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“ Mettre le client au cœur de son organisation : une question de survie ! ”

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Auteur de La stratégie de relation client* , consultant CRM chez Cap Gemini Ernst & Young, Pierre Alard est un spécialiste de la GRC. Il dresse pour nous le panorama de ce marché en France et présente les enjeux pour les entreprises. Selon lui, les solutions informatiques ne sont que des outils au service d’une vision stratégique qui place le client au cœur de l’organisation des entreprises.

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La gestion de la relation client est encore une notion floue pour nombre d’entreprises. Comment définissez-vous ce concept ? Pierre Alard : Le CRM est un positionnement stratégique de l’entreprise : c’est le fait, pour une société, soit en B to B soit en B to C, de se structurer dans un mode relationnel nouveau. Souvent, on assimile le CRM à une série d’outils comme le centre d’appels, la solution informatique pour les forces de vente, etc. Tout cela, c’est bien, mais ce n’est pas de la gestion de la relation client, ce ne sont que des moyens. Faire de la GRC, c’est positionner le client au cœur de l’entreprise, c’est-à-dire mettre tous les moyens en œuvre pour le comprendre et lui donner un service fiable. Cela suppose de modifier l’organisation de l’entreprise en fonction de cet impératif, de cette exigence que l’on s’est fixé vis-à-vis du client. Pour moi, la relation client est donc un idéal vers lequel les entreprises doivent essayer de tendre. Les entreprises n’ont-elles pas toujours eu cette préoccupation ? P.A. : Non ! Nous sommes passés d’une époque où les entreprises proposaient des produits à leurs clients à une époque, l’actuelle, où les entreprises doivent non seulement répondre à leurs attentes, mais aussi anticiper les besoins. De plus, l’émergence des nouvelles technologies, comme Internet ou le téléphone mobile, a entraîné de nouveaux besoins : aujourd’hui, tout le monde est habitué à avoir tout, tout de suite. Une culture de l’instantanéité s’est développée, qui fait que pour le client, tout doit être immédiat et simple. Les entreprises doivent donc s’adapter et avoir de grandes capacités de réactivité, être “pro-actives” vis-à-vis de leurs clients. Ces impératifs vous paraissent-ils bien compris par les entreprises françaises ? En d’autres termes, font-elles aujourd’hui de la “relation client” ? P.A. : Je suis persuadé que les entreprises prennent conscience de la nécessité de s’y mettre et fournissent de formidables efforts pour tendre vers cet idéal. Regardez les entreprises publiques : la Poste ou la SNCF prennent très bien ce virage de la GRC. Elles ont compris que c’est un phénomène de fond dont elles ne peuvent pas faire l’économie. Les entreprises sont donc de moins en moins réticentes à s’engager dans un projet de CRM. À quoi cela tient-il ? P.A. : Pour le comprendre, il faut observer l’histoire des entreprises. Pendant des décennies, elles ont voulu gagner en productivité grâce à l’amélioration de leurs processus industriels, de fabrication, etc. Cette tâche accomplie, elles se sont focalisées sur leur “cœur de métier” pour devenir les meilleures sur un segment d’activité. Quand vous avez gagné de la productivité et que vous êtes numéro un sur votre métier, comment progresser ? D’une seule façon : le dernier gisement de valeur à exploiter, c’est le client. Aujourd’hui, on en est là. Prenons l’exemple du secteur automobile. Actuellement, on crée un nouveau modèle de voiture en deux ans seulement, les constructeurs ont formidablement rationalisé leurs chaînes industrielles de fabrication et, en terme de processus, ils ne peuvent rien faire de mieux. Ils savent qu’aujourd’hui, le seul moyen de se développer est de gagner en intimité avec les clients en vendant non plus une voiture, mais des services, comme des assurances, des dépannages, la possibilité d’échanger son modèle de voiture au moment des départs en vacances, etc. Aujourd’hui, les entreprises ne doivent plus se contenter de vendre un produit, elles doivent aussi proposer des services accompagnant et valorisant ce produit. Malgré tout, dans les faits, on constate qu’on est très loin de cet idéal dont vous parlez… P.A. : Effectivement. Les exemples montrent que bien des entreprises ont essayé de mettre en place, par exemple, des centres d’appels. Mais quand vous devez patienter une demi-heure avant de pouvoir parler à un téléconseiller, on est très loin d’une bonne gestion de la relation client ! Je crois que le problème, très souvent, est que l’on s’est doté d’outils, de moyens techniques mais sans avoir, en amont, de vision stratégique. Les projets de CRM présentent deux difficultés majeures qu’il faut surmonter, faute de quoi on court à l’échec. D’abord, il faut transformer la culture d’entreprise, c’est-à-dire les hommes. Il y a un énorme travail d’accompagnement du changement à effectuer pour que l’entreprise soit non plus orientée produit mais orientée client. Concrètement, cela suppose – et c’est la deuxième difficulté majeure – de transformer le système d’information. La base de données doit être organisée en fonction des profils de clientèle afin que chaque collaborateur de la société détienne une vue globale de chaque client. Or, jusqu’à présent, les bases de données étaient organisées par lignes de produits. Pour schématiser, une banque avait une base de données pour les plans d’épargne logement, une autre pour les plans d’épargne en actions, une autre pour les plans d’épargne populaire, etc. Dans un tel système, il est extrêmement difficile de savoir quels produits sont détenus par Monsieur Untel et impossible d’avoir une vision globale de ce client, et donc de déterminer ce qui est susceptible de l’intéresser, d’anticiper ses besoins. Les transformations de la culture d’entreprise et du système d’information sont donc très délicates à réaliser et c’est pour cette raison que beaucoup reste à faire en matière de gestion de la relation client. D’autant que les entreprises françaises semblent même en retard par rapport à d’autres pays européens et par rapport aux États-Unis. P.A. : C’est vrai, nous avons un certain retard, mais qui est purement conjoncturel et que nous rattrapons. Ce retard s’explique par les investissements qui ont été nécessaires pour le passage aux 35 heures, puis est venu s’ajouter aux problèmes de l’an 2000 et de l’euro. Ces trois grands chantiers ont mobilisé beaucoup de moyens et c’était autant en moins pour les projets de CRM qui, dans ce contexte, n’étaient pas considérés comme prioritaires. Aujourd’hui enfin, les entreprises peuvent consacrer des budgets conséquents à la gestion de la relation client et elles le font. Je pense que le rattrapage sera rapide. Sur quels aspects du CRM doivent, selon vous, se concentrer en premier lieu les investissements ? P.A. : La priorité : la base de données clients. C’est le fondement d’une stratégie de relation client. Si l’entreprise ne crée pas cette base avec des informations riches, vivantes, renouvelées sur ses clients, il lui est impossible de faire de la GRC. C’est donc là-dessus que doivent d’abord investir les entreprises, c’est fondamental. Ensuite seulement, elles devront voir quels sont les outils les plus adaptés. Pour les définir, elles doivent se poser une question : comment est-ce que j’imagine mes relations avec mes fournisseurs et mes clients dans trois ans ? À quoi ai-je envie que ces relations ressemblent ? Une fois qu’on a des réponses, on choisit les moyens à mettre en œuvre : informatiser ses commerciaux, mettre en place un centre d’appels, développer la vente en ligne, etc. Mais ces outils ne sont que la conséquence d’une stratégie claire, ils ne doivent en aucun cas la précéder. Répétons que la véritable valeur de l’entreprise, c’est l’information qu’elle détient et qu’elle doit organiser pour l’exploiter au mieux, qui vient de différents canaux, qu’il faut collecter, organiser, unifier pour la redistribuer à toutes les personnes en contact avec les clients. On a le sentiment que, pour vous, sans stratégie de gestion de la relation client, point de salut pour les entreprises… P.A. : Absolument ! Réorganiser son entreprise autour du client est nécessaire, vital même, que l’on évolue en B to B, en B to C, que l’on soit une “dotcom” ou une entreprise “classique” ! L’enjeu est de créer un système dans lequel je dispose mes forces de vente sur des actions à forte valeur ajoutée et où tout le reste est automatisé. La GRC est un phénomène inéluctable, une question de survie pour les entreprises ! * La gestion de la relation client, par Damien Dirringer et Pierre Alard, éditions Dunod, 295 pages, 169 francs (25,76 euros)

 
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Propos recueillis par Frédéric Thibaud

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