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Comment sélectionner ses revendeurs en toute légalité 3/4 (à la conquête des réseaux)

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Sélectionner ses revendeurs pour doper son réseau de distribution est légal. À condition d’opérer un sélection judicieuse, et d’établir un contrat en bonne et due forme.

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Monter un bon réseau de revendeurs impose d’être sélectif. » Pour Ivan Defert, directeur du département Études à la Cegos, les miracles n’existent pas. Autrement dit, il est naturel qu’un fabricant module ses conditions de vente en fonction du niveau d’implication de ses distributeurs. Une pratique autorisée par la loi, puisqu’elle définit les réseaux de vente exclusive et sélective comme “le résultat de conventions par lesquelles un fournisseur réserve la fourniture de ses produits à plusieurs distributeurs sélectionnés selon certains critères et, en conséquence, refuse la vente aux autres distributeurs potentiels” (Droit de la concurrence et pratiques anticoncurrentielles, de Renée Galène, Éditions EFE 1999). Mais, que l’on s’exprime en termes juridiques ou en langage courant, une question essentielle se pose : jusqu’où peut-on pousser la sélection ?

Analyser son portefeuille de distributeurs

« On parle de distribution sélective au sens juridique du terme, et de distribution différenciée dans la pratique, explique Gérard Aubin, directeur de l’activité “distribution” à la Cegos. Il est d’abord conseillé de procéder à une analyse attentive de son portefeuille de distributeurs, qui se nourrira de critères quantitatifs : CA, situation financière, potentiel de la zone, taille de la force de vente, gammes de produits distribués, etc. Mais aussi qualitatifs : volonté de coopérer avec le fabricant, positionnement concurrentiel, évaluation de l’équipe et capacité d’évolution, etc. « Alors, il sera possible de répondre à la deuxième question essentielle : que puis-je demander à mes distributeurs principaux, et quelle contrepartie vais-je leur donner pour réussir ? », poursuit Gérard Aubin.

Établir un contrat

La mise en place d’un réseau de distribution sélective peut, en effet, s’apparenter à un mariage dans lequel les deux parties doivent clairement établir leurs obligations mutuelles. Il incombe au fabricant d’élaborer un modèle de contrat, qui sera proposé aux distributeurs. Il peut s’agir de documents contractuels définissant précisément les conditions de fonctionnement du réseau (contrats d’agrément, de distribution, d’exclusivité), d’un contrat de coopération commerciale, ou même de simples conditions générales de vente. Le fabricant de peintures et de vernis Akzo Nobel Coatings SA l’a bien compris. Il distribue, en effet, ses produits à travers cinq marques de peinture : Astral, Levis, Sikkens et Herbol ; chacune étant présente chez une centaine de distributeurs dans trois cents points de vente en France. « Nous avons choisi de distribuer les marques Sikkens et Trimetal en totalité via un réseau de grossistes en produits de décoration, précise Georges Bénichou, directeur général bâtiment. Outre notre contrat de coopération commerciale, nous nous sommes dotés d’une charte. » Signé par les distributeurs, ce document les engage, par exemple, à acheter un stock représentatif de la marque. Le contrat de coopération commerciale définit, quant à lui, les engagements de réciprocité entre les distributeurs et Akzo Nobel. Le distributeur s’engage à acheter plus de 70 % de peinture Sikkens ou Trimetal. Le contrat est renouvelé tous les ans, date à laquelle Akzo Nobel redéfinit le montant des achats. « De notre côté, nous contribuons à leur développement par des prêts ou des ristournes, nous gérons la signalétique du point de vente et nous chargeons de la formation des vendeurs. » Une union apparemment fructueuse, puisque, selon ses estimations de Georges Bénichou, les marques Sikkens et Trimétal ont connu, ces quatre dernières années, une croissance deux à trois fois plus rapide que celle du marché.

Témoignage

Jean-Michel Puech, directeur général de la division vente France de Spit « Nos distributeurs bénéficient d’un barême d’achat plus ou moins avantageux. » « Une relation avec un revendeur peut suivre deux chemins, s’exclame Jean-Michel Puech, directeur général de la division vente France. Soit on a envie qu’il distribue nos produits, soit on a envie de cesser toute relation parce que les résultats ne sont pas atteints ! » Fin 1999, l’entreprise décide de se séparer de 1 000 de ses revendeurs pour n’en conserver que 2 500. « Nous avons été obligés d’opérer une sélection en privilégiant les lieux d’achat de nos utilisateurs », explique Jean-Michel Puech. Pour cela, le fabricant a mené, conjointement avec les forces de vente et le département marketing, une analyse de ces lieux d’achat. « Nous avons présenté les résultats de l’étude aux revendeurs dont le niveau d’implication ne correspondait pas aux engagements. Ils l’ont parfaitement compris. » Aujourd’hui, Spit a défini trois niveaux de partenariats avec ses distributeurs, liés à lui par une charte d’engagement. « Les avantages consentis sont fonction de plusieurs critères : le volume du stock du revendeur, la formation des équipes à notre produit, le respect de la charte service après-vente et le volume de chiffre d’affaires annuel, énumère Jean-Michel Puech. En fonction de ces critères, les distributeurs ont droit à un barême d’achat plus ou moins avantageux. Prochaine étape ? La création d’un club pour resserrer davantage nos relations.

AVIS D’EXPERT

Régis Fabre, avocat associé chez Ernst & Young, maître de conférences à l’université de Montpellier « Au directeur commercial de déterminer les critères de la sélectivité ! » « On a le droit de refuser de vendre ! » Pour Régis Fabre, avocat et universitaire, l’abrogation de l’interdiction du refus de vente par la loi Galland est le signal d’un certain pouvoir rendu aux fabricants, qui peuvent construire leur réseau sans le subir. « Il existe ainsi plusieurs moyens de construire un réseau, dont la distribution sélective, explique-t-il. Au directeur commercial de déterminer les critères de la sélectivité ! Il existe cependant deux limites essentielles à respecter : les critères de sélection ne doivent pas être disproportionnés par rapport au besoin de service et de conseil du consommateur ; deuxièmement, à partir du moment où l’on fixe des critères de sélection pour les revendeurs potentiels, ils doivent être appliqués de façon non discriminatoire : tous les revendeurs qui répondent aux critères définis doivent être livrés. ! »

A retenir

_ Les réseaux de vente exclusive et sélective sont, selon la loi, “le résultat de conventions par lesquelles un fournisseur réserve la fourniture de ses produits à plusieurs distributeurs sélectionnés selon certains critères et, en conséquence, refuse la vente aux autres distributeurs potentiels”. _ Procéder à une analyse très fine de son portefeuille de revendeurs à l’aide de critères quantitatifs et qualitatifs afin de définir ses attentes quant à ses distributeurs. _ Établir un contrat clair, définissant les obligations des deux parties, qui reprendra précisément les conditions de fonctionnement du réseau.

Les aménagements prévus par la loi S’agissant de la distribution sélective, une abondante jurisprudence s’est développée sur le caractère licite ou non des obligations imposées aux revendeurs. On compte, par exemple, plus de 600 décisions de justice en vingt ans concernant le secteur de la parfumerie. Voici la liste des pratiques autorisées et interdites aux fournisseurs. _ Les pratiques licites - Interdire les ventes hors réseau, - interdire la vente dans le voisinage de produits susceptibles de nuire à l’image de marque du produit, - contrôler les ventes du distributeur en exigeant de ce dernier qu’il fournisse le nom et l’adresse de ses clients, - se réserver un type de clientèle, - imposer un stock et un assortiment minimum ainsi qu’un certain délai dans la rotation du stock, - obliger le distributeur à participer aux opérations promotionnelles et publicitaires du fournisseur. _ Les pratiques illicites - Interdire la revente à l’intérieur du réseau, - imposer au distributeur de revendre exclusivement au consommateur final. - interdire la revente en dehors d’un territoire défini ou à l’exportation, - interdire les importations parallèles, - imposer des prix de revente ou des marges minima au distributeur, - interdire les publicités sur les rabais, - imposer au distributeur de s’approvisionner exclusivement auprès de son contractant, - imposer au distributeur une clause d’approvisionnement exclusif pour l’aménagement et le mobilier des magasins. Informations extraites de l’ouvrage Droit de la concurrence & pratiques anticoncurrentielles, de Renée Galène

 
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Caroline Thiévent

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