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Ce design qui fait vendre

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Des couleurs chatoyantes, des lignes ondulantes, des matières transparentes, le design se répand sur les marchés comme une traînée de poudre. Les designers “s’éclatent”, mais comment cette tendance se justifie-t-elle sur un plan stratégique et commercial ? Et dans quelle mesure l’univers commercial se retrouve-t-il dans ces nouvelles gammes ?

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Il ne vous aura pas échappé que l’iMac, lancé il y a un an et demi, ne ressemble à aucun autre ordinateur : Jonathan Ive, le designer d’Apple, a troqué les lignes droites pour une forme ovoïde et le traditionnel gris contre des couleurs translucides. Le design a aussi largement investi le terrain du petit électroménager, de l’audio et de la vidéo : le presse- agrume de Philips a des airs de soucoupe volante, sa Flat TV s’accroche au mur comme une œuvre d’art, quant aux mixers de Moulinex, ils sont devenus ultra élégants. Beaucoup plus surprenant, la société Tarkett Sommer, qui fabrique et vend en business to business des revêtements de sols et de murs, a fait plancher début 1999 une douzaine de designers de renom pour créer une gamme spécifique : le rose bonbon côtoie le rouge sang, les formes abstraites se font tendance années 60, etc. À première vue, il n’y a pas de points communs entre ces entreprises. À première vue seulement. Cette diversité masque en fait deux cas de figure : certaines ont réagi à un marché ultraconcurrentiel, d’autres ont fait appel au design pour sauver une gamme sur le déclin. Alcatel qui s’est lancé sur le marché du GSM se situe dans la première catégorie. “La compétition est féroce sur le marché de la téléphonie”, reconnaît Bertrand Minckes, design development manager sur les terminaux. Apple est, en revanche, à mettre dans la seconde : “La marque était marginalisée à cause de son système d’exploitation incompatible avec Windows”, reconnaît Jean-Pierre Giannetti, directeur marketing d’Apple France. Pour sauver une gamme ou contrer la concurrence Si l’esthétique est la clef de voûte du design, on ne peut toutefois pas le résumer à cela. “Le design doit aussi répondre à des exigences de fonctionnalité, de simplicité d’utilisation, de performance, etc.”, égrène Caroline Joucla-Lafabre, organisatrice du salon Design 1999 qui se tient en décembre à Paris (cf. encadré). C’est ce qui explique que sur les 450 personnes qui, à travers le monde, travaillent pour Philips sur le design, on croise aussi bien des anthropologistes, des sociologues, des psychologues que des designers. Certes, les multinationales déploient de gros moyens : le pdg de Philips France parle d’un investissement considérable… et confidentiel. Néanmoins, le design ne leur est pas réservé. Olivier Serruys, directeur de la filiale Manutan du Bénélux, qui a lancé un catalogue design de vente par correspondance en B to B, constate que “de plus en plus de petites sociétés tirent très bien leur épingle du jeu”. Et parmi les 1 000 références qui touchent essentiellement à l’environnement technique et de bureau, il a référencé Take 2, une entreprise allemande qui propose des articles autour de la table, ou Axis, une entreprise française qui vend des rideaux-photos, des tapis de souris, etc., très originaux. Le design n’est pas non plus l’apanage des seuls produits haut de gamme, c’est au designer de s’inscrire dans le cahier des charges qui lui est soumis. Le design se démocratise, mais attention, l’aventure n’est pas sans danger. Et si Apple a gagné son pari de prendre la concurrence par surprise, au départ, les jeux étaient loin d’être faits. “Nous avons pris des risques, reconnaît Jean-Pierre Giannetti, et cela a bien marché.” Aujourd’hui, le iMac représente 40 % des ventes mondiales d’Apple. Et l’entreprise dispose “d’une avance concurrentielle fantastique”. Le iBook, petit frère portable du iMac, s’apprête à suivre les traces de son aîné : 140 000 unités étaient d’ores et déjà commandées avant que les livraisons ne commencent (fin octobre en France). Les ventes n’ont pas atteint des sommets aussi élevés chez Tarkett Sommer : la création de cette nouvelle gamme “a déclenché des petites commandes”, explique Alix de Villiers, responsable des marchés, qui parle de 1 500 ou 2 000 m2. La spécificité des dessins, des couleurs, etc. ne permettait de toute façon pas de répondre à un vaste marché. Et puis, l’opération n’a pas fait l’objet de promotion particulière, contrairement à ce qui se prépare pour l’édition 2000. Une approche prospective Sur le marché du petit électroménager, l’arrivée de gammes designées a été tout simplement salvatrice. Ainsi, le marché français de la cafetière qui augmentait de 2 à 3 % chaque année a gagné 10 % au cours des 12 derniers mois. Une explosion qu’Olivier Depoorter, directeur marketing France du groupe Moulinex, attribue directement au “phénomène design”. Aux traditionnels achats de renouvellement, sont venus s’ajouter les achats coups de cœur. L’impact du design est en revanche plus difficile à mesurer sur des marchés en phase de croissance, comme celui de la bouilloire. Sur l’ensemble de l’activité du petit électroménager, les produits du groupe Moulinex ont affiché une croissance supérieure à celle du marché national qui s’est située autour de 4 ou 5 %. Le catalogue Design de Manutan, aujourd’hui distribué dans 5 pays, demain dans 7, a pour sa part généré en 1999 un chiffre d’affaires “deux fois supérieur à celui qu’il avait généré en 1998”, confie Olivier Serruys. Le design fait donc vendre. Et en plus, il se vend de mieux en mieux. Du moins lorsque les produits répondent aux attentes des consommateurs. Et que les commerciaux sont suffisamment impliqués. Les services marketing et design sont là pour veiller au premier point. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils font rarement appel aux commerciaux pour déceler les attentes des clients. Michel Andrieux, directeur design du groupe Moulinex, reconnaît dans certains cas l’utilité des échanges avec les commerciaux et le service consommateur. Mais il s’en méfie également. Car le designer craint les œillères comme la peste. Il redoute les raisonnements trop empreints de réalité, qui manqueraient d’imagination, et l’empêcheraient de prendre assez de distance pour proposer des idées novatrices. Impliquer les commerciaux Le bureau du design d’Alcatel Terminaux travaille pour sa part étroitement avec le service marketing qui réalise des briefs. En revanche, ses contacts avec les équipes commerciales sont également informels et ponctuels. “C’est peut-être dommage, reconnaît Bertrand Minckes, mais le service marketing est là pour servir d’intermédiaire entre les commerciaux et nous, pour accentuer les aspects prospectifs.” Si les commerciaux sont rarement associés en amont du projet, en revanche, il est important de les sensibiliser à la démarche. Michel Andrieux, de Moulinex, parle en effet du design comme d’un véritable effort collégial. “Nos commerciaux ont eu un rôle décisif dans le fait que les distributeurs présentent nos kits (bouilloire, grille-pain, cafetière) ensemble dans les linéaires.” Pour impliquer les commerciaux, les entreprises convient les designers, les responsables du marketing et la force de vente aux grand-messes de lancements de produits. Apple France a également créé des modules de formation sur internet aux spécifications produits, argumentaire de vente, etc. Et Moulinex organise des ateliers produits. Benoît Lelièvre, directeur général France de Philips appareils domestiques, estime quant à lui que l’implication de ses vendeurs est facilitée par le fait qu’ils sont jeunes, et donc sensibilisés au design. L’entreprise leur a par ailleurs judicieusement confié la responsabilité de former les revendeurs à ces nouveaux produits. Mais au-delà des chiffres, il y a ce que l’on pourrait appeler le “second effet design”. Olivier Depoorter reconnaît que grâce à ce lifting des produits, “la marque Moulinex apparaît aujourd’hui plus moderne”. Alix de Villiers, de Tarkett Sommer, parle de son côté d’une “initiative qui a balayé une image poussiéreuse”. Un second effet qui ne se mesure pas immédiatement, mais qui peut changer le cours de bien des choses.

“Le service marketing est là pour anticiper les besoins des clients, il sert d’intermédiaire entre les commerciaux et nous.” Bertrand Minckes, design development manager de l’activité Alcatel Terminaux En se lançant en 1996/1997 sur le marché du GSM grand public, un marché où la “compétition est féroce”, constate Bertrand Minckes, la marque a dû développer des facteurs de différenciation. “À une approche technique, Alcatel a préféré une approche art de vivre : l’objet doit susciter des émotions lorsqu’il s’agit d’un produit grand public et traduire des notions d’efficacité pour un appareil qui s’adresse au monde professionnel.”

“Au-delà de l’aspect commercial, la création de cette gamme Tecsom de dalles textiles designées a réveillé tout le monde.” Alix de Villiers est responsable des marchés chez Tarkett Sommer Tarkett Sommer fabrique et vend des revêtements de sols et de murs. Moquette, dalles textiles, linoléum, etc., des produits “techniques, pas très marrants et qui pendant très longtemps véhiculaient une connotation vieillotte”, constate Alix de Villiers. Au début de l’année 1999, l’entreprise a donc décidé de frapper un grand coup : elle a fait appel à 12 designers pour étoffer sa gamme Tecsom.

“Pour le iMac, la démarche n’a pas été classique. Les designers ont imaginé le micro du futur, puis les services techniques ont été sollicités. Un an et demi après les premières livraisons, plus de 2,2 millions d’iMac ont été vendus. Historique !“ Jean-Pierre Giannetti est le directeur marketing d’Apple France Le iMac doit une large part de son succès à son look original qui a permis de toucher de nouveaux marchés jusqu’ici noyés dans la masse : les jeunes tendance branchés et les femmes.

Ce qu’il faut retenir Le design est un moyen efficace de se différencier face à la concurrence ou de sauver une gamme sur le déclin. Par ailleurs, il redynamise l’image de l’entreprise. Le design s’adresse à toutes les gammes et n’est plus l’apanage des multinationales. Si les commerciaux sont rarement impliqués dans la réflexion, il est en revanche important de les impliquer dans le lancement. Pour en savoir plus, rendez-vous les 15 et 16 décembre au Palais des Congrès de Paris pour le salon Design 1999. “Cette rencontre permettra à ceux qui envisagent de travailler avec une agence de design de se nourrir des expériences des pionniers”, raconte Caroline Joucla-Lafabre de Reed OIP, organisateur de la rencontre. L’APCI, l’Agence pour la promotion de la création industrielle, exposera 200 produits français designés.

 
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A.-F. Rabaud

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