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Comment lutter contre le parasitisme

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Une entreprise exploite votre notoriété pour vendre ses produits ? Voilà un cas de parasitisme commercial avéré. Un acte tout aussi préjudiciable que la concurrence déloyale. Les moyens d'y remédier existent même s'ils ne sont pas toujours simples à trouver.

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La jurisprudence a admis que certains actes dits parasitaires devaient être sanctionnés en raison de l'exploitation injustifiée du patrimoine ou de la notoriété d'un tiers. Ces actes se caractérisent par la volonté d'un agent économique de se placer dans le sillage d'un autre pour tirer profit de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements. En agissant sur ce fondement, l'entreprise victime a la faculté de protéger des éléments de son patrimoine immatériel même si elle ne peut pas, ou ne peut plus, se prévaloir d'un droit privatif au titre de la propriété intellectuelle (droit d'auteur, droit des marques, etc.).

Le parasitisme commercial entre non-concurrents...

Malgré l'absence d'identité ou de similitude entre les activités, les produits ou les services des entreprises, le parasite va créer un rattachement artificiel et fallacieux à une entreprise ou à une marque - le plus souvent de forte renommée - afin d'accréditer l'idée que l'on est en présence de produits ou services connexes, annexes ou dérivés. En suggérant l'amalgame de ses activités avec celles d'une entreprise dont l'image est porteuse, le parasite va tirer profit de la notoriété attachée à cette image.

Tel est le cas du commerçant qui utilise des bons de commande portant une marque notoire dont il ne dispose pas de produits ou de l'opticien qui publie des annonces publicitaires sous le nom «Dior» sans vendre de ces produits mais dont il se sert pour faire commerce de produits similaires.

Le parasitisme peut également résulter de l'accaparement de l'image d'une entre- prise: il peut s'agir d'un détournement d'une idée, d'une formule ou d'un slogan publicitaire qui ne bénéficient d'aucune protection légale spéciale. Dans cette hypothèse, le préjudice de l'entreprise victime est caractérisé non seulement par la banalisation de son image mais aussi par la perte de rentabilité de ses investissements.

Ainsi, l'organisation d'une loterie promotionnelle dont les lots sont constitués par des produits de marque peut relever du parasitisme si l'organisateur de cette loterie - notamment par la présentation publique de l'opération - vise à tirer profit de la notoriété attachée au produit pour accroître la sienne.

... et entre concurrents

Dans le cadre de relations concurrentielles, divers comportements s'apparentent à des agissements parasitaires. Les rattachements au nom, à l'enseigne et à la marque en sont des illustrations les plus courantes. Ainsi, l'adoption, par un distributeur de produits cosmétiques, d'un agencement et d'une décoration dans ses magasins faisant naître la même ambiance que dans ceux de l'un de ses concurrents (combinaison des couleurs, présentation de la caisse centrale, disposition des produits, etc.) est un acte de parasitisme commercial (cour d'appel de Paris, 25 juin 1997). En effet, si les éléments d'une enseigne pris individuellement ne sont pas protégeables en tant que tels, une entreprise peut interdire l'utilisation conjuguée d'une série d'éléments caractéristiques de son enseigne. Cette reprise généralisée distinguera la faute de l'auteur de l'agissement parasitaire qui aura délibérément cherché à s'immiscer dans le sillage de la victime (TGI de Paris, 12 décembre 2003).

Quelles actions mener contre le parasitisme

L'action judiciaire en parasitisme est couramment utilisée pour protéger un bien ou une valeur de l'entreprise qui ne dispose pas, par ailleurs, d'un droit de propriété intellectuelle.

En empruntant à un tiers des éléments caractéristiques de son image, l'entreprise fautive entend ainsi s'approprier une valeur au développement de laquelle elle n'a pas participé. Ainsi, le fait de reprendre les codes couleurs - par ailleurs librement exploitables - d'un agent économique pour laisser croire qu'il existe une parenté entre cet agent et son entreprise est un fait fautif.

Le bien-fondé d'une telle action reste toutefois subordonné à la démonstration d'une faute qui, si elle peut être intentionnelle ou non intentionnelle, sera le plus souvent caractérisée par la recherche volontaire d'une confusion avec l'image de l'entreprise parasitée. Si telle société renommée est caractérisée par tel comportement, en adoptant un comportement similaire le «parasite» escompte bénéficier insidieusement de son image. Des actes parasitaires peuvent par ailleurs coexister avec des atteintes avérées à des droits de propriété intellectuelle. Il importera toutefois de démontrer l'existence de faits de parasitisme distincts des faits de contrefaçon proprement dits.

@ ENDOSTOCK/FOTOLIA/LD

La notion de parasitisme recèle un danger économique: du fait de son élasticité, elle est susceptible d'entraver le libre jeu de la concurrence et le progrès économique en interdisant à des entreprises de s'inspirer légitimement dans une économie de marché des idées ou des comportements d'un tiers. Tout ne peut être approprié sauf à créer des monopoles. En outre, en permettant des appropriations là où les droits spéciaux (propriété intellectuelle, marque, brevet...) dénient l'existence de droit de propriété, la notion de parasitisme - d'origine jurisprudentielle - perturbe l'agencement voulu par le législateur. Pourquoi telle création qui ne mérite pas la protection de la loi, serait-elle protégée par une action judiciaire en parasitisme?

On constate dans la jurisprudence un certain effet de balancier, les conditions d'existence du parasitisme étant, plus ou moins, sévèrement appréciées selon les époques mais, parfois, également selon les juges.

Les experts

Me Jean-Marie Léger et Charles Voulot sont respectivement avocat et juriste au cabinet Avens Lehman & Associés, spécialisé en droit des affaires.

 
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Jean-Marie Me Léger, Charles Voulot

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