Tupperware : le champion de la vente en réunion veut doper sa visibilité
Tupperware crée des ateliers cuisine, multiplie les partenariats et ouvre une boutique à Paris. Objectif : accroître la visibilité de la marque.
Je m'abonnePrésent en France depuis quarante-deux ans, Tupperware bénéficie d’une forte notoriété, tout en connaissant, parallèlement, un problème de visibilité. Le champion de la vente directe en porte-à-porte n’est en effet pas distribué par les canaux traditionnels comme les magasins ou même les catalogues, et ne le souhaite d’ailleurs pas. Néanmoins, la marque doit aujourd’hui trouver un moyen d’élargir sa clientèle en démarchant une cible plus urbaine et plus jeune. Pour réussir ce défi, Tupperware lance un nouveau concept de commercialisation. Aux réunions traditionnelles se greffent désormais les ateliers cuisine, plus interactifs et plus courts. De plus, la marque vient de décider d’ouvrir boutique à Paris. Toutefois, en dépit de ces nouveautés, Tupperware n’a aucunement l’intention de renoncer à la stratégie de développement par le bouche-à-oreille qui lui a si bien réussi : l’entreprise a réalisé, en France, un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros l’an passé.
1/Des clientes qui vendent
Si une entreprise peut se targuer d’avoir une force de vente importante, c’est bien Tupperware. Avec ses 15 000 démonstratrices, la marque parvient à assurer une présence importante dans le moindre village de France ! « Ces commerciales sont notre première force, reconnaît Pascal Konikowski, p-dg de la filiale française. Elles sont recrutées par notre réseau, composé de soixante-et-une concessions réparties dans tout l’Hexagone. Il s’agit toujours d’ex-clientes qui ont été séduites par les produits Tupperware et qui en sont, à leur tour, devenues les ambassadrices. » Lors des réunions, les démonstratrices ont donc deux choses à vendre : des boîtes en plastique et un job, puisqu’elles ont également pour mission de proposer aux clientes présentes d’organiser et d’animer, à leur tour, des réunions. Évidemment, ce système de recrutement comporte un inconvénient majeur : le turn-over. Car il arrive fréquemment qu’après avoir organisé deux ou trois réunions, les nouvelles démonstratrices cessent cette activité, faute de nouveaux contacts ou de temps. Mais le système a également bien des avantages, et d’ailleurs, si Tupperware fonctionne sur ce modèle depuis quarante-deux ans, c’est que les résultats sont au rendez-vous ! « Même si nous connaissons une forte rotation, certaines clientes trouvent chez nous un véritable travail. Elles parviennent à obtenir une rémunération importante », explique le p-dg. Sur chaque vente, la commerciale perçoit ainsi une commission de 20 %, à laquelle s’ajoutent des primes mensuelles en fonction du volume d’affaires réalisé. En outre, chacune a la possibilité de mener une véritable carrière au sein de l’entreprise, dont elle peut même devenir salariée. « Les plus impliquées et les plus performantes peuvent demander à devenir chefs de groupe. » À ce stade, elles prennent en charge l’animation d’une équipe de démonstratrices, tout en poursuivant, en parallèle, leur activité commerciale en tant qu’organisatrices de réunions. Enfin, les collaboratrices ont la possibilité de devenir concessionnaires. Les responsables des soixante-et-une concessions françaises sont toutes d’anciennes démonstratrices ayant gravi les échelons de l’entreprise. Travaillant sous un statut indépendant (SARL, SA ou entreprise individuelle), elles bénéficient de la représentation exclusive de Tupperware sur un territoire géographique donné. C’est donc le bouche-à-oreille qui assure le développement de la célèbre marque. Et Pascal Konikowski l’affirme : « Plus nous avons de démonstratrices, plus notre chiffre d’affaires se développe, c’est mathématique. Par ailleurs, c’est un système de vente fabuleux parce qu’il est fondé sur la passion et le plaisir de travailler. Si nos démonstratrices font ce métier c’est qu’elles connaissent et aiment nos produits ; ce sont les meilleures forces de vente qu’une entreprise puisse imaginer ! » Autrement dit, le développement commercial de Tupperware est conditionné par sa capacité à recruter de nouvelles démonstratrices. Dès lors qu’elle y parvient, l’entreprise est assurée de voir son chiffre d’affaires augmenter d’autant. Plus il y a de clientes, plus il y a de démonstratrices potentielles ; c’est un cercle vertueux.
2/Élargir la clientèle
Chaque année, sur le territoire, Tupperware organise 500 000 réunions ! Un chiffre qui suffit à prendre la mesure du phénomène. D’ailleurs, qui ne connaît pas ces fameux rendez-vous où se retrouvent, autour d’une démonstratrice, plusieurs amies, ménagères averties ? Mais ces “home parties” conviviales et particulièrement efficaces – le chiffre d’affaires moyen d’une réunion se monte à 300 euros – ont un inconvénient : elles captent une clientèle quelque peu vieillissante, et l’essentiel de leur audience se situe en milieu rural. « Pour organiser de telles réunions ou y participer, il faut avoir un tissu relationnel très dense, connaître ses voisins, des amis de voisins, etc., rappelle Pascal Konikowski. Or, en milieu urbain, ce n’est pas facile, le rythme de vie est soutenu et, bien souvent, on ne connaît même pas son voisin de palier ! » Pour élargir sa clientèle et toucher une frange de citadins actifs, Tupperware a donc récemment mis en place un nouveau concept de réunion : l’atelier recettes. « Il s’agit de réunions plus participatives et plus “dans l’air du temps” », résume Pascal Konikowski. Là où une home party monopolise tout une après-midi, la durée d’un atelier ne dépasse pas une heure et demie. Et tandis que l’auditoire d’une réunion se contente de regarder les produits et d’écouter la démonstratrice, les invitées d’un atelier prennent part à un cours de cuisine au cours duquel les produits Tupperware sont utilisés et mis en valeur. « Le but du jeu, c’est que tout le monde mette la main à la pâte en réalisant des recettes prouvant les avantages concurrentiels de nos produits. Nous pensons que ce nouveau concept répond à l’envie de pratiquer des loisirs créatifs d’une clientèle plus jeune. Un tel atelier doit fournir des astuces de cuisine et solliciter les cinq sens, l’objectif étant de laisser aux participantes un bon souvenir de ce moment. » Grâce à ce concept, Tupperware espère séduire des femmes de vingt-cinq à trente ans, alors que la cliente habituelle se situe plutôt dans une tranche d’âge de quarante à soixante ans. « Mais attention, précise Pascal Konikowski, il n’est pas question d’abandonner les réunions classiques qui ont fait notre réputation et qui assurent notre chiffre d’affaires. Ces ateliers cuisine sont simplement une alternative qui nous permet de préparer notre avenir ! »
3/Des produits plus accessibles
« Le premier handicap de Tupperware, aujourd’hui, c’est l’accessibilité à notre marque de clients potentiels et son absence des réseaux traditionnels de distribution », explique Pascal Konikowski, p-dg. En effet, si le bouche-à-oreille génère un véritable marketing viral, ce mode de commercialisation limite également la diffusion des produits. Seules peuvent trouver les produits Tupperware des clientes ayant une démonstratrice dans leur entourage. L’augmentation de la visibilité des produits passe par plusieurs types d’actions. Tupperware a, ainsi, mis en place des partenariats ponctuels en B to B, avec des entreprises telles que Procter & Gamble ou Quality Street : ces géants de la grande consommation réalisent des mailings qu’ils adressent à leurs clients pour le compte de Tupperware. Autre exemple : un partenariat avec une marque d’électro-ménager qui, pour tout achat d’un four à micro-ondes, offre un produit de cuisson Tupperware. Par ailleurs, la marque développe, depuis deux ans, des partenariats avec des points de vente. « Nous avons un accord national avec les Galeries Lafayette, qui mettent à notre disposition un espace marchand où nos démonstratrices vendent nos produits. » Dans le même esprit, Tupperware est présent dans certaines galeries marchandes, sur des “stands précaires”. « Nous voulons montrer à une clientèle n’ayant pas accès aux produits qu’ils existent toujours et qu’ils sont innovants. » Dernier volet de cette stratégie : l’ouverture d’une boutique aux Halles, à Paris. « Ce magasin doit nous permettre d’aller à la rencontre de nouveaux segments de clientèle. Nous nous offrons ainsi une vitrine. » C’est la raison pour laquelle cet espace, présentant la gamme, sera totalement ouvert, sans porte, afin que les chalands n’hésitent pas à entrer. « Nous souhaitons, bien sûr, faire du chiffre d’affaires. Mais notre objectif premier n’est pas d’engranger des bénéfices ; c’est de promouvoir les réunions et les ateliers cuisine. » D’ailleurs, la boutique n’a pas vocation à exister plus d’un an : juste le temps, pour cette marque discrète et qui ne consacre aucun budget à sa communication, de s’offrir une belle campagne de publicité.
Repères
Des produits haut de gamme toujours innovants Des produits Tupperware, on garde, souvent l’image du petit récipient en plastique pratique, mais guère esthétique. « Tupperware, c’est bien autre chose que cela, affirme Pascal Konikowski, son p-dg. L’entreprise a adapté ses produits aux besoins et envies actuels. Nous innovons sans cesse pour étoffer notre gamme et la rendre plus attrayante. » Tupperware propose, en effet, des matières high-tech. « Nous avons, par exemple, une gamme à base de polymères à cristaux liquides, qui supporte aussi bien la cuisson au four traditionnel qu’au micro-ondes, la congélation et la réfrigération. » Quant à l’esthétique, elle est de plus en plus soignée. Ce n’est pas pour rien que Tupperware a reçu de nombreux prix internationaux pour le design de ses articles, souvent très colorés. « Nous avons développé une matière plastique imitant parfaitement le verre, version incassable. La ménagère peut tout à fait disposer un récipient sur sa table sans en avoir honte lorsqu’elle reçoit des invités ! » Enfin, la marque ne serait plus tout à fait elle-même si elle ne proposait pas des produits astucieux, comme ce récipient à farine qui se remplit par le fond mais s’ouvre par le haut, pour que le stock le plus ancien soit utilisé en priorité.
Développement
Le Web, mais sans court-circuiter le réseau Pour l’heure, Tupperware ne vend pas du tout sur Internet, même si un site vitrine existe, pour présenter les gammes de produits. Peut-on imaginer qu’un jour, la marque s’invitera dans les foyers français par le biais de l’ordinateur ? « Oui, sans aucun doute, répond Pascal Konikowski, le p-dg France. Mais, en tout état de cause, ce ne sera pas avec un site central géré par la marque. Nous donnerons la possibilité à chacune des concessionnaires de disposer de leur site, que nous créerons pour elles, et ce seront ces concessions qui vendront en ligne et qui prendront leur commission sur le chiffre d’affaires réalisé. » Et l’on comprend pourquoi Tupperware souhaite privilégier ce système : « 99,9 % de nos ventes sont réalisées par les réunions organisées par nos concessionnaires. » Conséquence : oui à l’e-commerce, mais sans se mettre à dos le réseau de revendeurs, clé de voûte du “système Tupperware”.
En chiffres
Tupperware dans le monde - L’entreprise, cotée à New York, a réalisé un chiffre d’affaires mondial d’un milliard de dollars en 2002. - Tupperware est présent dans plus de cent pays. - La marque compte un million de démonstratrices dans le monde, où une réunion Tupperware se déroule toutes les deux secondes. - L’an passé, un peu plus de 85 millions de femmes ont assisté à une réunion Tupperware.