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De la performance au comportement

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Plutôt “caisse enregistreuse de bons de commande“ jusque dans les années 75, les managers commerciaux sont devenus, autour des années 80, les porte-parole de la performance individuelle. Aujourd’hui, ils sont très influents sur leurs équipes. Grâce aux technologies, ils suivent leurs résultats… et sont à même d’agir sur leurs comportements.

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Le management des hommes et a fortiori d’une force de vente a sensiblement évolué au cours des dernières décennies. Aborder aujourd’hui un commercial comme cela se pratiquait il y a 20 ans est voué au “clash”. La relation entre le commercial et son manager a évolué, sous l’influence d’une concurrence exacerbée, d’une technologie grandissante, de missions élargies… Au temps du VRP et du “manager passif“ “ Jusque dans les années 1975, le commercial était incarné par le VRP. On avait de lui l’image d’un baratineur. Il était laissé en liberté et faute de moyens techniques, l’entreprise ne pouvait pas le contrôler à distance ”, raconte Jacques Inizan, maître de conférence associé à l’université de Tours et consultant partenaire IFCIL, conseil et formation. Quant au manager “qui n’en était pas réellement un”, il se contentait de récupérer les bons de commande, sans avoir de réelle influence sur l’activité de ses hommes. “ Il y avait une relative pénurie de commerciaux à cette époque et pour les conserver, les entreprises leur fichaient la paix ! ”, résume Jacques Inizan. Le rôle du manager était très passif : il se limitait à faire du contrôle a posteriori. Puis le contexte s’est complexifié, la concurrence s’est intensifiée et le commercial est devenu un professionnel aguerri. Il y a eu une sorte de prise de conscience autour de la nécessité de former les commerciaux. La performance individuelle “ C’est l’époque où les entreprises ont commencé à mettre l’accent sur la performance individuelle de leurs collaborateurs en leur proposant des stages de techniques de vente et en mettant en place des outils de motivation ”, se souvient Jacques Inizan. Ce règne de la performance individuelle a ainsi vu l’heure de gloire du désormais fameux “saut à l’élastique” ! En terme de management, cela s’est traduit par le développement des formations de conduite de l’entretien de vente “classique” et par une réflexion autour de la rémunération. “ Les entreprises ont pris conscience que leur intérêt était calqué sur celui des commerciaux et qu’elles devaient par conséquent bien les payer ”, poursuit le professeur de l’Université de Tours. C’est alors qu’on a vu croître la partie variable qui est devenue dominante. Ce fut l’époque des “ventes à l’arraché”. Parallèlement, les entreprises ont commencé à intégrer leurs forces de vente en modifiant leur statut. “ Le VRP a petit à petit cédé du terrain au profit du commercial salarié. La volonté des entreprises était alors de mieux maîtriser leur force de vente. Elles avaient pris conscience que l’indépendance du commercial était difficilement compatible avec la performance de l’entreprise ”, analyse Jacques Inizan. Une fois intégré, le pilotage de la force de vente s’est structuré. L’encadrement s’est penché sur le comportement des vendeurs en essayant de l’influencer. Le management était né ! La culture du processus Le management a réellement acquis ses lettres de noblesse au cours de ces cinq dernières années. Jusqu’à ce qu’aujourd’hui, les systèmes de management constituent l’un des principaux leviers dans la performance commerciale. Les managers ont fait monter en compétence les commerciaux (gestion des tournées, relation en clientèle, etc.). Eux-mêmes sollicitent beaucoup plus le management que leurs prédécesseurs. Loin de s’en contenter, l’équipe dirigeante s’est alors intéressée à la pérennisation des systèmes, aux moyens de dupliquer les bonnes pratiques individuelles sur l’ensemble de la force de vente. Le rôle du manager s’est alors concentré sur le contrôle du comportement du commercial en amont de la visite : nombre de visites, fréquence, qualité du dossier remis au client, etc. Aujourd’hui, “ il n’est pas rare d’entendre un directeur commercial dire : ce qui m’importe le plus, c’est le “comment”, pas le “combien”. On est entré dans l’ère de la culture du processus ”, explique Jacques Inizan. Un manager parle désormais “standard de performance” et “normes comportementales”. “ Aujourd’hui, c’est possible parce que les entreprises ont capitalisé, elles ont engrangé des informations, des statistiques, des ratios sur les bons et les mauvais comportements. ” Grâce à tout cela, les managers pratiquent désormais un pilotage a priori. Mais son rôle ne s’arrête pas à cela. Le manager doit donner une vision, déterminer ce qui est admissible et ce qui ne l’est pas, rencontrer et s’entourer de collaborateurs adaptés, fournir les supports et les outils, coacher ses collaborateurs en prenant en compte leurs besoins de développement personnel. “ Les commerciaux ont des exigences, des velléités d’évolution de carrière. Par conséquent, les managers ont tout intérêt à adopter un management basé sur l’écoute, à donner une vision à long terme de l’entreprise et du poste ”, souligne Jean-Marie Lagaillardie, consultant chez Hay Management. Il est loin le temps où régnait la logique “temps contre travail”. Toujours plus stratégique Demain ? L’arrivée du web, la multiplication des call centers vont faire qu’un même client pourra être contacté par plusieurs canaux, ce qui nécessitera de maîtriser encore mieux sa relation client. Le manager doit donc se préparer à gérer une nouvelle complexité. Il doit consacrer plus de temps à l’analyse, à la conceptualisation… pour développer une approche beaucoup plus stratégique. Encore faut-il qu’il en ait le temps. “ Les managers ne devraient faire que du management. S’ils sont accaparés par des tâches administratives ou commerciales, ils auront énormément de mal à être, demain, de bons managers ”, conclut Jacques Inizan. Nourrir l’auto-motivation Point d’orgue de toute bonne stratégie managériale, l’art de motiver les hommes a connu une évolution similaire. La stratégie “motivation des hommes” initiée aujourd’hui par les entreprises ne repose plus uniquement sur les trois murs porteurs “rémunération, challenge et convention/ voyage incentive”. Son champ d’action s’élargit. Formation, plan de carrière, responsabilisation des commerciaux, participation des vendeurs au capital financier de l’entreprise sont autant d’éléments “naturels” qui participent à nourrir l’auto-motivation des commerciaux. La stratégie de motivation des commerciaux s’apparente aujourd’hui à une mosaïque, un tableau composé de multiples parcelles venues l’enrichir au cours de la dernière décennie. Retirez un des éléments qui la composent et c’est toute la stratégie qui vacille, entraînant dans son sillage “le feu sacré” qui anime les vendeurs. Et c’est en cela justement que la motivation des hommes de l’entreprise relève désormais de la stratégie. Elle n’est peu ou plus raisonnée comme une addition de moyens, de techniques, d’outils mis en œuvre par habitude plus que par nécessité, au coup par coup, comme cela pouvait être le cas jadis, avant les années de crise. “ On ne fait plus marcher une force de vente en brandissant tantôt une carotte, tantôt un bâton, assure Eric Experton, directeur des ventes de véhicules utilitaires chez Mercedes Benz. Les années 90 ont également proclamé la fin du règne de la motivation articulée autour des seuls résultats sur objectifs. Les années de crises ont permis l’émergence de nouvelles formes de motivations, plus qualitatives, apportant reconnaissance, réconfort et soutien au vendeur qui en avait besoin. ” Par conséquent, en véritables stratèges, les entreprises entreprennent désormais de motiver leurs vendeurs en caressant l’espoir non seulement de voir s’envoler leurs performances commerciales et leurs portefeuilles clients, mais également en espérant les fidéliser. Elles mettent tout en œuvre pour atteindre leurs buts. “ Outre l’absolue nécessité d’offrir à ses collaborateurs des perspectives de plan de carrière, soit en leur proposant des passerelles entre les filiales de l’entreprise et la maison mère, soit dans l’échelle de la hiérarchie, une société se doit également de les former ”, affirme Erick Berville en charge du marketing, de la communication, des partenariats et de l’animation commerciale chez Nexx Assurance, filiale marketing direct du groupe Maaf. Plan de carrière contre incentive Leviers de motivation importants, les formations apportent aux commerciaux valeur ajoutée, performance et indépendance nécessaires à l’exercice de leur métier. Marie-Christine Moulinet, directrice de l’ingénierie de SSII Aston, explique : “ Le périmètre de la motivation a changé. En l’espace de dix ans, nous avons responsabilisé davantage les commerciaux. Nous n’attendons plus seulement d’eux qu’ils réalisent ou dépassent leurs objectifs, et un point c’est tout. Non, nous les impliquons dans 3les projets de l’entreprise en les considérant comme des managers à part entière, des ambassadeurs. Ils se sentent responsables de l’avenir de leur société et des collaborateurs qui la composent. ” En d’autres termes, ils sont valorisés. Afin de matérialiser cette philosophie néanmoins opérationnelle, Aston a pris la décision d’étendre sa politique de stock-options à sa force de vente. “ Les commerciaux ont ainsi réellement le sentiment de participer à la réussite de leur entreprise. Quoi de plus motivant pour eux ? ”, se réjouit Marie-Christine Moulinet. Autre levier de motivation activé aujourd’hui : la fierté d’appartenance. “ Les commerciaux aiment briller en société, affirme Marc Bokobza, directeur général de Business Soft. Appartenir à une entreprise qui se donne les moyens financiers et marketing d’atteindre ses objectifs commerciaux, et dont les valeurs sont proches des leurs, représente également un élément de motivation conséquent pour une équipe commerciale. ” Retrouver le “feu sacré” Cependant, est-ce à dire pour autant que le management participatif, les stock-options, la formation, les plans de carrière, l’écoute et le suivi des équipes, la responsabilisation des forces de vente, etc. ont chassé définitivement les outils “classiques” de motivation – campagnes de stimulation, conventions et autres séminaires ou voyages – de la palette des moyens dont disposent les managers pour motiver leurs troupes ? Loin s’en faut. “ Lorsqu’un commercial entre dans une entreprise, sa motivation est à l’image des ventes d’un nouveau produit, en croissance constante, remarque Rodolphe Buet, directeur commercial de BMG France. Puis, le vendeur atteint la phase de maturité. Il maîtrise alors parfaitement son métier et affiche une bonne connaissance de ses clients et produits. Dans l’objectif d’accompagner un commercial plus loin sur le chemin de la performance, il est alors conseillé d’incorporer des éléments additionnels de motivation, de recourir à des outils. Un peu comme on revoit le packaging d’un produit pour lui offrir une seconde vie. ” Piliers de toutes les stratégies de motivation, passages obligés car réclamés des forces de vente, ces outils sont dorénavant utilisés à meilleur escient. Ils s’intègrent harmonieusement dans la stratégie globale de l’entreprise, avec cohérence et lucidité.

Grand témoin Les bleus de Laporte Le parallèle entre le “dirco“ et le coach sportif n’est pas rare. Car les recettes pour obtenir le meilleur d’une équipe sont souvent un peu les mêmes, qu’il s’agisse de négociation ou de ballon ovale. Celles de Bernard Laporte, 35 ans, entraîneur du XV de France depuis plus d’un an, ont fait leurs preuves... Action Commerciale : Vous avez quitté le poste d’entraîneur de l’équipe du Stade Français, en plein succès, pour occuper celui du XV de France : quelles raisons ont motivé cette décision ? Bernard Laporte : La motivation, celle des autres mais la sienne propre également, passe par le fait d’avoir de nouveaux challenges. Lorsque l’on est entraîneur se trouver à la tête du XV de France c’est le summum ! Une telle proposition ne se refuse pas. Déjà, parce qu’elle n’arrive qu’une seule fois dans une vie. Ensuite parce qu’il faut toujours savoir saisir les opportunités qui se présentent à vous. Depuis 1995, j’entraînais l’équipe du Stade Français, un club que j’adore. Je n’ai pas pris cette décision facilement. Vous savez, on hésite toujours à quitter un club que l’on a façonné : lorsque j’ai repris le Stade Français, il était en deuxième division. Et, nous avons réussi, ensemble, la tête la première,à atteindre la première division. J’ai quitté mon équipe avec beaucoup de regrets. Mais, je le répète, entraîner l’équipe de France ne se refuse pas. A.C. : Quels sont aujourd’hui vos objectifs, vos défis ? B.L. : Avant tout, constituer une équipe de France qui ait envie de tout bousculer. Car, même si “sportivement” nous ne sommes pas aujourd’hui aussi bons que l’hémisphère Sud, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, nous devons avoir au moins la conviction de l’égaler. Et, croyez-moi, nous nous donnerons les moyens d’y parvenir. A.C : Sur quel critère procédez-vous à la sélection des joueurs de l’Équipe de France ? B.L. : La performance. Un entraîneur doit tout simplement essayer de prendre les meilleurs. A.C. : Entraîner n’est pas un métier facile. Pourquoi l’avoir choisi ? B.L. : Ce qui m’intéresse dans ce métier c’est de communiquer, donner, transmettre ce qui m’habite : la passion du rugby. J’aime voir les joueurs évoluer, essayer de les faire progresser, de les motiver, de les préparer, de faire en sorte de vivre avec eux une aventure humaine. Le rugby est un sport collectif. C’est un sport qui se nourrit donc d’aventures humaines, de contacts humains. A.C : Quelle est votre définition du métier d’entraîneur ? B.L : Être entraîneur c’est être humain, aimer les gens à qui l’on donne. On ne se décrète pas entraîneur : on l’est ou on ne l’est pas, on est écouté par son équipe ou non. Pour moi, un entraîneur c’est quelqu’un d’entraînant. Je transmets donc ce qui est en moi, la force qui m’anime, la foi, la passion que j’ai pour ce sport. A.C. : À 29 ans, vous avez mené de front les fonctions de joueur et d’entraîneur du Stade Bordelais. Cette expérience a-t-elle été facile ? B.L. : Même si j’en ai fait l’expérience, j’affirme aujourd’hui que les deux rôles sont incompatibles. Car il faut non seulement se préoccuper d’être performant sur le terrain en qualité de joueur, mais également être bon entraîneur. A.C. : Comment conduit-on une équipe vers le succès ? B.L. : Je ne crois pas qu’il y ait une seule manière d’y parvenir. Une vérité. Je transmets mon envie de gagner en communiquant à outrance, en parlant beaucoup avec les joueurs. Je crois à la puissance du dialogue. Il faut leur montrer que nous sommes tous dans le même bateau : définir les objectifs à atteindre ensemble, ce que l’on veut faire, comment on souhaite y parvenir, etc. Ensuite, un entraîneur doit motiver ses joueurs. Mais, de toutes façons, il faut gagner parce que c’est comme cela qu’on avance. A.C. : Et face à l’échec quelle attitude adopter ? B.L : Là encore, je ne crois pas qu’il existe de recette toute faite. L’échec peut être positif, comme il peut se révéler négatif. Si une équipe perd contre des meilleurs qu’elle, une seule solution : travailler pour devenir meilleur. Mais pour moi, un échec ce n’est pas cela. Il y a échec lorsqu’un groupe perd parce qu’il a fait une contre-performance. En réalité, l’entraîneur doit s’adapter. Si l’équipe est au plus mal, il doit essayer de lui redonner confiance. Si le groupe a fait preuve de suffisance, il faut être très dur avec les joueurs, savoir les flageller.

“ Hier, le commercial avait un rôle d’inspecteur. Aujourd’hui, on lui demande d’adopter une démarche de conseiller. ” Vincent Bigourdan, responsable de l’unité Enseignes spécialisées chez Cofinoga Depuis 9 ans, il manage une quarantaine de personnes, animateurs de points de vente et collaborateurs de la fonction marketing pour Cofinoga.

“ La mission du commercial est d’être à la fois en amont des besoins du marketing grâce aux remontées du terrain, et en aval pour déployer les opérations dans les points de vente. En conséquence, le rôle du manager s’est également transformé : il doit suivre les résultats de ses commerciaux et identifier ceux sur lesquels il faut construire des actions correctives. Il doit par ailleurs avoir une vision de plus en plus globale de son activité. Dans cet esprit, les rapports entre la fonction commerciale et marketing ont évolué. Chez Cofinoga, je manage des collaborateurs des deux bords. ”

La motivation en chiffres Une entreprise sur deux mène des actions de motivation auprès de ses collaborateurs. 56 % des entreprises estiment la motivation “très importante” et seulement 9 % ne croient pas du tout en ses effets. 40 % des entreprises considèrent que leurs actions de motivation concernent l’ensemble de leurs salariés. 17,5 % d’entre elles pensent qu’elles sont un domaine réservé à leurs vendeurs, 15,1 % celui de leurs cadres, 2,3 % de leurs revendeurs et 0,2 % de leur service après-vente. La fidélisation du personnel passe dans un ordre décroissant par : bien appréhender leur besoin de reconnaissance, leur offrir une qualité de vie dans l’entreprise, leur permettre de faire évoluer leur carrière et les rémunérer à leur juste valeur. Les campagnes de motivation des forces de vente arrivent en tête des techniques de communication hors-médias déployées par les entreprises et jugées de “très grande importance”. Suivent : la promotion des ventes (23 %), l’organisation d’événements (16 %), le marketing direct (15 %), la publicité et les conventions de lancement de produit (13 %) et les voyages (10 %). Sources : enquête AACC (1999) et sondage Ifop Voyages & Stratégie (2000).

 
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par N. Bonnet et A.-F. Rabaud

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