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Apprenez à tirer parti des enchères inversées

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Pour bien réussir une enchère inversée, la préparation en amont est une étape primordiale à ne surtout pas négliger. Afin de garder à l'esprit que votre objectif n°1 est de préserver vos marges.

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Lundi, 14 heures. Devant votre écran d'ordinateur, vous assistez au coup d'envoi de l'enchère inversée organisée par ce client potentiel que vous convoitez depuis un an. Cinq concurrents, dont vous ignorez l'identité, sont également dans la course et baissent leur prix au fur et à mesure de la séance. Pour emporter le marché, promis au fournisseur le moins cher, vous descendez vos tarifs en serrant les dents à chaque fois que vous voyez vos marges s'éroder. Comble de malchance, une heure plus tard, alors qu'il ne reste plus qu'une minute, l'acheteur annonce des prolongations ! « Ce scénario est devenu la bête noire des commerciaux, constate Yvelise Lebon, directrice du conseil marketing et commercial à la Cegos. D'une manière générale, les enchères inversées bouleversent le schéma classique de la vente, basé sur la négociation en face-à-face.» Malgré tout, cette technique ne cesse de se développer. «Il y a cinq ans, elle portait sur de gros contrats, au-delà de 500000 euros d'achats, et concernait uniquement les grands groupes, remarque Hicham Abbad, consultant chez K-Buy, société de conseil en achats, organisatrice d'enchères inversées. Aujourd'hui, ce seuil est tombé à 50000 euros et les PME commencent à l'utiliser pour des produits comme les fournitures, les emballages et tous les composants standard.» Les organisateurs d'enchères inversées ont également baissé leurs prix et acceptent aujourd'hui de monter une séance à partir de 5000 euros, alors qu'il fallait plutôt compter 30000 euros voilà six ans. Cela n'a pas de quoi rassurer les commerciaux qui doivent composer avec ces nouvelles méthodes d'achat...

Proposez votre aide

Face à ce phénomène, la première attitude à adopter est de garder la tête froide. Et de s'organiser soigneusement, comme pour tout appel d'offres. Lorsqu'un client potentiel vous contacte, via son service des achats, pour se renseigner sur vos produits et votre société, informez-vous à votre tour sur son compte. Sans oublier de mener en complément une enquête discrète?: qui est le fournisseur actuel ? Depuis combien de temps ? Quel est son positionnement sur les prix et les services ? Comment a évolué sa collaboration avec son client ? Quels sont les projets de développement de ce client ? Un préliminaire important afin de vous adapter, et même devancer les demandes du prospect et y apporter la réponse appropriée. «Un fournisseur peut, par exemple, proposer d'aider l'acheteur à rédiger son cahier des charges, indique Thierry de Cassan, directeur général de Syner Trade, conseil en achats. Car, une fois son sourcing bouclé, l'acheteur envoie un document synthétique récapitulant son besoin à tous les fournisseurs présélectionnés. Or, malgré son professionnalisme, il peut avoir des lacunes techniques que le commercial corrige en proposant son aide.» Un premier point constructif dans une relation qui va souffrir d'une dématérialisation des échanges. En effet, bien souvent, vous ne verrez pas physiquement l'acheteur à l'origine de l'enchère.

Vérifiez le type d'enchères

Certaines enchères débutent, quelques jours avant le jour J, par une précotation. Les fournisseurs donnent leurs prix, qui serviront à l'acheteur pour déterminer le seuil de départ de l'enchère inversée. Généralement, le prix le plus bas est retenu. «Attention à ne pas se tromper lors de cette opération, prévient Jean-Claude Lepimpec, responsable de gestion de SND, PME fabricant des pièces mécaniques de précision. La capacité de production et les scénarii de prix doivent être bien définis ce qui permet d'assurer une marge.» Quitte à “gonfler” un peu son prix de départ lors des précotations, afin de préserver une sécurité le jour de l'enchère. Dans cette phase, l'acheteur envoie à ses fournisseurs potentiels l'invitation à l'enchère inversée, comportant la date, l'heure et l'adresse Internet à laquelle il faut se connecter. Veillez à ce que le mode d'emploi technique de l'enchère vous soit fourni afin de vous préparer de la meilleure manière. «Nous organisons des formations pour les commerciaux, assure Hicham Abbad. Nous expliquons alors le déroulement et le fonctionnement de cette opération. Les forces de vente ne doivent pas hésiter à y participer, pour, au minimum, démystifier la technique et, au mieux, apprendre à la maîtriser.» Avant l'enchère, vous devez également recevoir le règlement de la séance, qui doit mentionner son objet (certains marchés peuvent être découpés en lots), son déroulement et notamment la possibilité de prolongations. «Si la séance est généralement courte, par exemple une heure, une proposition à quelques minutes de la fin peut relancer l'opération?», précise Thierry de Cassan (Syner Trade). Enfin vérifiez dans le règlement les critères de sélection de l'acheteur. «En effet, il existe deux types d'enchères, souligne Laurent Masson, directeur de la filiale espagnole de Nexans, fabricant de câbles, qui participe régulièrement à ce genre d'opération. Certaines servent effectivement à retenir le fournisseur le moins cher. D'autres ne sont qu'une forme de bench­mark, où les acheteurs consultent les fournisseurs pour se faire une idée du marché. Il faut impérativement savoir, avant le jour J, de quel type d'enchère il s'agit.?» Ainsi, dans un cas, vous aurez réellement la possibilité d'emporter le marché si vous êtes le moins coûteux. Dans l'autre, l'acheteur peut choisir le n° 2, s'il s'agit de son fournisseur actuel avec lequel il a l'habitude de travailler, même s'il propose un prix plus élevé que le moins-disant.

Levez le pied

La veille de l'enchère, il est important que vous vérifiiez votre maîtrise de tous les scénarii de prix envisageables, avec leurs répercussions sur votre taux de marge. «Nous avons instauré un process pour répondre à ce genre de consultation, note Pascal Grenard, directeur de la division grandes affaires chez Ricoh, fabricant de systèmes d'impression. À chaque niveau de prix correspond un niveau de qualité et de délai de réalisation de la prestation. Nous sommes donc en mesure de répondre à tout type de sollicitations sur les prix.» Le jour de l'enchère, prenez quelques précautions comme, par exemple, réunir les bonnes personnes autour de l'écran. «Chez nous, trois personnes sont présentes lors des transactions, explique Laurent Masson. L'une s'occupe du clavier et de la souris, l'autre est chargée des calculs de prix. La troisième joue le rôle de coach durant toute l'opération. Il sert de garde-fou et prend la décision d'arrêter, si la situation tourne à notre désavantage.» Hors de question de laisser un commercial inexpérimenté et esseulé affronter cette épreuve. Techniquement, prévoyez également un second ordinateur, en cas de défaillance du premier. Enfin, au début de l'enchère, ne vous emballez pas pour baisser vos prix. «?En effet, les prolongations font descendre les tarifs à des niveaux très bas. Il vaut mieux se réserver pour la fin», estime Jean-Claude Lepimpec (SND). L'acheteur peut également vous envoyer des messages sur écran, voire vous téléphoner, pour vous inciter à baisser. «Il faut prendre toutes ces sollicitations avec distance, conseille Pascal Grenard. Une séance d'enchères, ce n'est pas le casino, mais une véritable transaction qui doit rester professionnelle quoi qu'il arrive.?» N'oubliez jamais qu'une séance réussie dépend aussi de votre capacité à vous arrêter. La vraie question à vous poser alors est de savoir si la préservation de vos marges ne vaut pas mieux que du chiffre d'affaires à tout prix ?

A savoir. Les formateurs font front commun contre les enchères

Au sein de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), la Démos, la Cegos et les autres sociétés de formation ont décidé de rejeter toute participation à une enchère inversée. Un mot d'ordre qui marque leur ras-le-bol envers cette pratique. «Si une enchère inversée peut être adaptée à un produit banalisé et standardisable, elle ne l'est pas quand on vend du conseil ou des services souvent personnalisés, analyse Jean-Marie Girondel, directeur commercial de Démos. Cette méthode de vente n'a aucune justification, car elle ne permet pas de comparer des offres identiques. Comment évaluer le prix d'un formateur ? C'est impossible et c'est pourquoi les membres de la FFP refusent de participer à des enchères pour remporter un appel d'offres.» Une position qui fera peut-être école dans d'autres secteurs d'activités.

Le témoignage de Michaël Benabdallah, directeur de réseau grandes entreprises chez Arval, loueur longue durée de véhicules «Après l'enchère, il est toujours possible de continuer à négocier»

Dans le secteur de la location automobile longue durée, les contrats pluri-annuels signés avec les clients peuvent être modifiés par la sortie d'un nouveau service, voire d'un nouveau véhicule qui remplacera le modèle choisi lors de l'enchère inversée. «Cette particularité de notre métier nous offre la possibilité de renégocier, une fois l'enchère terminée?», confie Michaël Benabdallah. Un conseil valable pour tous: ne vous laissez pas enfermer par une enchère inversée, mais au contraire, gardez des services annexes que vous pourrez vendre par la suite. Quant à la méthode même de l'enchère, qu'il juge peu adaptée à son métier, Michaël Benabdallah reconnaît qu'elle permet, quand même, de “benchmarker” assez efficacement. «Même si l'on ne remporte pas l'enchère, on récupère des informations sur le prospect et ses besoins, ainsi que sur le positionnement de la concurrence.» Des informations à garder précieusement en attendant le prochain appel d'offres.

 
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Olga Stancevic

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