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Jean-René Cazeneuve, DG France, EMEA d’Apple : Sa mission, lutter contre “ le PC unique ”

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Très implanté dans le grand public, Apple peine à s’imposer dans les grandes et moyennes entreprises. Mais la marque entend y remédier.

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Action Commerciale — Apple détient 5,3 % du marché de l’informatique grand public en France, mais seulement 2,7 % de celui de l’informatique professionnelle (source : enquête IDC, troisième trimestre 2001). Comment expliquez-vous cet écart ?

Jean-René Cazeneuve

— Apple est, en effet, très bien implanté sur le marché de l’informatique à usage privé, où la marque s’est imposée grâce à trois atouts majeurs : la convivialité, l’extrême facilité d’utilisation de ses produits, et leur design particulièrement innovant et soigné. D’autre part, nous sommes très présents sur certains segments de marché, comme l’éducation (écoles, établissements de formation, etc.), ou dans certains domaines de l’informatique professionnelle, comme la création (agences de communication, de création graphique, etc.) et les TPE, PME et PMI. Mais le commun des entreprises, et particulièrement les plus importantes d’entre elles, considèrent, à tort, notre offre comme inadaptée à leur demande. Pourquoi cela ? Parce que nous sommes, en quelque sorte, victimes de notre image : nos produits se sont forgé une réputation de produits très simples à mettre en œuvre, donc ne nécessitant pas l’appel à un spécialiste. De plus, au début des années 1990, bon nombre de directions des systèmes d’information nous ont écartés a priori de tout projet informatique, arguant que nous étions trop chers et que notre offre logicielle était moins importante que celle disponible sous Windows.

Ces critiques, et notamment celle du prix, sont-elles toujours de mise ?

Nos produits restent légèrement plus chers que la moyenne de ceux de nos concurrents, mais leurs atouts – design, facilité d’utilisation, ergonomie et facilité d’intégration à un système tout-numérique, notamment – peuvent largement justifier ce petit écart tarifaire. De plus, si nos prix de vente sont souvent supérieurs à la moyenne, nos clients gagnent sur les coûts annexes (incluant, notamment, la maintenance) bien inférieurs à la moyenne. Au final, le “total cost of ownership” (ou “coût de possession”) d’un produit Apple est donc très compétitif. Quant à l’offre logicielle, elle a considérablement évolué et n’a rien à envier, aujourd’hui, à ses concurrents.

Vous êtes donc à même de rattraper votre retard relatif auprès des grands comptes...

En effet. Le tout est de convaincre les grandes et moyennes entreprises de nous consulter lors de leurs projets informatiques. Lorsque nous parvenons à lutter contre “la pensée et le PC uniques”, et que les entreprises font la démarche de nous mettre en compétition face à d’autres constructeurs, nous avons de bonnes chances de gagner. Pour conquérir des parts de marché, nous devons, par conséquent, montrer nos solutions, prouver qu’elles sont très faciles à intégrer. Nombre de dirigeants n’ont pas vu fonctionner une solution Apple depuis des lustres !

Précisément, comment agissez-vous pour renforcer la visibilité de vos solutions auprès des entreprises ?

Nous multiplions les opérations montées en partenariat avec nos partenaires revendeurs. Ainsi, nous organisons, pour nos clients et prospects, un grand nombre de séminaires sur nos lignes de produits afin de mettre en exergue, par exemple, notre avancée en matière de nos technologies sans fil.

Pourtant, paradoxalement, votre stratégie de communication reste essentiellement tournée vers le grand public...

En effet, Apple doit rester une marque tous publics, et doit donc s’adresser à une vaste cible, par le biais de médias dits de masse, comme la télévision. C’est pourquoi, si nos investissements médias sont inférieurs à ceux des grands noms de l’alimentaire ou de la cosmétique, ils sont bien supérieurs à ceux de la plupart des constructeurs informatiques. En revanche, il appartient à notre équipe commerciale et à notre réseau de revendeurs de mener à bien ce travail d’“évangélisation” des entreprises.

Comment se structure cette équipe commerciale “maison” ?

Constituée d’une quarantaine de vendeurs, notre équipe commerciale est divisée en cinq équipes, placées sous la tutelle de cinq directions commerciales sectorielles. La première est chargée de la zone Europe centrale, Moyen-Orient et Afrique ; la deuxième, du marché grand public (enseignes type Fnac) ; la troisième, de celui de l’éducation. Les deux dernières cellules s’occupent de l’activité B to B : l’une traite avec les métiers de la création, ainsi qu’avec les grands comptes, l’autre visite les réseaux de points de vente professionnels, soit, en France, 300 revendeurs actifs.

Sur ces 300 points de vente stratégiques, quel est le rôle de vos Apple centers ?

Nos soixante-dix Apple centers sont des points de vente monomarques, ou presque, qui, aux yeux de la plupart de nos clients, passent pour des succursales Apple. D’un point de vue juridique, le contrat qui nous lie à ces partenaires privilégiés est très souple : le revendeur ne verse pas de royalties, mais il ne bénéficie d’aucune exclusivité géographique ; ce n’est pas un contrat de franchise. Toutefois, le niveau d’implication des Apple centers est comparable à celui de franchisés : ils maîtrisent parfaitement notre offre de produits et solutions, et jouent un rôle d’ambassadeurs de la marque dans leur zone de chalandise. C’est pourquoi nous avons ouvert dans chaque grande ville de l’Hexagone un, voire deux, Apple centers, qui confortent notre présence commerciale.

Comptez-vous ouvrir d’autres Apple centers ?

C’est l’un de nos objectifs prioritaires : notre couverture nationale sera optimale lorsque nous aurons ouvert une dizaine de nouveaux centres. Depuis six mois, Apple s’est lancé aux États-Unis dans une stratégie d’ouverture de points de vente en propre, de telle sorte que la marque possède aujourd’hui vingt-cinq magasins portant son enseigne.

Envisagez-vous d’en faire autant sur le Vieux Continent ?

Non, cela ne fait pas partie de nos projets. Nous nous contentons, aujourd’hui, d’observer avec intérêt l’expérience que mène notre maison mère outre-Atlantique et d’en analyser le retour sur investissement. À la différence des États-Unis, où la vente directe a pris le pas sur toute autre forme de distribution, l’Europe possède un réseau de revendeurs informatiques très performant. C’est pourquoi, plutôt que de livrer concurrence à nos clients indirects, nous préférons intensifier notre partenariat avec eux.

Ce qui signifie que vous ne cherchez pas non plus à doper les ventes de l’Apple Store, votre site Web marchand ?

L’Apple Store a vu le jour en 1997 aux États-Unis, et fin 1998 en France. À l’époque, nous y vendions 100 % des produits Apple, ainsi que quelques références exclusives. C’était une erreur. Comme beaucoup, nous avons surestimé le potentiel de l’e-business, pensant, à tort, que le rapport de force lui serait favorable. Désormais, l’objectif de l’Apple Store est de répondre à la demande de certains clients, qu’il s’agisse de consommateurs matures (n’ayant pas besoin ni envie des conseils d’un revendeur intermédiaire), de personnes n’ayant pas de point de vente Apple près de chez elles, ou encore d’internautes souhaitant réaliser leurs emplettes en dehors des horaires d’ouverture des magasins. Pour l’heure, le chiffre d’affaires de l’Apple Store est faible, mais il progresse lentement. L’outil est donc appelé à s’imposer de lui-même, peu à peu.

Quelles missions assignez-vous aujourd’hui à votre site marchand ?

Nous concevons aujourd’hui l’Apple Store comme une boutique virtuelle permanente, ouverte sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui nous permet d’apporter à nos clients un grand nombre de services complémentaires. Plus qu’une vitrine, ce site nous offre, par exemple, l’opportunité d’offrir au public un niveau d’information jusqu’ici inégalé, et ce, sans aucun risque d’erreur : sur le Net, on peut tout savoir d’un produit Apple ! Mais ce n’est pas le seul atout d’Internet : c’est aussi un lieu de dialogue avec notre clientèle finale, ce qui nous aide à sentir le marché, à analyser, par exemple, l’impact d’une baisse de prix auprès du public. Enfin, Internet s’est également imposé comme un outil de travail avec nos revendeurs, dont 95 % des achats s’opèrent désormais en ligne. Outre l’économie de temps et d’argent que cela représente, pour eux comme pour nous, cela leur donne accès à de nouveaux services, comme la configuration de produits sur mesure, avec possibilité de commander ces produits grâce à une connexion directe à notre outil de production.

PARCOURS

_ 1985 Diplômé d’une école d’ingénieur et de l’Isa, le MBA d’HEC, Jean-René Cazeneuve entre chez Saint-Gobain. _ 1988 Il rejoint Compaq France en tant qu’ingénieur commercial, avant de devenir, deux ans plus tard, responsable des ventes. _ 1994 Il prend la direction du marketing du constructeur informatique. _ 1997 Il devient directeur commercial PME/PMI de Compaq, et intègre, à ce titre, le comité de direction de l’entreprise. _ 2000 Il entre chez Cisco en tant que directeur commercial “partenaires”. _ 2001 Il est appelé à la direction générale d’Apple France, Europe centrale, Moyen-Orient et Afrique.

 
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Propos recueillis par Stéfanie Moge-Masson

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