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Gestion de projet. Manager ses pairs, une mission à haut risque

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Un manager peut être amené à encadrer des personnes du même niveau hiérarchique que lui. Compétence et leadership seront des qualités essentielles.

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S’il est déjà difficile de manager une équipe en ayant vis-à-vis d’elle des liens contractuels et formalisés de hiérarchie, il est encore plus difficile de le faire quand ces liens n’existent pas et que l’on se situe donc dans un cadre de management non-hiérarchique. On rencontre cette situation, par exemple, lorsqu’un directeur du marketing doit encadrer ses homologues du commercial et de la production pour définir la stratégie de lancement d’un nouveau produit. C’est aussi le cas lorsque le directeur commercial est chargé d’un projet d’informatisation des forces de vente et qu’il doit piloter un groupe de travail réunissant le directeur informatique et le directeur financier. Est-ce, pour autant, mission impossible ? « Pas du tout !, rétorque Jacques Inizan, consultant chez Co Management. Ce type de management “provisoire” est tout à fait possible à mettre en œuvre, même si, pour y parvenir, il faut surmonter un certain nombre de difficultés. » Pour asseoir sa légitimité, il convient, en premier lieu, que la direction générale justifie clairement le choix du manager. Montrer que le projet est reconnu comme stratégique au plus haut niveau de l’entreprise est essentiel. « Cela signifie qu’il appartient à la direction générale de présenter le projet, affirme Laurent Termignon, responsable de l’activité efficacité des ventes chez Hewitt. Cela peut prendre diverses formes : une réunion bien sûr, mais un simple mot, comme une lettre d’introduction, peuvent suffire. Si on ne prend pas le soin de faire cela en amont, les collaborateurs qui vont devoir travailler sur le projet risquent d’arbitrer eux-mêmes leurs priorités et donc de les gérer “au petit bonheur la chance”, en faisant passer le projet au second plan et en privilégiant leur activité traditionnelle. »

Une personnalité charismatique

C’est indispensable, mais pas suffisant. Le manager choisi pour mener à bien un projet transversal va devoir être crédible et asseoir sa légitimité par rapport à son équipe. « Tous les membres de l’équipe vont nécessairement se demander pourquoi telle personne a été désignée pour assumer la responsabilité de la mission, ce qui justifie sa position de pilote. Pour être légitime, le chef de projet doit donc posséder des compétences que n’a pas – ou pas autant – le reste de l’équipe. » La compétence est une qualité aisément reconnue par l’équipe : on comprend ainsi que le directeur marketing qui a élaboré une offre soit chargé de piloter son lancement. Il n’aura donc pas de mal à prouver sa qualification pour le poste. « Il faut également que le manager ait une personnalité charismatique, qu’il sache exercer un vrai leadership », estime Stéphanie Savel, dirigeante d’ASG Conseil, cabinet de conseil en ressources humaines. Et c’est bien sûr cette qualité qu’il va devoir s’employer à démontrer pour asseoir sa légitimité. Ce que résume Laurent Termignon : « Le manager non-hiérarchique va être contraint de vendre le projet à son équipe, parce qu’il ne peut pas jouer sur le levier de l’obligation. Il doit convaincre sans imposer ; susciter l’adhésion sans jamais user d’autorité. » Plusieurs solutions s’offrent à lui. « La plus efficace est d’essayer d’étonner son équipe, affirme Jacques Inizan. Si le manager ne sait pas surprendre d’emblée, sa position va être fragilisée. Cela signifie qu’il doit proposer des méthodes originales. Puisqu’il ne travaille pas dans un cadre hiérarchique strict, il va devoir sortir des sentiers battus dans son mode de management. » Cela peut être, par exemple, l’organisation de réunions hors du bureau pour parler du projet et le faire avancer, tout en privilégiant une approche plus détendue du management. L’expert va même plus loin : « Pourquoi ne pas recourir à l’humour ? », suggère-t-il.

Établir les règles du jeu

Pour Stéphanie Savel, il peut être judicieux de proposer aux “managés” de définir eux-mêmes les règles de fonctionnement régissant le projet. Ainsi, pourquoi ne pas demander aux membres du groupe de réfléchir, en amont, au temps qu’ils entendent consacrer à cette mission : « Chacun peut définir sa propre contribution en temps et en compétences et dire ce qu’il attend du manager désigné. Inversement, le responsable de projet définira sa contribution et celle des autres. Il s’agira, ensuite, de trouver un juste équilibre pour mener le projet à bien, l’essentiel étant que les règles du jeu soient définies collectivement et non autoritairement. » Ce type de fonctionnement “démocratique” est possible en raison de la nature même du management non-hiérarchique : tous les membres de l’équipe sont aussi des managers et ont donc une attitude parfaitement responsable. Si l’on ne montre pas aux managés quels bénéfices directs ils pourront retirer de cette nouvelle mission temporaire, il y a fort à parier qu’ils ne s’y impliqueront pas. « On peut, pour susciter l’adhésion, montrer que ce projet fera gagner des parts de marché et augmentera, par voie de conséquence, le volume d’affaires et les rémunérations, ou bien encore que c’est un moyen d’améliorer l’image de marque de l’entreprise », explique Jacques Inizan, de Co Management. Attention toutefois : l’argument de la rémunération doit être manié avec précaution. Il ne s’agit pas de fonder son argumentaire sur le levier financier. « Les projets impliquent, le plus souvent, des cadres. Ils font partie intégrante de leur mission et conditionnent leur niveau de rémunération. Ce n’est donc pas avec cet argument qu’il faut les convaincre, explique Stéphanie Savel, sinon on court à l’échec. »

Avis d’expert

Stéphanie Savel, dirigeante d’ASG Conseil, cabinet de conseil en ressources humaines « Organiser une journée de team-building en amont afin de créer une cohésion » La principale difficulté, quand on travaille en mode projet, est de créer une cohésion de points de vue entre des personnes qui ne sont pas habituées à travailler ensemble. C’est donc dès le début que le porteur du projet doit savoir nouer, avec ses coéquipiers, une relation fructueuse. « Pour y parvenir, la bonne solution est d’organiser un séminaire d’une journée dans un objectif de cohésion d’équipe. On prévoit alors des séances de réflexion pour définir la manière dont le travail va être organisé et réparti. » À la fin de la journée, chacun doit repartir avec une mission précise, en sachant le temps qu’il va y consacrer, ce qu’il va faire et dans quels délais. « Au-delà de ces aspects purement organisationnels, l’objectif est également de créer du lien et un esprit d’équipe. Nous préconisons les jeux de rôle, qui permettent à chacun d’exprimer des angoisses, des réticences ou des difficultés dont il parlera plus volontiers en portant la casquette d’un personnage. »

À savoir

Qui désigne qui ? Le mode de désignation du chef de projet dépend du contexte et du projet. Ce n’est pas forcément à la direction générale d’opérer ce choix. Dans le cadre d’un projet techniquement complexe, on peut ainsi laisser au groupe de travail la possibilité d’élire lui-même son manager. En effet, une personne s’imposera en fonction de compétences visibles et reconnues de tous. Pour un projet complexe d’un point de vue relationnel, en revanche, le choix appartient à la direction générale : c’est elle qui doit repérer le véritable leader, celui qui saura conduire les équipes.

En bref

Les cinq qualités d’un bon manager non-hiérarchique : - Il a des compétences que les autres n’ont pas. - Il est charismatique ou, tout au moins, possède une personnalité de leader. - Il est à l’écoute des personnes qu’il va manager pour comprendre leurs problèmes et leurs attentes. - Il sait dialoguer et servir d’interface entre la direction générale et son équipe. - Il sait “sortir du cadre” et proposer un mode de management original, détendu mais néanmoins constructif et efficace.

 
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Frédéric Thibaud

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