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La supply chain, un atout commercial

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La qualité de la logistique de distribution est devenue un argument concurrentiel fort et une clé de la satisfaction du client final comme du client distributeur. Au-delà des processus et des outils, c’est un vrai changement culturel qui doit intervenir pour mettre en œuvre une supply chain performante.

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Dominique Estampe, directeur de l’ISLI (Institut supérieur de logistique industrielle), groupe ESC-Bordeaux. “Chaque acteur de la chaîne se doit de coopérer pour une compréhension supérieure des consommateurs, notamment en terme de valeur apportée au consommateur.” L’évolution de la consommation actuelle se caractérise par l’émergence des marchés de niche en lieu et place des marchés grand public, par une innovation croissante des produits et services, par des cycles de vie des produits plus courts, par des demandes clients allant dans le sens d’offres packagées “produits et services”. La chaîne complète, fournisseur, fabricant et distributeur, se doit de répondre à chaque instant à cette évolution. La démarche de supply chain management a pour objectif d’accélérer les flux, de supprimer les obstacles et les barrières pour donner une réponse rapide et adaptée à chaque demande des consommateurs. La chaîne d’une extrémité à l’autre doit être agile et réactive. Pour une supply chain efficace, trois principes essentiels sont à respecter : il faut à la fois accélérer la transmission de l’information du consommateur vers le dernier maillon de la chaîne en amont, collaborer entre chaque acteur de la chaîne pour apporter de la valeur au consommateur, et enfin différencier le produit le plus tard possible dans le processus de fabrication pour profiter des avantages de la standardisation tout en offrant un produit sur mesure à chaque client. Au-delà de ces trois grands principes de base, chaque type de distribution et/ou de marché – marché e-business, grande distribution, commercialisation en direct, etc. – se doit d’avoir sa propre supply chain en terme de stratégie et d’organisation. Pour accélérer les informations, collaborer, décloisonner, les services commerciaux ont un rôle à jouer : ils se doivent d’être des facilitateurs du transfert des attentes des consommateurs sur l’ensemble de la chaîne. Ils mettent en place avec les supply chain managers des systèmes de collaboration efficaces entre fabricant, distributeur et consommateur : ECR (efficient consumer response), CPFR (collaborative planning forecasting and replenishment), etc. L’internet joue aussi son rôle : outil d’échange de l’information rapide et facile à implanter, il permet à tous les acteurs d’une chaîne de communiquer rapidement (et pas simplement vers ceux qui sont dotés des outils d’échanges d’information classiques comme l’EDI). Il permet de connaître rapidement la demande personnalisée du client, et donc de mettre en place une supply chain capable de s’adapter à cette personnalisation (livraison à domicile, choix libre de configuration, couleurs, etc.), un peu à la façon de la VPC mais avec un choix de références plus large et une dimension internationale. Gérard de Vesvrotte, senior partner du cabinet international ELC, spécialisé dans la recherche des performances achats, production et distribution. “Il y a encore quelques années, l’entreprise avait rempli sa mission une fois ses produits livrés dans l’entrepôt de son client. Aujourd’hui, elle doit s’assurer que ses produits soient présents au bon endroit au bon moment, quand le consommateur final en a besoin. La disponibilité du produit devient cruciale.” Tous les secteurs d’activité sont peu ou prou confrontés à la nécessité d’optimiser leur logistique de distribution pour assurer la disponibilité de leurs produits. Que ce soit Bongrain pour ses fromages qui doivent être en linéaire à “l’âge” idéal, c’est-à-dire dans une fenêtre de quatre à cinq jours, ou Peugeot Motocycles qui doit livrer au plus vite ses revendeurs de scooters jaunes ou rouges pour surfer avec succès sur les dernières tendances en vogue chez les ados, les fabricants ne peuvent plus se contenter de livrer leurs clients dans des délais raisonnables... Il faut faire beaucoup mieux, sous peine de manquer des ventes ! Pour y parvenir, il faut d’abord améliorer la supply chain interne, puis mettre en place un nouveau type de rapport, de contrat de service, avec son réseau de distribution. Optimiser la chaîne logistique interne, c’est agir sur plusieurs leviers à la fois, de la prévision des ventes à la planification industrielle en passant par les transports, et investir dans des outils informatiques adaptés. Cela nécessite des plans d’action lourds et une véritable réflexion sur le niveau de service que l’on souhaite assurer à ses clients. Cela passe aussi, souvent, par un changement organisationnel et la création d’une direction de la supply chain, garante d’une vision et d’une action transversales. Mais aucun saut qualitatif ne peut véritablement se faire sans entamer un dialogue et une collaboration avec son réseau de distribution. Vouloir maîtriser la présence de ses produits en rayon implique de considérer le stock du distributeur comme le sien : c’est la philosophie qui préside à des approches comme la GPA (gestion partagée des approvisionnements) ou la VMI (vendor managing inventory). Le producteur ne se limite plus à livrer ses produits : il gère directement les stocks de son distributeur et s’engage sur un taux de service de ses produits. Au contrat de marchandises succède un contrat de service, fondé sur le critère de disponibilité des produits. Les négociations fabricant-distributeur en sont totalement bouleversées : on ne parle plus quantité et remises, mais objectif de service. Bruno Lauré, dg du cabinet IT Group BGM. Ce cabinet, spécialiste du supply chain management, est l’initiateur du portail www.supplychaincenter.com qui référence l’ensemble de l’offre disponible sur le marché. “Le choix intelligent ne consiste pas à arbitrer en faveur des clients ou des coûts. Il consiste à mettre en place une organisation et des systèmes d’information qui garantissent la meilleure utilisation du capital disponible dans l’entreprise, tout en optimisant la performance globale perçue en bout de chaîne.” La satisfaction client d’accord, mais pas à n’importe quel prix et pas pour n’importe quel client ! Avant de se lancer dans des changements logistiques lourds, les entreprises ont tout intérêt à segmenter leur portefeuille selon des critères financiers (contribution au CA, à la marge, etc.) pour définir ensuite, pour chaque segment, le niveau de produit et le niveau de service qu’elles veulent atteindre, aujourd’hui et demain. Une logistique de distribution ne peut être monolithique : elle se découpe en plusieurs schémas qui, chacun, permettent de tirer le maximum de profit au regard des coûts engagés, tout en assurant le plus haut niveau de satisfaction pour un client donné. Certains clients seront par exemple livrés directement depuis l’usine, plusieurs fois par semaine, tandis que d’autres seront livrés hebdomadairement sur plate-forme. En fait, la logistique se décline à plusieurs niveaux, à la façon d’un contrat de maintenance qui peut être “gold”, “silver” ou “classique”. Comment concevoir ces différents schémas logistiques ? Il faut d’abord définir les différentes activités qui, mises bout à bout, permettent de satisfaire les différents segments de clientèle. Cela va des prévisions de vente, en aval, aux achats, en amont. Le point d’entrée de la chaîne, les prévisions de vente, est particulièrement critique, car on aura beau mettre en place une planification de production ultra-performante, elle ne servira à rien si les prévisions sont fausses ! Or, dans beaucoup d’entreprises, ces prévisions se font encore de manière trop intuitive. Leur fiabilité passe à la fois par l’adoption des bons outils logiciels, par la remise à plat du processus, et, surtout, par une véritable collaboration dans l’entreprise entre les différentes fonctions impliquées. Mais attention : une chaîne logistique, aussi performante soit-elle, ne doit pas être un carcan. Il faut pouvoir la reconfigurer assez régulièrement, en fonction de l’évolution de la demande et de la concurrence. Une organisation logistique doit en effet toujours être flexible, agile, c’est-à-dire avoir la capacité à se reconfigurer fréquemment. Élizabeth Auzanneau, manager du cabinet CSC Peat Marwick, conseil en supply chain et technologies de l’information : stratégie et reconfiguration des process logistiques et industriels, pilotage de la supply chain, conduite du changement et pilotage de projets de transformation, etc. “Une supply chain efficace devient une machine à fabriquer de la satisfaction client et donc du revenu. À condition de l’envisager sous l’angle d’un véritable projet de changement et pas seulement sous l’angle technique.” Pour les commerciaux, la supply chain apparaît souvent comme ésotérique, complexe. Or, on peut la résumer en deux processus : le premier consiste à mettre en place des ressources (des capacités de production, du stock, des moyens de transport, etc.) sur la base de prévisions de vente, le second consiste à consommer ces ressources, autrement dit à traiter les commandes clients en allouant les ressources qu’il faut au bon moment. Le premier processus permet de préparer un certain niveau de qualité de service (rapidité de livraison, taux de service, etc.), le second délivre cette qualité de service. Pour être efficace, cette supply chain doit en permanence connaître ses ressources disponibles à l’instant T et de manière prévisionnelle. Elle doit également pouvoir mettre en relation le plus rapidement possible la demande client et ses propres ressources. Il s’agit en fait de gérer au mieux les promesses faites au client telles que la disponibilité du produit, la date de livraison, etc. Pour atteindre cet objectif, le monde commercial a un rôle important à jouer, à travers trois domaines de contribution. En premier lieu, sa bonne connaissance des marchés et des clients : les commerciaux sont là pour dire quel niveau de service est attendu par tel ou tel segment de marché. À eux de signaler par exemple qu’un client est prêt à payer davantage pour être livré plus vite... Ils doivent également savoir appréhender ce que le marché va acheter à l’entreprise. Or, ils hésitent souvent à faire des prévisions qui se révéleront fausses. Cette information est pourtant stratégique pour les logisticiens qui doivent ajuster les ressources de la supply chain ! Pour résoudre le problème, je conseille aux entreprises de mettre en place une gestion collaborative des prévisions de vente : commerciaux et logisticiens doivent associer leurs compétences et partager les responsabilités. Le second axe de contribution du monde commercial consiste à faire preuve d’une extrême réactivité dans la transmission des informations sur les évolutions du marché aux logisticiens, car tout ce qui se passe en bout de chaîne a de forts impacts sur les flux physiques circulant dans l’entreprise. Les nouvelles technologies sont là pour les y aider ! Enfin, et c’est leur troisième domaine de contribution, les vendeurs doivent communiquer le plus tôt possible sur les évolutions de l’offre, afin que la supply chain mette en place les ressources adaptées. En conclusion, je dirais qu’une nouvelle mission attend les commerciaux, celle d’agent de communication qui met en relation l’univers client et la supply chain. Hervé Hillion, directeur associé du cabinet PEA. Conseil en organisation industrielle et logistique, PEA intervient sur l’optimisation globale des processus dans trois domaines : conception et développement de produits, management de la supply chain, gestion de la relation client. “Le développement du e-business va contraindre les entreprises à faire beaucoup d’efforts sur la manière dont elles collaborent au sein de la supply chain. Le niveau de service actuel n’est en effet pas du tout à la hauteur des promesses.” Le principal enjeu actuel de la supply chain est celui de l’intégration des différents partenaires impliqués. Il s’agit tout simplement de substituer un pilotage global à un pilotage par maillon, et de mettre en place une véritable autorité de régulation des flux physiques, financiers et informatifs. La première étape consiste à le faire au sein de l’entreprise, la seconde à l’étendre aux partenaires : fournisseurs, distributeurs, etc. Les services commerciaux doivent participer à cette chaîne collaborative, et ce, à deux niveaux : d’une part en prenant conscience des contraintes logistiques lors de l’élaboration de leurs offres commerciales, et, d’autre part, en assumant leurs responsabilités en matière d’anticipation et de prévisions de vente. Ils doivent engager un dialogue transparent avec les logisticiens et les hommes de production, se mettre autour de la table avec eux. Ce dialogue entre les métiers est capital dans le succès d’un projet de supply chain. On réduit trop souvent cette problématique aux outils technologiques et aux processus. C’est la partie la plus facile : changer les mentalités et les comportements est bien plus délicat. En réalité, il y a un décalage énorme entre les possibilités offertes par les nouvelles technologies et la capacité des hommes à se les approprier. L’émergence du e-business va donner un coup d’accélérateur à ces changements : pour l’instant, les entreprises se contentent de gagner du trafic sur leur site, demain, il leur faudra assurer un véritable service. Pour l’instant, les “back office” des sites marchands sont défaillants et les délais de livraison ne sont pas à la hauteur des ambitions ! Pour ne pas décevoir les acheteurs internautes, il va falloir mettre en place un processus logistique complètement intégré pour rendre fiable le service : la circulation de la commande dans les circuits d’approvisionnement devra être totalement fluide et extrêmement rapide. Cela coûtera extrêmement cher... L’une des solutions possible pour atteindre ce niveau de performance à un coût raisonnable consiste à participer à un portail marchand avec d’autres fournisseurs et à mutualiser la logistique de distribution. L’autre alternative, c’est l’externalisation vers un prestataire spécialisé.

Ce qu’il faut retenir • La chaîne logistique complète, fournisseur, fabricant et distributeur, d’une extrémité à l’autre, doit être agile et réactive. • Elle doit permettre de gérer au mieux les promesses faites au client : disponibilité du produit, personnalisation du produit, date de livraison, etc. • Les entreprises ont à mettre en place une gestion collaborative de prévisions des ventes : commerciaux et logisticiens doivent associer leurs compétences et partager les responsabilités en la matière. • Les commerciaux se doivent d’être des facilitateurs du transfert des attentes des consommateurs sur l’ensemble de la chaîne. • L’émergence du e-business va donner un coup d’accélérateur à ces changements.

Le processus de prévision des ventes Plus les prévisions sont saines et précises, meilleure est la planification de la supply chain. L’un des obstacles majeurs à la qualité de la prévision réside dans le cloisonnement des fonctions. Typiquement, les commerciaux élaborent des prévisions “dans leur coin” et les envoient à la production qui les mouline à sa façon. Pour un fonctionnement correct, il est vital de bien étudier la façon dont les échanges d’information se déroulent et de s’assurer qu’ils sont suffisamment équilibrés (je te communique un chiffre, en retour tu me fournis une information utile pour mon activité) pour que chacun ait intérêt à fournir une information aussi fiable que possible. Il faut ensuite mettre en place une organisation et des outils qui permettent aux utilisateurs de disposer des informations pertinentes, de partager l’information sur une base de référence commune et accessible à tous, afin d’éviter les actions redondantes ou répétitives. La mise en place d’un processus de prévision nécessite donc de supporter l’activité par une solution informatique performante. Par ailleurs, il est nécessaire que tous les acteurs chargés des prévisions soient responsabilisés sur la précision de ces prévisions.

 
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Propos recueillis par Valérie Guez

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