Recherche
Magazine Action Commerciale
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Expérience. Encadrer des personnes plus âgées que soi

Publié par le

Humilité, tact et fermeté sont les atouts maîtres du jeune responsable commercial chargé de manager de “vieux routards” de la vente.

Je m'abonne
  • Imprimer

Alexandre* a tout juste vingt-cinq ans quand il se voit confier le management d’une petite équipe de cinq télévendeuses, dont la moyenne d’âge avoisine quarante-cinq ans. « C’était il y a dix ans, se remémore le jeune manager. J’avais été accueilli très froidement. Mon équipe me rejetait et saisissait la moindre occasion pour me dévaloriser avec des réflexions du type : “Ah, tu ne sais pas ça ? Pourtant, c’est évident !”. » Fort d’une bonne dose d’humilité et d’un enthousiasme à toute épreuve, Alexandre parvient à se faire accepter, au bout de six mois ! Si toutes les expériences ne se révèlent pas si traumatisantes, encadrer des collaborateurs plus âgés et plus expérimentés reste, néanmoins, un acte de management périlleux. Car le défi est de taille : il s’agit de s’imposer face à des “vieux briscards” de la vente de l’âge de votre père !

S’imposer en douceur

« C’est d’autant plus difficile que les vendeurs seniors peuvent développer, à l’égard de leur jeune manager, un sentiment de méfiance. Ils risquent de le considérer comme un petit jeune de plus qui leur a été parachuté », commente Georges Nikakis, consultant chez Demos. Une réaction de rejet, alimentée par la peur du changement. « Le commercial senior est dans une situation confortable : un secteur qu’il maîtrise parfaitement, un bon salaire, de l’autonomie. Il n’a pas envie de voir sa tranquillité remise en cause, et surtout pas par plus jeune que lui ! », affirme Frédéric Bonneton, associé chez Hepta, filiale du cabinet MCR Consultants spécialisée dans le coaching. Le jeune manager va donc devoir abuser de tact pour s’imposer tout en douceur.

Ne pas donner de leçon

Première règle : bannir tout comportement “donneur de leçon”. « En abordant ses collaborateurs seniors avec des phrases du type : “Je suis un expert de la vente et je vais vous apprendre votre métier”, le jeune responsable commercial court droit à l’échec, prévient le porte-parole d’Hepta. Il doit, au contraire, reconnaître les qualités commerciales de ces vendeurs expérimentés et se cantonner à son rôle de manager, qui consiste à faire appliquer la stratégie commerciale, à mettre en œuvre un reporting régulier, etc. » George Nikakis préconise, dans un premier temps, l’application d’un management “baladeur”. « Le jeune chef des ventes va se promener dans les couloirs, à la rencontre des commerciaux, pour entamer avec eux des discussions informelles autour de la machine à café ou devant leur poste de travail, explique-t-il. Cela lui permettra de revenir sur des règles de base en profitant de situations concrètes. Par exemple, un vendeur senior répond trop familièrement à un client au téléphone. Le manager va lui demander qui est cet interlocuteur, quel est son chiffre d’affaires et lui rappeler que ce client est important et qu’il doit être traité avec plus de respect. C’est ainsi qu’insensiblement, le jeune chef va imposer son style. » Pour emporter l’adhésion de ses collaborateurs seniors, le responsable commercial devra, par ailleurs, adopter, au quotidien, un management ultraparticipatif. C’est ainsi que procède Pascal*, âgé de trente-neuf ans et directeur général d’une société de gestion d’actifs. « J’ai, dans mon équipe, deux commerciaux plus âgés et plus expérimentés que moi, relate-t-il. Avec eux, je suis moins abrupt et plus enclin à faire des concessions qu’avec mes vendeurs juniors. Je ne les manage pas, je les coache ! » Un exemple concret ? « Je me suis rendu compte que ces deux collaborateurs, assez autonomes, semblaient perdre leur temps lors des réunions regroupant toute la force de vente. Je leur ai donc proposé de les voir séparément une fois par semaine. Ils ont été valorisés par cette nouvelle organisation, donc plus motivés et efficaces. » S’il s’adapte à la personnalité de ses coéquipiers seniors, Pascal ne manque pas de les recadrer quand le besoin s’en fait sentir. « Je ne suis pas autoritaire de nature, mais sur certains points, je suis intransigeant. Je n’hésite pas à organiser une entrevue afin de mettre les choses au point si l’un d’eux crée une mauvaise ambiance au sein de l’équipe ou relâche son rythme de travail. »

Savoir répondre aux provocations

Car les commerciaux seniors vont prendre un malin plaisir à tester le jeune manager. Une situation qu’a vécue Yves Nanique, trente-neuf ans, directeur général de Swiss International Air Lines, lors de son arrivée à la tête de la filiale française de la compagnie aérienne, en 2000. « Un de mes collaborateurs, âgé de cinquante-cinq ans, a essayé de me pousser dans mes retranchements en outrepassant certaines réglementations liées à la commande de billets d’avion à titre personnel, raconte-t-il. La première fois, j’ai fermé les yeux. La deuxième, il a été rappelé à l’ordre et la troisième fois, je l’ai sanctionné. » Pour asseoir son autorité, le jeune manager doit donc être capable de trancher dans le vif et de taper du poing sur la table. « Quitte à procéder, dans les situations extrêmes, à un licenciement, admet Frédéric Bonneton. Si la décision est justifiée, elle sera comprise par le reste de l’équipe. » Pour apprendre à désamorcer et à gérer ce type de conflit relationnel, le responsable commercial junior a tout intérêt à suivre, en amont, une formation au management ou à se faire lui-même coacher les six premiers mois suivant son embauche. « Il ne doit surtout pas s’isoler, conseille Jean-Claude Ponce, coach de dirigeants commerciaux chez Mediator International. Mais, au contraire, échanger avec d’autres jeunes managers commerciaux en interne et à l’extérieur de l’entreprise, lors de salons ou de congrès professionnels. » L’objectif final, pour le jeune responsable commercial ? Garder confiance en lui. (*) Pour préserver leur anonymat, le prénom de ces personnes a été modifié.

Témoignage

Yves Nanique, directeur général de Swiss International Air Lines « Jeunesse et expérience sont complémentaires » Encadrer des personnes plus expérimentées et plus âgées que soi-même est, pour Yves Nanique, 39 ans, directeur général de Swiss International Air Lines, une expérience très enrichissante. « C’est très constructif. Mes trois collaborateurs directs, qui approchent de la cinquantaine, me font bénéficier de leur expérience et de leurs connaissances. Ils tempèrent également mon côté fonceur, parfois trop fougueux. » En contrepartie, le jeune directeur général insuffle à son équipe une dynamique motivante. « Je prends des décisions très rapidement. Je leur ai demandé, récemment, d’élaborer en une semaine un projet visant à mettre en place un centre d’appels interne. Ils ont un peu rechigné au départ, puis ont finalement réussi à monter un dossier solide dans les délais imposés. »

Avis d’expert

Jean-Claude Ponce, coach chez Mediator International « Se mettre à la portée des seniors » « L’histoire est véridique, précise Jean-Claude Ponce, coach de dirigeants commerciaux. Un jeune manager ponctuait ses messages d’un énigmatique Asap (pour “as soon as possible”). Ses coéquipiers, ne comprenant pas la signification de ces initiales, l’ont surnommé “Asap”! » Pour éviter ce genre d’anecdotes risibles, Jean-Claude Ponce conseille aux managers de se mettre à la place de leurs collaborateurs. « Dans la pratique, argumente l’expert, il veillera à opérer les changements en douceur. Inutile, par exemple, d’équiper d’assistants personnels dernier cri ses commerciaux seniors sans formation préalable. De même, s’il souhaite mettre en place une méthodologie de reporting, il procédera par étapes, en demandant à ses coéquipiers, dans un premier temps, un chiffre d’affaires prévisionnel. »

À retenir

- Pour encadrer des vendeurs seniors, le jeune responsable commercial doit faire preuve d’humilité et user de tact. - Le chef d’équipe junior doit se positionner, face à ses collaborateurs seniors, en qualité de manager, et non comme un expert de la vente. - La mise en place d’un management participatif, proche du coaching, est conseillée. - Très à l’écoute de ses coéquipiers, le jeune manager doit également asseoir son autorité en sachant trancher lorsque la situation l’exige. - Une formation au management ou des séances de coaching peuvent aider le jeune manager à garder confiance en lui et à s’imposer face à des seniors.

 
Je m'abonne

Emmanuelle Sampers

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Retour haut de page