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Vocation. Faut-il faire rimer profession et passion ?

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Si peu de managers travaillent dans le secteur de leurs rêves, ils n’en sont pas moins enthousiastes : ils se sont découvert une passion… pour leur mission.

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Quand je serai grand, je travaillerai dans la course automobile !” Petit, lorsque vous vous pâmiez devant les belles voitures ou rêviez de motos surpuissantes, vous n’aviez probablement pas d’hésitation concernant ce que vous entendiez faire à l’âge adulte. Et, plus tard, lorsque vous avez poursuivi vos études, sans doute aviez-vous encore une idée assez précise du secteur – voire de l’entreprise – dans lequel vous vouliez faire carrière. Une idée qui vous fait sans doute sourire aujourd’hui, tant elle est éloignée du métier que la vie professionnelle vous a, finalement, apporté… De fait, rares sont les managers qui ont suivi le chemin qu’ils avaient imaginé lorsqu’ils étaient plus jeunes. Et, de l’avis des spécialistes, il faut s’en réjouir ! « La passion pour un secteur, une marque ou un produit n’est en aucun cas une garantie de réussite », affirme Laurent Gousset, directeur du développement et des opérations du cabinet Norma Conseil RH, spécialisé dans le recrutement des profils commerciaux et marketing. Un avis que partage Jean-Christophe Chamayou, directeur général d’Elitis, groupe spécialisé dans la constitution d’équipes commerciales dans le secteur du high-tech. « Bien souvent, déplore-t-il, les jeunes candidats, et surtout les commerciaux, attachent une importance démesurée au secteur et au prestige de la structure d’accueil. » « C’est un fait établi, renchérit Laurent Gousset. Une annonce qui émane d’un groupe prestigieux attire dix fois plus de candidatures, à poste égal, que l’offre d’une PME lambda. »

Gare aux désillusions

Deux types de motivation conduisent un candidat à faire primer l’identité de l’employeur sur tout autre critère. « En choisissant un poste en fonction du produit ou du nom de la société, la plupart des individus se font plaisir, analyse Laurent Gousset. Ils s’offrent une carte de visite prestigieuse, dans l’espoir qu’elle serve un jour de tremplin. » Quant aux autres, ceux qui conjuguent leur passion privée au mode professionnel, ils misent sur leur expertise afin de percer dans un secteur. Une stratégie qui peut mener au succès – « un candidat passionné résiste mieux à la pression et possède un enthousiasme contagieux », souligne Jean-Christophe Chamayou –, mais qui n’est pas dénuée de risque : à choisir un poste sur cet unique critère, on passe à côté d’offres passionnantes émanant de sociétés inconnues ou de secteurs a priori moins “sexy”. « Je vois de nombreux candidats entrer un jour dans le secteur ou la boîte de leurs rêves et en ressortir déçus », indique Laurent Gousset. À force de fantasmer sur une entreprise, on risque de l’idéaliser et, au final, d’être désappointé lorsque l’on en découvre le vrai visage. C’est l’expérience qu’a vécue cet ex-manager d’une des marques haut de gamme du groupe L’Oréal. « À mes yeux, L’Oréal faisait figure de référence. Y entrer était, pour moi, formateur et valorisant. Puis, je me suis rendu compte, au fil du temps, que contrairement à ce que j’avais imaginé, les profils commerciaux y sont moins valorisés, moins écoutés et moins considérés que les personnes du marketing. » Après s’être hissé au poste de directeur commercial, ce passionné de la première heure quitte le numéro un mondial du secteur cosmétique pour entrer – et, cette fois, s’épanouir pleinement – dans une PME « nettement moins célèbre, moins vénérée, mais à l’avenir extrêmement prometteur ». Le fait est que miser sur une PME ambitieuse dotée d’un “projet malin” peut être une excellente opportunité de faire ses preuves : le collaborateur pourra se targuer d’avoir contribué à sa réussite. Afin d’effectuer le bon choix, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments d’une offre et de donner à chaque critère sa juste importance. « Certains intitulés aguicheurs peuvent dissimuler une lacune », prévient Jean-Christophe Chamayou. Prudence, donc, face aux offres extrêmement prometteuses ou aux noms de société tellement prestigieux qu’ils vous en feraient oublier le reste… c’est-à-dire l’essentiel ! Mais quels sont les bons critères pour évaluer une offre d’emploi ? « L’autonomie dont vous disposerez dans la gestion de votre business est primordiale », répond sans ambages Jean-Christophe Chamayou. Bien sûr, vous prendrez aussi en compte le projet d’entreprise, sa position sur le marché, son rang face aux concurrents, son évolution passée, ses perspectives de développement…

L’important : le contenu de la mission

Mais c’est au contenu de la mission qu’il faut accorder le plus d’importance. « Et, au-delà de la fonction, à son poids dans la structure », ajoute Laurent Gousset. Pour cerner correctement tous ces aspects, posez de nombreuses questions sur la taille de l’équipe, le nombre de niveaux hiérarchiques, l’existence d’un comité de direction, etc. Autant d’interrogations qui traduiront, en outre, votre volonté de vous impliquer dans un challenge motivant. « L’idéal, poursuit le directeur d’Elitis, étant de se trouver en prise directe avec la direction et de pouvoir participer aux prises de décision stratégiques. » Sachant qu’un futur employeur ou un chasseur de têtes vous jugera avant tout sur votre capacité à mener de A à Z de vastes chantiers, cette marge de manœuvre dans les projets d’envergure est en effet déterminante. « Et cela, rappelle l’expert, ça n’a rien à voir avec le secteur, le produit ou le prestige de l’entreprise ! »

Avis d’expert

Jean-Christophe Chamayou, directeur général d’Elitis, cabinet conseil en recrutement et ressources humaines « Devenir expert mais pas gourou » Faire carrière dans le secteur de ses rêves ? Jean-Christophe Chamayou pense que c’est un bon choix. Simplement, il met en garde les candidats en pointant les risques de ce parcours. « Être passionné par son job, c’est bien. Mais nous voyons des managers piétiner car ils se sont laissé enfermer dans leur secteur de prédilection et ne parviennent plus à en sortir. » Des cadres qui, à force de spécialisation, n’intéressent plus les entreprises des autres secteurs. « Pour éviter cette sclérose, il faut veiller à mettre constamment à jour ses acquis, ses méthodes, ses connaissances. » Concrètement, le directeur général d’Elitis exhorte les dirigeants à faire régulièrement des formations et à rester curieux. Sa bête noire ? « Voir un candidat passer du mode “apprenant” au mode “disant”. À ce stade, il n’apprend plus parce qu’il estime qu’il n’a plus rien à apprendre. Il y a alors danger, car la personne ne sait plus se remettre en question. Elle perd son enthousiasme contagieux. Elle s’écoute parler, cesse d’écouter les autres : l’antithèse d’un bon manager ! »

Témoignage

Michel Ellert, directeur de Leica Camera France « Sans passion, je n’aurais jamais pu y parvenir ! » Professionnellement, que fait Michel Ellert ? De la photo. Et dans sa vie privée ? De la photo. Cette passion dévorante a guidé cet autodidacte sur les voies du succès. Parti d’un job de vendeur à mi-temps au rayon photo d’Auchan – « ce qui me permettait, le reste du temps, de faire de la prise de vues et du développement », relate-t-il –, il travaille chez deux revendeurs spécialisés, puis rejoint l’enseigne photo-cinéma-son du groupe La Redoute, qui lui confie la direction d’un magasin. Mais c’est en 1980 que débute, pour lui, la grande aventure : il devient représentant chez Leica, “la” référence en matière d’appareils photo de luxe. « À l’époque, mon patron m’avait demandé, en entretien de recrutement, ce que Leica représentait à mes yeux. J’avais répondu : “Un rêve !” » Un rêve devenu réalité, car Michel Ellert a gravi peu à peu les échelons de la société pour accéder, dix-sept ans plus tard, à la direction de Leica France !

 
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Stéfanie Moge-Masson

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