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Export. Le marché mondial à portée de clic

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Internet est un excellent moyen pour une PME d’exporter. Une condition toutefois pour réussir : œuvrer sur un secteur où le savoir-faire français est reconnu.

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Connaissez-vous les fromages de la Bonne Perrette ? Sans doute pas. Et pourtant, les Anglais, les Allemands et les Américains, entre autres, en raffolent. La petite entreprise familiale Pouillé, installée près du Mans, a réussi le tour de force de se faire connaître sur des marchés étrangers sans avoir ni la force commerciale ni le marketing d’un Danone. “ Notre site Internet nous a permis de trouver de nouveaux marchés à l’export, confirme Eric Pouillé, le responsable de bonneperrette.com. Sans le Web, jamais nous n’aurions pu avoir ces débouchés, car nous ne disposions pas de service export, et nous n’avions pas non plus les moyens de prospecter. ” Cela aurait été bien dommage, car le résultat est probant : après seulement deux ans d’existence, le site génère un volume de ventes de 1,5 million d’euros (environ 10 millions de francs), soit 12 % du chiffre d’affaires total de l’entreprise. Une réussite éclatante pour une société régionale spécialisée, au départ, dans la distribution de produits frais dans cinq départements français. Et si, en effet, les marchés étrangers n’étaient plus qu’à une portée de clic, la Toile effaçant ainsi les distances et supprimant les coûts de démarchage commercial en dehors de l’Hexagone ?

Vive la “French tradition” !

Ce rêve des centaines de millions de consommateurs chinois et de la manne que représentent les dollars américains, nombre d’entreprises l’ont fait, voici quelques années, lorsque l’Internet marchand promettait monts et merveilles. Les consultants n’hésitaient pas alors à affirmer que de nouveaux marchés allaient s’ouvrir. Pour la majorité des entreprises, l’aventure s’est bien souvent révélée un simple mirage. “ Notre site nous a permis de démarcher quelques nouveaux clients à l’étranger, mais nous en équilibrons à peine les coûts de développement et de conception ”, reconnaît Stéphane Currin, le patron de Sett Stockfil, un grossiste en textile. La différence entre la vraie réussite de Bonne Perrette et le demi-échec de Sett Stockfil tient en deux mots : le secteur d’activité. “ Internet est un canal pertinent pour les PME qui opèrent sur des secteurs particuliers : l’alimentaire, les vins et, plus généralement, les produits traditionnels français ou ceux pour lesquels les entreprises hexagonales ont un vrai savoir-faire ”, résume Sylvain Gross, auteur d’une étude réalisée sur ce sujet à l’École supérieure de commerce d’Amiens. Champagne direct, Cadeaux de Provence, 1855, Comtesse du Barry ou Meilleur du chef, voici quelques noms de sites français pour lesquels les marchés étrangers représentent un chiffre d’affaires significatif. Il serait possible d’allonger cette liste avec d’autres entreprises qui ont, elles aussi, choisi d’exporter le savoir-vivre à la française. La Maison du Laguiole, une toute petite société de cinq personnes qui fabrique et vend des couteaux dans l’Aubrac, a ainsi créé son site en mars dernier. “ Avec Internet, notre objectif était de vendre dans le monde entier. Si les Suédois, par exemple, vont souvent à Paris, il est plus rare qu’ils se rendent à Laguiole ; et, si c’est le cas, quelle chance ai-je pour qu’ils viennent acheter des couteaux dans mon magasin, plutôt que dans celui de mon concurrent ? ”, s’interroge Jean-Pierre Mijoulle, le propriétaire. Pour lui, il n’y avait donc qu’une seule solution pour trouver des marchés à l’export : le Web. Les résultats dépassent largement ses espérances ; en quelques mois, la part de son chiffre d’affaires à l’étranger, par le seul biais de son site, s’élève à 27 % alors qu’auparavant, elle était... nulle.

Une vitrine à moindre coût

Le petit commerçant de Laguiole analyse : “ Avec Internet, on est sur un pied d’égalité avec les grandes entreprises. Je pense que cela donne de belles opportunités commerciales aux petites entreprises ravitaillées par les corbeaux ! ” S’il est aussi satisfait de son expérience d’e-commerce, c’est également parce que son site ne lui a coûté que 7 600 euros (environ 50 000 francs) et qu’il est déjà rentabilisé. Le Net est le moyen le plus économique de s’assurer une visibilité à l’étranger. C’est d’ailleurs l’argument qui convainc Stéphane Currin, chez Sett Stockfil, de rester sur la Toile malgré des résultats insuffisants : “ Nous considérons notre site comme une vitrine, un moyen d’être prêts, le jour où la vieille industrie du textile se modernisera et passera aux nouvelles technologies. ” Un site peut également fournir l’occasion de tester et de mesurer les potentiels commerciaux au-delà des frontières hexagonales. Et, là encore, il est bien moins onéreux d’ouvrir un espace virtuel que d’envoyer un commercial parcourir le monde en quête d’hypothétiques contrats. Bien entendu, si le test est concluant, rien n’empêche d’y consacrer des moyens importants. Bonne Perrette envisage ainsi très sérieusement de créer un service export à court terme. Le distributeur de fromages a également eu une bonne surprise en allant sur Internet. S’il visait au départ les particuliers, le site a trouvé sa clientèle en B to B. “ C’est le gros de notre activité Internet, explique Eric Pouillé. Nous recevons d’importantes commandes d’hôtels, de restaurants ou même de grossistes, ce que nous n’avions pas imaginé un seul instant. ”

Le B to B aussi

Cette cible, en effet, n’est pas à négliger dès lors que les produits possèdent une spécificité forte. Cela est vrai pour l’alimentaire, mais également pour certains produits industriels, pour lesquels le savoir-faire français est reconnu. Ainsi, Heckel Sécurité, une entreprise de chaussures à usage professionnel, a-t-elle mis en ligne son catalogue traduit en anglais et en allemand. Les entreprises ne peuvent pas commander sur le site, qui est simplement conçu comme un moyen de prospecter. Idem chez Allimand, fabricant français de machines à papier : l’internaute arrive sur une page d’accueil en anglais. Le site est une vitrine de l’entreprise et renvoie sur les bureaux implantés un peu partout à travers le monde. Qu’ils soient en B to B ou B to C, les sites consacrés à l’export doivent répondre à plusieurs critères pour être efficaces. D’abord, le graphisme doit être très soigné, car un internaute étranger a besoin d’être rassuré quant au sérieux de l’e-marchand. Il est également indispensable de traduire entièrement le site, au moins en anglais et dans les différentes langues des pays visés, ce qui assurera, par ailleurs, un meilleur référencement dans les annuaires et moteurs de recherche. Dès lors, il est possible de commercer avec New York, Tokyo, Sydney, Rome ou Londres. Votre petite entreprise ? Elle a tout d’une grande.

Témoignage

Eric Fouillé, directeur de bonneperrette.com, site de vente en ligne de fromages “ Nous envisageons maintenant de créer un service export ” À l’heure où les déçus de l’e-commerce sont légion, l’expérience d’Eric Pouillé, directeur du site bonneperrette.com, fait plaisir. Non seulement le Web a permis à son entreprise familiale de trouver de nouveaux marchés à l’étranger (12 % du chiffre d’affaires en deux ans), mais, en plus, le projet a été simple à mettre en œuvre. “ La création du site nous a coûté 15 000 euros (environ 100 000 francs), explique-t-il. Un investissement largement rentabilisé, notamment grâce au B to B. ” La conception semble avoir été guidée par deux leitmotive : simplicité et rigueur des informations. Simple, le site l’est dans sa présentation et sa navigation. Dès la page d’accueil, l’internaute est invité à choisir sa langue (anglais ou français) ; il peut alors se rendre dans les rubriques marchandes, où les produits sont bien décrits et les plateaux de fromages photographiés. “ Nous avons également adapté le site à la culture anglo-saxonne : une page est consacrée à la livraison et aux garanties sanitaires. ” Le paiement est sécurisé, et les réponses aux e-mails sont rédigées en anglais. Autant de facteurs de la réussite d’un site dédié à l’export : “ Les professionnels étrangers nous connaissent grâce au Web, passent une première commande en ligne, puis nous établissons des relations commerciales par téléphone. ”

AVIS D’EXPERT

Sylvain Gross, auteur d’une étude sur les contraintes liées à l’export sur Internet et professeur à l’ESC Amiens “ Adapter le contenu aux particularités locales ” “ Il est essentiel que les sites souhaitant exporter prennent en compte les spécificités culturelles de chaque pays, et ne se contentent pas de traduire mot à mot leur contenu. Par exemple, aux États-Unis, la consommation d’alcool est interdite aux moins de vingt-et-un ans. Les Américains sont très stricts sur ce point, et les sites de vente en ligne de spiritueux outre-Atlantique accueillent les internautes sur une page leur demandant de cliquer pour certifier qu’ils sont majeurs. Il est donc souhaitable pour un site français de vins qui veut exporter là-bas de faire la même chose. Cela renforcera sa crédibilité. ”

Étude

Des sites trop franco-français ! Nombre de petites et moyennes entreprises exportant via le Net oublient certains principes de base. C’est ce que montre une enquête réalisée par les étudiants du mastère Marketing et communication interactifs de l’Ecole supérieure de commerce d’Amiens. Ces sites sont généralement bien référencés dans les annuaires et moteurs de recherche des pays ciblés, mais ils pêchent parfois par leur traduction, souvent partielle ou mal faite. S’ils proposent presque tous des réponses aux e-mails dans les langues des pays visés, ils ont de grosses lacunes en ce qui concerne l’adaptation à la culture commerciale locale : les prix sont rarement affichés dans d’autres monnaies que le franc et le dollar, les droits de douane sont peu pris en compte, pas plus que les réglementations particulières. Les sites dédiés à l’export sont donc paradoxalement trop franco-français, et gagneraient à tenir compte des besoins et attentes de leurs clients étrangers, pour lesquels une bonne traduction et un affichage des prix dans leur monnaie constituent la base d’une relation commerciale durable.

 
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Frédéric Thibaud

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