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Le marché de la glisse se professionnalise

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Depuis quelques années déjà, le secteur des sports de glisse a pris la vague de la professionnalisation. Aux côtés des PME, toujours à la pointe de l’innovation, des groupes plus structurés ont su trouver leur place. Tour d’horizon.

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Windsurf, snowboard, street roller, skateboard, free-style, longboard, free-ride, bodyboard, BMX, etc. Autant de barbarismes pour les néophytes de la glisse, autant de sensations en perspective pour ses amateurs et ses idéalistes. Ainsi, le fameux “lifestyle” de la glisse (littéralement “le style de vie”, avec toutes les connotations de nature, de liberté mais aussi d’individualisme que cela implique) a su s’imposer : pour tout un chacun – pratiquant ou non –, les surfeurs sont devenus des modèles à imiter. Le grand public s’est, peu à peu, approprié le secteur : le surfwear n’est plus une mode mais représente déjà un code vestimentaire. Aujourd’hui, derrière l’imaginaire, une réalité bien économique a pris place. Alors que certains, un rien nostalgiques, évoquent encore le lifestyle des glisseurs, d’autres y voient un secteur qui, au fil des ans, a su se structurer, se professionnaliser. De Biarritz à Annecy, de l’Atlantique aux Alpes, l’industrie de la glisse a su s’imposer comme un secteur économique à part entière qui, certes, s’est développé plus tard que d’autres secteurs sportifs (lifestyle oblige) mais finalement suit le même schéma. À la myriade de PME, voire de TPE, qui ont créé le secteur dans les années 70 et l’ont fait évoluer, ont succédé, aujourd’hui, de plus grandes entreprises. D’une part, les PME d’antan ont grandi (Quiksilver pour ne citer qu’elle), d’autre part, des groupes déjà installés dans le domaine du sport (Adidas, Nike, etc. pour les vêtements ; Rossignol, Salomon, etc. pour le matériel) ont voulu profiter, eux aussi, de cette manne. Deux pôles géographiques propres au secteur de la glisse ont rapidement émergé et ont été reconnus comme tels. D’un côté, le Sud-Ouest, avec ses surfeurs, est devenu le berceau des entreprises de la glisse sur eau et s’est rapidement dirigé vers le surfwear (Quiksilver, Oxbow, Billabong, Rusty, Rip Curl, etc.). De l’autre, le Sud-Est et ses montagnes ont vu se développer tout un secteur de la glisse, résolument tourné vers la neige et surtout le matériel (Rossignol, Salomon, etc.). Quant à la glisse sur bitume, c’est bien sûr du côté de la capitale et des centres urbains qu’elle s’est épanouie, tout comme ses “skate-shops”. Une polarisation géographique qui s’explique par la spécificité du secteur : ne se lance pas qui veut. Ainsi, bien que professionnalisé, l’univers de la glisse demeure peuplé de pratiquants qui ont fait de leur passion leur profession. Pour Ricardo Musafir, de la société Gliss’Promotion (organisatrice du désormais traditionnel salon des sports de glisse, Gliss’Expo), « le milieu impose d’être près de l’acteur principal du marché. Les entreprises se rapprochent au maximum de leur cible première. » Par ailleurs, l’innovation doit être constante, les consommateurs n’étant nullement attachés à une marque : ne comptent, pour eux, que les nouveautés au service de la glisse. Dans ce microcosme d’aficionados, les vendeurs des shops spécialisés font la loi et se tiennent à l’affût de la marque ultra-confidentielle qui attirera les initiés. Passionnés par ce qu’ils font, ils attendent des commerciaux avec qui ils traitent le même engouement et surtout la même connaissance. Pas question, donc, de recruter une force de vente néophyte. Les entreprises du secteur n’hésitent pas, non plus, à s’offrir l’expertise d’anciens champions de la glisse, histoire de garantir leur crédibilité auprès de leur public. Une crédibilité que conforte le “team” de l’entreprise : celle-ci s’entoure de sportifs de haut niveau (communément appelés “riders”) et les sponsorise. Ces derniers sont aussi régulièrement invités à participer à l’élaboration des nouveaux produits. De leur succès sportif, dépend l’image de la marque. Alors, milieu élitiste réservé à une poignée d’initiés ou secteur économique à part entière ? Une question à laquelle Ricardo Musafir apportera une réponse en demi-teinte : « Les entreprises du secteur de la glisse ont su se professionnaliser et ont adopté une réelle démarche commerciale, notamment en direction du grand public. Pourtant, toutes ont choisi de s’entourer de gens du milieu, une sorte de caution morale auprès des initiés. »

« Pour le roller, le marché est arrivé à maturité, il n’y a que les meilleurs qui restent. Plus qu’une concentration, je parlerai plutôt d’un assainissement du marché. » Anne Vallier, directrice marketing de Templar Templar, entreprise créée en 1991 à Lyon, s’est spécialisée dans le négoce B to B de marques de sports de glisse urbaine (roller, skateboard, trottinette, BMX, etc.), un secteur où elle a su faire sa place. Elle réalise un chiffre d’affaires de 120 millions de francs (plus de 18 millions d’euros) et emploie vingt-neuf personnes, dont neuf au service commercial France et quatre agents européens. « Nous avons développé un réseau européen depuis un an et demi. Cela nous permet d’offrir un interlocuteur unique à nos fournisseurs américains », témoigne Anne Vallier. Par ailleurs, Templar a choisi de diversifier sa stratégie de distribution. « Nous nous adressons aussi bien aux centrales d’achat des chaînes d’articles de sport qu’aux shops spécialisés, à qui nous réservons certaines marques. » Deux familles de distributeurs auxquelles l’entreprise a associé des forces de vente spécifiques. « Si le skate est une tribu, avec ses codes et ses signes de ralliement, l’offre est techniquement simple, il n’est pas nécessaire d’être très pointu sur le domaine en rentrant chez nous. Par exemple, notre directeur commercial, qui traite avec les centrales d’achat, est issu du milieu pharmaceutique. Toutefois, précise la directrice marketing de Templar, on peut très vite être dépassé dans ce milieu. C’est pourquoi il est aussi important que nos commerciaux soient en osmose avec les acheteurs des shops, qu’ils aient le “langage de la glisse”. À chaque client, son commercial...

« La concentration a commencé car l’environnement évolue. Les clients recherchent les marques puissantes sur lesquelles les stratégies de distribution s’appuient. » Arnaud Gaillard, directeur commercial de Quiksilver Quand on évoque le secteur des sports de glisse, difficile de l’ignorer tant la marque fait figure de symbole : de la PME de Saint-Jean-de-Luz au groupe coté en Bourse et qui affiche une croissance à deux chiffres, Quiksilver a su surfer sur la vague du succès. Avec un chiffre d’affaires mondial de plus d’un milliard de francs (environ 152 millions d’euros) cette année, l’entreprise peut facilement revendiquer son statut de leader sur le marché du surfwear. « Nos horizons sont plutôt tournés vers Adidas, Nike. C’est un challenge. » Un pari que Quiksilver entend bien remporter en misant sur sa double entrée stratégique : la mode et le sport. « Nous avons une véritable légitimité : la marque établie, nos réseaux de distribution sont bien structurés. Le chiffre d’affaires de notre réseau fashion équivaut ainsi à celui du réseau sport. » En outre, en s’offrant l’opportunité de sortir du seul secteur surfwear, soit par le rachat d’autres marques (Gotcha, par exemple), soit en présentant une gamme plus snowboard, le groupe est parvenu à combattre la saisonnalité de son activité. « Quiksilver a gardé l’esprit d’une PME pionnière. Nous sommes issus du lifestyle de la glisse et nous ne l’oublions pas. » Un état d’esprit qui se retrouve dans la force de vente de la société (une cinquantaine de personnes). « Nous avons une double culture : esprit surf et expérience commerciale. »

« L’esprit de la glisse doit perdurer par-delà l’approche commerciale. On assiste à un phénomène normal d’évolution du marché mais il ne faut pas en oublier les racines. » Jérôme Elbaz, directeur commercial des activités “hiver” et “roller” de Salomon Salomon s’est lancé dans le secteur des sports de glisse il y a une petite dizaine d’années. Identifié comme un spécialiste des fixations de ski, le groupe savoyard a choisi de rajeunir son image en amorçant un virage stratégique vers la glisse : snowboard, roller (training, street). « Aujourd’hui, le secteur glisse représente un vrai business chez Salomon. Nous avons des attachés commerciaux dédiés aux “pro-shops” ; l’approche commerciale est spécifique, le relationnel particulier. Les pro-shops font les tendances. Ils sont prescripteurs dans leur démarche commerciale. » Pour Jérôme Elbaz, « la glisse, plus qu’un sport, est une philosophie. L’indépendance, la liberté représentent des thèmes forts, c’est aussi pour cela que le consommateur est naturellement versatile, avide de nouvelles sensations et exigeant sur le matériel. Le milieu de la glisse est géré par les glisseurs ; à partir du moment où nous sommes déconnectés de la réalité du marché, nous risquons de perdre le soutien des riders. » Aujourd’hui, le marché est arrivé à maturité, les petites PME d’antan ont cédé la place à des structures plus importantes. Pourtant, l’esprit glisse de liberté demeure. « La glisse touche tout le monde, il ne s’agit pas de faire de l’élitisme. La structuration est nouvelle, mais l’esprit reste. »

Repères en chiffres 25 % des 15/64 ans se déclarent très ou assez intéressés par les sports de glisse, selon une étude réalisée par SportLab, en 1998. 40 % de ces glisseurs pratiquent leur sport sur bitume. Suivent la glisse sur eau (38 %) et la glisse sur neige (22 %). 1,36 milliard de francs (soit 207,33 millions d’euros), c’est le chiffre d’affaires du marché mondial du snowboard (matériel uniquement) pour la saison 1999/2000. Sur la même période, 91 000 planches de snowboard ont été vendues sur le marché français, soit 8,23 % de plus qu’en 1998/1999, selon les chiffres de l’ANIS (Association nationale de l’industrie du snowboard).

 
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Julie Vedovati

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