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Attention, le niveau d’exigence monte !

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Dans les domaines de compétence des vendeurs se greffent du marketing, de la gestion et la maîtrise des outils informatiques. Ce qui tend à faire grimper le niveau d’entrée dans la fonction commerciale. Recruteurs et éducateurs pèsent les atouts respectifs des formations courtes et longues.

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Jean Masson,directeur de Job Rencontres. Organise, trois fois par an à Paris, le Carrefour des carrières commerciales, salon de recrutement de commerciaux (bac + 2 à bac + 6). A été directeur général du cabinet de conseil Bernard Julhiet. “Le niveau de formation et d’aptitudes des vendeurs est en constante augmentation, notamment dans les sociétés dont la technologie a beaucoup évolué. Par exemple, on ne vend plus un simple photocopieur mais des solutions d’impression, parfaitement adaptées aux besoins du client que le vendeur aura su écouter.” Sous l’impulsion d’un marché de plus en plus concurrentiel et technique, on est passé du vendeur au conseiller. Il ne s’agit plus de faire un seul gros coup, mais de choisir et bien servir son client pour travailler avec lui sur le long terme. Les entreprises qui recrutent sur nos salons demandent donc à leurs vendeurs d’être plus que des vendeurs. Ce n’est pas pour rien que l’on parle de plus en plus de conseiller commercial, d’ingénieur commercial ou de vendeur conseil, cela correspond bien à un niveau accru de compétences. Plus une entreprise se développe sur une technologie qui avance vite, plus elle a besoin de vendeurs d’un niveau élevé, capables d’évoluer en même temps que le produit. En fonction de cela, les entreprises recrutent entre bac + 2 et bac + 6. Un commercial doit choisir l’entreprise où son diplôme s’exprimera le mieux. Les entreprises que j’ai contactées pour faire le point sur leurs profils de recrutement reprochent d’ailleurs aux jeunes diplômés de ne pas savoir choisir la bonne direction professionnelle. Les vendeurs doivent avoir des connaissances techniques, de vraies notions de marketing et de gestion, savoir utiliser l’outil informatique de manière à être pleinement réactifs avec le client et assurer un suivi commercial efficace. La taille de la zone de chalandise a diminué afin que le vendeur puisse approfondir la relation client. Le vendeur ne chasse plus le client, il l’accompagne de manière à ce que chacun y trouve son intérêt. La formation initiale est de ce point de vue importante, mais les entreprises investissent aussi de plus en plus dans la formation continue. Pour rentabiliser cet investissement, elles cherchent à garder plus longtemps leurs salariés en augmentant le salaire fixe. On voit réapparaître des mots comme fidélité, loyauté, engagement, implication dans l’entreprise. Le métier est devenu plus adulte. Patrick Thill,directeur des ressources humaines de Würth France, supervise le recrutement, l’intégration et la formation des vendeurs. Leader mondial sur le marché des pièces et produits de fixation, Würth France a doublé ses effectifs commerciaux en quatre ans et compte aujourd’hui 1 500 vendeurs. “La vente aujourd’hui est plus complexe et plus technique, nous demandons donc à nos vendeurs de connaître parfaitement les produits et d’être de plus en plus pointus dans leurs interventions pour développer un vrai partenariat avec le client.” Hier comme aujourd’hui, nous recherchons bien sûr des vendeurs déterminés, enthousiastes, qui donnent envie d’acheter, qui ont envie de gagner de l’argent et de remplir leurs objectifs. Ce qui fait la différence aujourd’hui, c’est l’adaptabilité du vendeur à une entreprise et un marché qui évoluent vite. Depuis cinq ans, nos forces de vente ont énormément changé. Nous les avons spécialisées par segment de marché, ce qui permet à nos vendeurs d’asseoir plus facilement leur crédibilité face à un client qui connaît bien son domaine. Par ailleurs, notre catalogue s’est énormément étoffé, il contient plus de 18 000 références. Le vendeur doit être organisé et réactif pour pouvoir absorber toutes les nouvelles fiches produits qu’il reçoit et en parler au client de façon pragmatique et technique. Le vendeur travaille aussi de manière très étroite avec tous les services fonctionnels de l’entreprise. Autonome sur son secteur, il doit être curieux des autres fonctions de la société. Il doit bien comprendre le travail de l’ensemble des services pour en être le relais efficace sur le terrain, et notamment du service marketing. Ce sont ces qualités majeures que nous recherchons lors du recrutement. Nous privilégions les vendeurs de formation double, commerciale et technique, de niveau bac + 2, ou de jeunes professionnels connaissant nos métiers, mais nous en manquons. Nous sommes aussi attentifs à ceux qui ont effectué des stages significatifs et nous recrutons également des bac + 4, l’objectif étant de faire évoluer ces jeunes collaborateurs soit dans les métiers de la vente et de l’encadrement, soit dans les services fonctionnels du siège, marketing ou controlling par exemple. Quant aux étudiants, plus ils feront de stages, mieux ce sera. L’apprentissage se développe et nous en sommes ravis car nous avons besoin de ces jeunes diplômés qui savent ce qu’est la vente quand on les rencontre pour la première fois. Christine Jullien, professeur en BTS Force de vente à l’École nationale de commerce à Paris. A contribué à la réalisation d’un manuel, Communication et négociation en force de vente, paru en 1988 chez Foucher et régulièrement réédité. “Les entreprises aiment les vendeurs de niveau bac + 2 car les étudiants issus des formations force de vente sont immédiatement opérationnels. C’est la seule formation supérieure qui enseigne de manière si complète les techniques de vente et de négociation.” Les jeunes vendeurs diplômés d’un BTS Force de vente sont très pragmatiques, cela plaît aux entreprises, je le vois dans leurs évaluations. En revanche, elles regrettent peut-être leur jeunesse, ils manquent un peu de maturité et d’autonomie. C’est moins le cas avec les diplômés des écoles de commerce. Par rapport à ces derniers, les BTS Force de vente manquent également de culture générale, ils ont parfois du mal à en comprendre l’importance. Ceci dit, beaucoup de diplômés bac + 2 ont tendance à poursuivre leurs études et à passer le concours parallèle des écoles de commerce, où ils réussissent plutôt bien, car à leur entrée sur le marché du travail, ils sont directement en concurrence avec les bac + 4 qui eux aussi commencent comme vendeurs. Pour les entreprises, la maîtrise de l’outil informatique fait la différence entre deux vendeurs à compétence technique égale, car la gestion de la profession se fait désormais par l’informatique. Donc notre souci pour le moment, c’est d’équiper tous nos étudiants en informatique. L’autre évolution marquante de la profession concerne les techniques de négociation et de communication. On demande au vendeur beaucoup plus de hargne et de pugnacité dans sa relation avec le client. Je dirais qu’auparavant, le client dictait sa loi. Aujourd’hui, le vendeur doit défendre son point de vue, il doit mener une négociation réelle afin de défendre son prix et sa marge. Et c’est grâce à la double maîtrise des techniques de négociation et de l’informatique que le vendeur conservera son client dans le cadre d’une relation sur le long terme. Jean-Luc Castelein, directeur général du groupe Sup de Co La Rochelle. Le groupe comprend plusieurs formations commerciales : une Sup de Co, un “bachelor” (bac + 4), et un parcours SupGeCo (également de niveau bac + 4). “Nous sommes une des rares Sup de Co à dire que nous formons des vendeurs. Le groupe a pris une forte teinture commerciale dès 1989. 70 % de nos étudiants démarrent dans le commercial pour leur premier job.” En volume, c’est le secteur agro-alimentaire qui recrute le plus, mais le high tech est en forte progression, et le cosmétique et le luxe restent les premiers au cœur des étudiants. Ces secteurs trouvent dans nos écoles un bien meilleur taux de réussite. Ouverte en 1995, une section de deux années avec un rythme d’alternance de trois jours/deux jours, comprenant vingt apprentis, dont quinze se situent dans le domaine commercial, fonctionne à merveille. Elle vise plus particulièrement à répondre aux PME-PMI, mais même Procter & Gamble nous demande deux ou trois apprentis commerciaux par an. Longtemps, les mots “vente” et “vendeurs” ont représenté des obstacles inénarrables pour recruter. Dans les familles revenait la phrase : “tu n’as pas fait tant d’études pour être vendeur”. Nous retrouvons beaucoup moins cette attitude. Aujourd’hui, le directeur commercial est dans le sens du vent. Le marketing terrain a pris de l’ampleur, on ne dit plus aux acheteurs : “je te fais combien de remise”, mais on négocie des contrats. La palette des possibles est donc devenue plus attirante. Mais nous sommes quantitativement en pénurie d’acteurs commerciaux sur le terrain. C’est donc une sacrée opportunité pour ceux qui ont du punch. C’est pourquoi les stages sont une très bonne façon de voir ce que va donner un gamin. Je trouve que spontanément les jeunes font confiance à l’entreprise, ils sont redevenus humbles, mais crédules. Tout de même, la vente reste souvent pour eux un mal nécessaire. Pierre Freidenberg, chargé des relations école-entreprises à l’ISC (Institut supérieur du commerce) à Paris. A été directeur des ventes puis directeur commercial d’une société de métallurgie. “Le vendeur qui sillonnait la France avec sa voiture et sa serviette est aujourd’hui un James Bond équipé d’un ordinateur, lancé sur une région pour capter les forces vives d’un marché et doté d’outils de mesure tels qu’il a des obligations de résultat.” Être vendeur, c’est d’abord un état d’esprit qui consiste à vouloir créer des échanges par des systèmes de communication et de relationnel. De la première à la dernière heure passée à l’ISC, les étudiants font de la vente en permanence, pour trouver un stage, monter un forum école-entreprises. Ensuite, ce sont des aptitudes et des outils. Dans les années 80, les entreprises voulaient des vendeurs dynamiques, agressifs, avec du bagout. Aujourd’hui, on parle d’autonomie, d’adaptabilité, de capacité de communication. En bref, le vendeur doit avoir les mêmes qualités qu’un consultant car son objectif n’est pas de vendre un produit mais de proposer une solution sur un marché où l’offre est supérieure à la demande. Et c’est d’autant plus vrai sur les marchés à technologie élevée. Ceux-ci exigent du vendeur un certain niveau d’expertise. Et pour cela, un commercial doit développer trois types de compétences : marketing pour avoir le souci de satisfaire le client, informatique pour un suivi commercial optimum, financière pour comprendre l’évolution du marché. Sans oublier l’anglais, bien sûr, la langue des affaires. C’est également par une formation longue qu’un commercial intégrera les outils de management indispensables car les vendeurs sont de moins en moins directement encadrés. C’est une tendance promise à se développer dans notre société atomisée et individualiste. Thierry Daniel, directeur commercial de Procter & Gamble. Issu de l’École supérieure de commerce de Toulouse, a débuté dans la société comme vendeur. “Nos vendeurs doivent avant tout faire preuve de beaucoup d’esprit d’initiative et de grandes capacités d’analyse, ils doivent savoir animer des équipes. Ce sont des qualités que l’on a toujours recherchées.” Historiquement, nous recrutons parmi les diplômés des écoles de commerce. Il ne s’agit pas d’une pratique discriminatoire à l’égard des jeunes vendeurs de formation type bac + 2, mais d’une attitude pragmatique. Les vendeurs issus des écoles de commerce se sont toujours bien développés chez nous. Bien sûr, nous sommes conscients que leur niveau de formation leur ouvre des perspectives de progression importantes, nous ne les embauchons donc pas pour leur offrir une carrière sur le terrain. Au contraire, nous leur proposons d’évoluer vers les responsabilités les plus élevées qu’ils puissent exercer selon leurs capacités, non seulement au sein de la fonction commerciale mais aussi sur l’ensemble des postes de la compagnie. Il s’agit là d’une nouveauté introduite dans le cadre d’un plan de réorganisation de l’entreprise. À ce titre, nous demandons aujourd’hui à nos commerciaux des capacités accrues de travail en équipe. Nous attendons également d’eux qu’ils prennent des risques : ils doivent se demander comment vraiment changer les choses chez les clients, en l’occurrence des distributeurs. Il y a un droit à l’erreur. Ils disposent d’ailleurs d’outils perfectionnés, de géomarketing ou d’analyse des zones de chalandise de chaque magasin par exemple. En conjuguant l’usage de ces outils et ses capacités d’analyse et d’expertise, le vendeur peut jouer son rôle pleinement : aider son client à prendre les meilleures décisions.

Ce qu’il faut retenir - Lors des recrutements, les entreprises sont de plus en plus exigeantes sur le niveau d’aptitudes et de compétences des candidats. Elles demandent aux jeunes diplômés de posséder des notions de gestion, de finance, de logistique et de marketing, ainsi qu’une maîtrise réelle de l’outil informatique. De ce fait, les vendeurs de qualification bac + 2 se trouvent en concurrence avec les diplômés de niveau bac + 4 à 6. Ceux-ci commencent souvent leur carrière par un poste de vendeur sur le terrain avant de se voir confier des responsabilités. - Cependant, les vendeurs fraîchement recrutés reçoivent, surtout dans les grandes entreprises, une formation maison aux produits et aux techniques de vente. - La relation vendeur/client est très nettement conçue sur le long terme, ce qui confère au commercial un rôle accru de conseiller. Un bon vendeur est donc celui qui sait écouter son client.

Les commerciaux en chiffres - Le nombre de commerciaux est évalué à 700 000 personnes. En l’absence d’études fiables, l’Observatoire de la Fonction Commerciale estime que 60 % des commerciaux sont titulaires d’un diplôme de niveau bac + 2 (BTS Action commerciale, Force de vente, ou DUT Tech de Co), 15 % d’un diplôme de niveau bac + 4 à 6 (écoles de commerce), les autres vendeurs étant titulaires du baccalauréat ou d’un niveau de qualification moindre. Selon ces mêmes estimations, la part de ces derniers a diminué au cours des dix dernières années au profit des bac + 2. En revanche, le rapport entre les bac + 2 et les bac + 4 à 6 est relativement constant. - Selon le ministère de l’Éducation nationale, 13 834 BTS Action commerciale et Force de vente ont été délivrés en 1997, contre 20 797 diplômés en 1994. Le taux de poursuite d’études pour les titulaires d’un BTS est relativement élevé et ne cesse d’augmenter. Il était de 46 % en 1992, selon la dernière enquête détaillée par spécialités du Cereq (centre d’études et de recherche sur la qualification). L’enquête réalisée en 1995 porte sur les diplômés de 1992.

 
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M.-P. Vega et S. Brouillet

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