Bataille à tous les étages
Les acteurs du marché sont confrontés à un boom de leur activité. Une conjoncture due aux exigences du législateur qui a lancé une mise aux normes de l'ensemble du parc d'ascenseurs français d'ici à 2008. Embauches et motivations des équipes commerciales sont donc au coeur de leurs priorités. Avec un maître-mot : celui de la proximité avec les clients.
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>Les ascensoristes français atteignent des sommets ! Leur marché devrait,
en effet, connaître en 2006 une croissance de 5 à 8 % par rapport à 2005, selon
la Fédération des ascenseurs, qui évalue le chiffre d'affaires du secteur à
environ 2 milliards d'euros en 2006. Une croissance portée notamment par la loi
sur la sécurité des ascenseurs existants (dite loi SAE votée en 2003 et mise en
application en 2005). Cette dernière oblige les acteurs du marché à mettre aux
normes leurs appareils et à répondre à toutes demandes de consultation de
clients, qu'elles portent sur leur propre parc ou sur des ascenseurs de leurs
concurrents. Un vaste chantier car 60 % des appareils du parc français, qui
représente 450 000 appareils, ont plus de vingt ans. C'est donc sur les
services que se battent en priorité les professionnels du secteur.
L'Américain
Otis réalise ainsi 30 % de son chiffre d'affaires avec l'activité services et
l'Allemand ThyssenKrupp 25 %. Le premier, acteur historique créé à la fin du
XIXe siècle en France, occupe toujours la première place du podium avec 36 % de
parts de marché (source Otis). Quant à ThyssenKrupp, qui revendique 17 % de
parts de marché (derrière Schindler), il récolte aujourd'hui les fruits d'une
fusion de ses différentes entités (Thyssen Ascenseurs et CGAA), demeurées
indépendantes jusqu'en 2003. « Nous avons réuni deux forces de vente aux
cultures très différentes, l'une plus axée sur les services, l'autre avec une
histoire plus industrielle, explique Jean-François Veyssière, président de
ThyssenKrupp Ascenseurs. C'est cette fusion qui nous permet d'être aujourd'hui
troisième acteur français du marché. »
Force de vente : Otis embauche, ThyssenKrupp réaménage le temps de travail
La loi SAE oblige donc les ascensoristes à mettre aux normes l'ensemble de leur parc
installé et à renforcer leur dispositif de maintenance. Un travail de titans
pour les forces de vente : des milliers de devis à rédiger, de nouvel les
demandes clients à gérer, des contrats à renégocier… « L'année 2006 a été plus
que difficile, ne cache pas Albert Crosby, directeur marketing et développement
stratégique Europe du Nord chez Otis. Car nous traitons aujourd'hui notre
parc existant avec le même niveau d'exigence que le neuf. » Et d'affirmer
fièrement avoir mis aux normes, et donc renégocié commercialement, 40 % de son
parc en 2006, soit 64 000 appareils. Pour compenser cet accroissement
d'activité, les deux ascensoristes ont dû trouver de nouvelles ressources…
humaines en particulier. Otis a fait preuve d'inventivité en allant dénicher
des forces vives dans les écoles de commerce. Les jeunes recrues, rattachées à
l'un des 150 commerciaux de l'industriel, intègrent l'entreprise pour une
période de six mois.
Leur mission ? Aider la force de vente à rédiger des devis
et à renégocier les contrats de maintenance. En 2006, Otis a recruté 35
stagiaires et en prévoit d'en prendre une quarantaine en 2007. « Il s'agit non
seulement d'une force d'appoint mais aussi d'un potentiel de recrutement
précieux pour la direction commerciale », souligne Albert Crosby. Ainsi, parmi
ses stagiaires, il compte en embaucher 25 à 30, et ce au cours des trois
prochaines années . De son côté, ThyssenKrupp a privilégié l'optimisation du
travail de ses commerciaux en confiant le chiffrage à l'administration des
ventes. Ce qui a été réalisé en 2006. L'ascensoriste a également créé un outil
de chiffrage permettant de répondre dans des délais restreints aux demandes des
clients. L'industriel envisage tout de même de grossir ses rangs en 2007, mais
dans des proportions beaucoup moins importantes qu'Otis.
Motivation : ThyssenKrupp mise sur la rémunération, Otis sur l'émulation de groupe
Conséquence de la loi SAE : les objectifs des commerciaux ont été revus à
la hausse. Un processus qui engendre une redéfinition des méthodes de
motivation des forces de vente. Ainsi , chez ThyssenKrupp, la direction
commerciale a introduit en 2006 une partie de variable (20 %) dans la
rémunération des vendeurs. Une première chez l'industriel allemand. Ce système,
appliqué pour le moment aux nouvelles recrues, devrait être étendu à l'ensemble
de la force de vente au cours de cette année. Autre changement majeur pour
l'Allemand : la réorganisation complète de sa structure commerciale afin
d'accroître sa performance et d'optimiser la fusion de ses équipes. En lieu et
place des douze régions existantes, quatre zones ont été créées. Chacune est
dirigée par une direction régionale, véritable entité indépendante (environ 75
millions d'euros de chiffre d'affaires) avec, à sa tête, un directeur
commercial, un directeur administratif et financier, un DRH, etc.
Qui dit
nouvelle structure commerciale, dit nouveau management. L'animation des ventes
est désormais confiée aux managers commerciaux régionaux. Et pour les motiver,
des formations ont été mises sur pied, notamment en techniques de vente. Chaque
vendeur a donc bénéficié en 2006, et à nouveau cette année, de 11 heures de
formation en plus par rapport à 2005. « Pour nos vendeurs, les formations
commerciales sont clairement un élément de motivation », explique Jean-François
Veyssière, qui réfléchit également à faire appel à des prestataires extérieurs
pour organiser des campagnes de détection de leads pour les commerciaux. De
quoi, encore une fois, motiver ces derniers. « Nous avons testé cette formule à
Lille et avons obtenu de bons résultats. D'où notre volonté de perdurer dans
cette voie », explique le président de ThyssenKrupp.
Côté motivation, Otis
n'est pas en reste. Loin s'en faut. Le leader a commencé par déplafonner le
variable de ses commerciaux (auparavant limité à 20 %). Ainsi, selon leurs
résultats, certains ont bénéficié d'un variable de 40 %, d'autres de seulement
10 %. Mais la grande innovation est d'avoir sorti les vendeurs de leur
isolement. Pour la première fois en juin 2006, Otis a réuni au sein d'une même
convention, en Ardèche, au village Pierre & Vacances du Rouret, commerciaux et
agents de maintenance. Et mis en place primes et challenges communs aux deux
professions, en lien avec la loi SAE. « Contremaîtres et commerciaux vont avoir
les mêmes gains à partager, alors que jusqu'à présent les seconds gagnaient
bien plus que les premiers », relate Albert Crosby.
Un parti pris que ne
partage pas ThyssenKrupp. Toujours dans le même objectif de fédérer les
différentes populations sur le terrain, Otis a créé en 2006 des focus groupes
mêlant commerciaux et non-commerciaux. Fondées sur le volontariat, ces équipes
travaillent sur des sujets liés au fonctionnement de leur agence ou plus
largement de l'ensemble de l'entreprise. Le programme “Open Space”, créé en
2006, complète le dispositif : à quatre reprises dans l'année, les vendeurs
sont invités au siège de l'industriel pour travailler et réfléchir sur les
évolutions de l'entreprise. « Nous souhaitons faire évoluer la fonction
commerciale dans la société et venons d'ailleurs de mettre en place un système
de gestion de carrière très balisé avec une grille de rémunération selon les
fonctions occupées. L'objectif : fidéliser nos commerciaux pour mieux fidéliser
nos clients », conclut Albert Crosby.
Relation clients : Otis ouvre des “magasins”, ThyssenKrupp envoie ses vendeurs sur le terrain
Otis et ThyssenKrupp partagent une devise commune : « Toujours plus proche de
nos clients. » Cette proximité s'illustre de prime abord par leurs réseaux
d'agences : ils quadrillent la totalité – ou presque – du territoire français.
Otis en compte soixante, réparties au sein de huit régions commerciales. Paris
dispose d'un traitement de faveur puisque l'industriel américain y a créé cette
année un réseau de onze agences de proximité ouvertes au public. Tel un
magasin, dans lequel le copropriétaire d'un immeuble peut se rendre pour
soumettre un problème, sans passer par son syndic. L'ascensoriste a donc
désormais, à l'instar d'une banque ou d'un assureur, pignon sur rue et propose
à ses clients des équipes complètes (commerciales et techniques) derrière une
vitrine ! Ces dernières illustrent une fois de plus la volonté d'Otis de mêler
davantage les commerciaux au reste de l'entreprise. « Nous souhaitons donner à
nos clients l'image d'un commercial qui n'agit pas seul. Le fait de les
regrouper avec les techniciens permet une meilleure remontée des informations,
et donc un meilleur ciblage des besoins clients », s'enthousiasme Albert
Crosby.
La création de ces agences parisiennes a également eu un effet motivant
sur les fonctions commerciales, car certains vendeurs ont été promus directeurs
d'agence. De son côté, ThyssenKrupp, qui dispose de 50 agences en France, a
également mis les bouchées doubles sur la capitale, dans laquelle il en compte
neuf. Il prévoit d'ailleurs pour cette région d'embaucher une quinzaine de
commerciaux en 2007 et cinq à six personnes à l'administration des ventes. «
Notre part de marché est aujourd'hui supérieure en province, nous souhaitons
donc augmenter notre présence en Île-de-France », souligne Jean-François
Veyssière.
Autre priorité pour l'ascensoriste : la proximité client. « Nous
avons réalisé combien nous avions encore besoin d'accroître notre présence chez
le client. Nous avons pendant longtemps cédé à la faci l i té de la demande »,
évoque Jean-François Veyssière. Le fabricant, à la suite d'une enquête de
satisfaction, a constaté combien les clients étaient demandeurs et souhaitaient
rencont r e r davant a g e l e s vendeur s . ThyssenKrupp a ainsi augmenté le
nombre de visites de ses commerciaux de 15 à 20 %. Et le fabricant envisage de
créer cette année dans ses agences un poste de responsable client. « Ce dernier
devra raisonner comme s'il était lui-même client de ThyssenKrupp. Il fera
office de relais en alertant les services techniques ou commerciaux sur un
problème, avant même que le client soit mécontent », révèle fièrement
Jean-François Veyssière. Une façon d'anticiper les besoins du client qui
permettra peutêtre au challenger de grignoter quelques parts de marché à Otis.
ThyssenKrupp Ascenseurs
Chiffre d'affaires 2006 : 300 millions d'euros
Effectif France : 2 400 personnes
Nombre de commerciaux : 120 et 60 technico-commerciaux
Nombre d'agences : 50 dont 9 en région parisienne
Parc installé : 100 000 ascenseurs sous contrat de maintenance.
Parts de marché France : 17 %
Otis
Chiffre d'affaires 2005 : 1 milliard d'euros
Effectif France : 5 800 collaborateurs
Nombre de commerciaux : 220
Nombre d'agences : 60, dont 11 à Paris.
Parc installé : 160 000 appareils sous contrat de maintenance
Parts de marché France : 36 %