur unique, quelles que soient leurs préoccupations. » Pour répondre plus efficacement aux demandes de ses revendeurs, SCE France a réorganisé sa force de vente en juin dernier, abandonnant l’ancienne structure pyramidale – deux chefs des ventes animaient une équipe de cinq commerciaux chacun, les grands comptes étant confiés à une équipe spécifique – au profit d’une organisation par “business units”. « Désormais, les deux “business unit managers”, qui dépendent de notre directrice commerciale, Corinne Leber, se partagent le portefeuille de clients. » Leurs équipes respectives sont constituées de spécialistes du trade marketing, de “category managers” (responsables comptes clés), d’assistantes de vente et de commerciaux terrain – huit au total – placés sous l’autorité d’un chef des ventes. « Nos commerciaux ne se contentent pas de vendre, leur mission possède également une dimension marketing ; nous leur demandons de stimuler les points de vente, d’organiser la remontée des informations stratégiques, de veiller au bon déroulement des opérations de trade marketing au niveau local. Enfin, précise le p-dg de Sony Computer Entertainment France, nous faisons appel à huit merchandisers “externalisés”, dont le rôle, complémentaire de celui de la force de vente, consiste à faire de la relation client, de l’installation de PLV, etc. » Une formule qui permet à SCE de mieux contrôler la qualité de ses opérations de trade marketing. « Un produit testé est souvent un produit acheté, souligne Georges Fornay. Nos produits ont donc besoin d’être montrés pour être vus. C’est toute la difficulté en hypermarché… » D’où la nécessité de faire appel à des démonstrateurs : « Sur la période octobre-janvier, nous employons quelque 400 équipiers externes, six jours sur sept ! »

4Priorité au marketing direct

Fort d’une base de données qualifiée de 800 000 propriétaires de Playstation – PS1 ou PS2 –, Sony Computer Entertainment (SCE) France dispose d’un niveau élevé de connaissance de sa clientèle finale. « Chaque console vendue est accompagnée d’un questionnaire papier, explique Georges Fornay, son p-dg, qui se targue d’obtenir un taux de remontée de 18 %. De plus, notre site Web, www.playstation.com, nous permet d’enrichir encore notre fichier, et de le qualifier plus précisément. Nous élaborons actuellement un panel d’internautes réguliers pour détecter les intentions d’achat, tester des campagnes de marketing, etc. » De quoi déployer un dispositif ultraperformant d’opérations de marketing direct : « Nous formulons de nombreuses offres commerciales à destination de nos clients finaux. Nous ne vendons pas en direct, nous restons fidèles à notre réseau : lui vend, nous l’y aidons en générant du trafic en magasin. » À ce poste, pour le moins stratégique, l’entreprise consacre, chaque année, 3 à 4,5 millions d’euros (de 20 à 30 millions de francs environ). « Le lancement de la PS2 reste, sur ce point, exemplaire », observe le p-dg de SCE France. Afin d’inciter le consommateur final à se rendre, pour l’occasion, sur le lieu de vente, l’entreprise n’a pas ménagé ses efforts : quelques semaines avant l’arrivée en magasin de la console star, un mailing avait été adressé aux propriétaires de Playstation, leur proposant, en tant que clients privilégiés, de réserver en avant-première leur PS2. Pour cela, il leur suffisait de téléphoner à un centre d’appels. Des centres de réservation dédiés avaient été mis en place pour chacun des 3 000 points de vente hexagonaux, et 150 téléacteurs d’un call center de Troyes, mobilisés durant plusieurs semaines. « Le jour J, nous avions enregistré 50 000 préréservations !, sourit Georges Fornay. Nous ne pouvions en prendre plus… »

Repères - Décembre 1994 : Lancement de la Playstation au Japon. - Septembre 1995 : La Playstation arrive en Europe, au prix de vente conseillé de 1 490 francs. - Octobre 1997 : 22,5 millions de Playstation ont été vendues dans le monde. - Fin 1998 : 50 millions de consoles en circulation : la Playstation est la plus vendue au monde. - 4 mars 2000 : Lancement de la Playstation 2 (PS2) au Japon. - 7 juillet 2000 : Lancement, au Japon, de la PS1, qui succède à la console Playstation. - 26 septembre 2000 : Lancement de la PS1 dans les pays utilisant le système PAL, au prix de vente conseillé de 790 francs (120,43 euros). - 24 novembre 2000 : Lancement de la PS2 dans les pays utilisant le système PAL, au prix de vente conseillé de 2 990 francs (455,82 euros).

LES PRODUITS - La Playstation, née en 1994 au Japon et arrivée sur le Vieux Continent un an plus tard, est l’aînée de la famille. Ses principaux atouts ? Ses performances, sa simplicité d’utilisation et le ton décalé de sa communication. - La PS1, née en 2000, succède à la Playstation, dont la commercialisation est suspendue. La PS1 est une version miniaturisée et relookée de la Playstation. - La PS2, dernière innovation technologique de la marque, associe les performances d’une console et celles de l’audio et de la vidéo numériques. Elle lit aussi bien des DVD vidéo que des CD audio, conserve la technologie du CD-Rom et y associe le DVD-Rom. Elle pourra, dès 2002, être connectée à Internet, via un modem.

 
Je m'abonne

Stéfanie Moge-Masson

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Retour haut de page