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Fidélité : peut-on faire carrière dans la même entreprise ?

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Depuis leur entrée dans la vie active, ils sont fidèles à leur premier employeur. Parcours réussis de ces cadres qui “déménagent” sans changer d’entreprise.

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Hier, on entrait en fonction comme on entre dans les ordres : pour la vie ! Aujourd’hui ? A priori, ce type de parcours est de plus en plus rare. A priori seulement. D’abord parce que la conjoncture économique rend plus frileux et favorise donc la fidélité à son employeur. Par ailleurs, certains services de l’entreprise sont plus adaptés à ce type de parcours. « La fonction commerciale, par exemple, est organisée, structurée et hiérarchisée de telle sorte qu’il est relativement facile de progresser en interne », observe Jean-Michel Azzi, p-dg de Maesina International Search. En effet, du terrain, on accède facilement à un poste de négociation puis d’encadrement régional, qui ouvre les portes de fonctions de type “support” au siège, véritable tremplin vers l’encadrement au niveau national. Un parcours bien balisé, qui a, toutefois, de prime abord, perdu de sa splendeur. On a tendance à coller un peu trop facilement à ceux qui jouent, aujourd’hui, la carte de la fidélité, une étiquette de “pantouflards”. « Un cadre fidèle à une entreprise possède, aux yeux d’un recruteur potentiel, plusieurs atouts : la fiabilité et l’expertise. Mais cette expérience ne doit pas être monolithique », nuance Jean-Michel Azzi. Le parcours en interne doit être, au contraire, progressif et constructif. Face à un tel parcours, tout recruteur voudra, en effet, se rassurer : le candidat, habitué à la structure de l’entreprise dans laquelle il a passé tant d’années, est-il capable d’évoluer et de s’adapter à un nouvel environnement ?

Plusieurs métiers

Les entreprises qui favorisent ce type de parcours sont, logiquement, celles qui disposent d’une organisation commerciale structurée et développée. C’est ainsi qu’Alain Régnault, aujourd’hui directeur général de Fortis, a occupé, pendant vingt ans, plus de six postes différents au sein de la fonction commerciale du groupe d’assurance. Certains cadres ont également été portés par le développement fulgurant de l’entreprise qui les avaient recrutés. C’est le cas de Laurent Feldman, aujourd’hui à la tête de la filiale espagnole d’Arval PHH. « Lorsque je suis arrivé, il y a dix ans, Arval comptait vingt-neuf collaborateurs. L’entreprise emploie aujourd’hui 3 500 personnes ! J’ai évolué avec le groupe, qui m’a offert de multiples opportunités. » La multiplication des fusions, absorptions, acquisitions a également conduit certains cadres à être fidèles, non pas à un employeur cette fois, mais à une entreprise. Ainsi, Joseph Awad, directeur des ventes Europe, Moyen-Orient, Afrique de GEAC Entreprises Solutions, a profité d’opportunités qui lui étaient offertes, notamment à l’issue de changements capitalistiques et de réorganisations : « J’ai exercé plusieurs métiers – au marketing, développement, direction des services, etc. – chez Mac Cormak, qui m’a recruté et qui est ensuite passé sous la tutelle de Dun & Bradstreet, puis de GEAC. » Ces trois cadres, loin d’être “pantouflards”, peuvent, au contraire, se prévaloir d’un parcours riche et enrichissant. « En étant fidèle à un groupe, on acquiert des réflexes qui permettent d’être de plus en plus efficace », fait valoir Laurent Feldman. Pour Joseph Awad, être fidèle à sa société, c’est prendre le temps de développer et d’approfondir ses compétences, et gagner en professionnalisme. « En un an et demi, on n’a pas le temps d’apprendre. Au final, on perd davantage que l’on apprend ! », tranche le directeur des ventes de GEAC, qui affiche dix-huit ans de maison.

Évoluer en étant fidèle

Manque de curiosité et de polyvalence, pour ces cadres “monosociétés” ? « En dix ans chez Arval, j’ai travaillé sur le marché privé, le marché public, j’ai évolué à l’international, participé au rachat d’entreprises, développé des entités, etc. Je crois avoir fait la preuve de ma polyvalence ! », assène Monsieur Arval Espagne. Ce type de parcours sera d’autant moins suspect qu’il aura été vécu dans un environnement qui a fortement évolué au fil des ans. « Il est toujours facile de démontrer que l’on a maintenu son employabilité, même en restant fidèle à son entreprise, lorsque l’on a travaillé dans un secteur qui a vécu de nombreuses évolutions voire révolutions », confirme Jean-Michel Azzi. Face à un recruteur, ces cadres sont ainsi en mesure de mettre en avant les changements auxquels ils ont dû faire face, qu’ils soient liés à l’organisation de l’entreprise, à son environnement, ses produits… et de souligner les actions menées. « Après dix-huit ans, l’environnement de travail n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu à mes débuts », souligne Joseph Awad. Les cadres fidèles ont un autre point en commun : leur relation à l’argent. Certes, c’est un élément de motivation, mais l’argent n’est en aucun cas leur principal moteur. Tous ont été chassés et le seront certainement encore demain. Ce qui compte, avant tout, pour eux, c’est l’engagement, l’identification à une marque, à une société qui le leur rend bien.

Témoignage

Laurent Feldman, directeur général d’Arval PHH Espagne et Philippe Noubel, directeur général d’Arval PHH Europe Continentale « Être fidèle, c’est devenir, peu à peu, un expert dans son domaine » Arval PHH est, à ce jour, l’unique employeur que Laurent Feldman ait jamais eu. À 33 ans, il affiche dix ans de bons et loyaux services. Entré comme commercial, il est aujourd’hui à la tête de la filiale espagnole, qui emploie 150 collaborateurs. « L’entreprise est en pleine croissance, j’ai toujours eu des opportunités à y saisir. » Pas de place pour la routine non plus : le marché est très différent de ce qu’il était il y a dix ans. « Les métiers se complexifient, celui de la LLD n’y a pas échappé. Aujourd’hui, plus qu’hier encore, il faut rester un certain temps dans la même entreprise pour connaître à fond un métier. Que retire-t-on d’une brève expérience ? La fidélité de nos collaborateurs n’est pas un hasard, assure Philippe Noubel. Arval PHH cherche à fidéliser. Pour cela, nous recrutons des jeunes, avec ou sans expérience. Mais nous ne chassons pas chez nos concurrents. Lorsque l’on fait cela, on ne peut pas, ensuite, demander à ses coéquipiers d’être fidèles ! » Dans cette logique toujours, Arval évite de recruter des candidats “mercenaires”, et privilégie l’ouverture d’esprit, qui permet d’évoluer dans différents domaines. « Nous avons également institué des entretiens annuels, qui permettent de mettre les collaborateurs en perspective. » La DRH a d’ailleurs élaboré un dispositif de filière, une sorte de mapping, qui permet de visualiser les possibilités d’évolution d’un service à l’autre et d’une fonction à une autre.

Témoignage

Alain Régnault, directeur général de Fortis Assurances « Tant que l’on progresse, pourquoi partir ? » Alain régnault, 42 ans, est entré chez Fortis en 1982. Il commence par vendre de l’assurance vie auprès des particuliers. Il devient ensuite animateur des ventes, inspecteur d’assurances, responsable de région, délégué régional, puis directeur commercial, jusqu’à occuper, depuis quelques mois, le poste de directeur général. Alors, ultra-ambitieux ? « Je n’ai jamais réclamé aucune promotion, répond Alain Régnault. C’est toujours l’entreprise qui m’a proposé de nouvelles responsabilités. » Aveuglément fidèle, alors ? Non plus. « J’ai été sollicité et le suis toujours. Mais je n’ai pas cédé à l’appel des sirènes. Dans chacune de mes missions, j’ai eu la chance de rester assez longtemps pour acquérir une expertise, et de pouvoir changer avant de m’ennuyer. Si je suis resté, c’est aussi parce que l’argent n’est pas mon seul moteur. »

À retenir

- Contrairement aux idées reçues, être fidèle à une entreprise est tout sauf synonyme de long fleuve tranquile. - Les cadres “monosociétés” possèdent d’autant plus d’atouts qu’ils ont su maintenir leur employabilité, notamment en évoluant en interne. - Finalement, un cadre fidèle est souvent fiable, compétent et capable de s’engager.

 
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Anne-Françoise Rabaud

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