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Manager et solitaire : une fatalité ?

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Aucun manager n’est à l’abri de la solitude. Qu’il s’agisse d’isolement véritable ou d’autonomie mal vécue, sachez déceler cette dérive pour la combattre.

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Cent commerciaux, dix chefs des ventes, un directeur commercial. Mathématique, la montée en grade dans une société a pour effet de limiter le nombre de collaborateurs occupant le haut de la pyramide. Seul à son poste, le directeur commercial peut se sentir isolé. Une situation parfois dure à vivre pour ceux qui ont progressivement grimpé les échelons, du terrain au top management. Pour un commercial, la prise de responsabilités se traduit par un éloignement du terrain et par des tâches plus stratégiques qu’opérationnelles. Alors qu’un vendeur rend des comptes à son supérieur direct, le manager est pris entre deux feux : son équipe d’une part, et sa propre hiérarchie d’autre part. Tout cela sur fond de performances, puisqu’il lui faut assumer et défendre les résultats de son équipe, tout en lui assignant des objectifs en cohérence avec la politique de l’entreprise. Par ailleurs, son poste l’amène à toucher à de nombreuses disciplines : ressources humaines, management, marketing, formation. Une telle variété peut dérouter, entraîner interrogations et solitude. Plus concrètement, l’évolution du métier peut aussi isoler. « L’apparition des nouvelles technologies a contribué à couper les managers du terrain », estime Bernard Bardalou, directeur commercial chez AGF Assurfinances, faisant référence aux e-mails et autres visioconférences. Avec leur tempérament ouvert, leur sens du contact, les dirigeants commerciaux peuvent donc mal vivre un sentiment de solitude lié à des changements dans la société, une nouvelle hiérarchie, une nouvelle équipe, etc.

Entre réflexion stratégique et résultat

Pour Alain Fina, directeur des opérations chez Creyf’s Intérim, « la solitude naît souvent d’un manque de résultat. Une insuffisance de performances peut entraîner une certaine culpabilité à ne pas avoir mené ses équipes à l’objectif. A contrario, lorsque les chiffres sont atteints, l’ambiance est à la fête pour toute l’équipe et le sentiment de solitude est inexistant. » Guy Azoulaï, consultant chez Stimulus, spécialiste de la psychologie d’entreprise, estime que les managers ne sont pas égaux face à la solitude. « Certaines personnalités sont moins préparées à affronter la solitude lorsqu’elle est subie. Certains tempéraments la vivent très bien, d’autres la perçoivent comme une souffrance. » Dans ce genre de situation, la sortie de crise dépend essentiellement de la capacité du manager à se créer des occasions de communiquer. Le maintien du lien avec le terrain, tout d’abord, s’avère primordial. François Brochet, directeur commercial de la filiale propreté d’ISS France, le confirme : « Il faut s’imposer des déplacements terrain au moins une fois par semaine ou tous les quinze jours, pour prendre la température chez les clients et mieux comprendre ce que vivent ses commerciaux. » Pour Bernard Bardalou, ce lien avec les collaborateurs est d’autant plus important qu’il peut aller jusqu’à les impliquer dans la prise de décision. Le directeur commercial d’AGF Assurfinances organise, deux fois par an, des Trophées de l’innovation, auprès de ses 900 collaborateurs, sur trois thèmes : recrutement, management et commercial. Chacun est invité à plancher et à proposer des idées pour améliorer le travail des équipes commerciales.

Solliciter les équipes ou les pairs

L’implication des équipes, la stimulation de leur créativité sont des conditions propices à développer des liens, à rompre avec le sentiment de solitude. « Si vous êtes à l’écoute de vos collaborateurs, vous trouverez auprès d’eux une oreille attentive », résume Alain Fina. Une oreille qui, toutefois, ne peut pas tout entendre. Et, là où on ne peut solliciter ses équipes, les pairs, dans l’entreprise, peuvent prendre le relais. Se constituer des appuis auprès des managers d’autres services ou du comité de direction est indispensable. Les liens et les occasions d’échanger peuvent être tout à fait informels, au cours d’un déjeuner, par exemple. Ils peuvent être également beaucoup plus formalisés. « Certaines sociétés possèdent même des coachs internes », explique Francis Kaufmann, consultant chez CAA. Sortes de “tuteurs”, ces derniers aident à l’intégration dans la société et à la résolution des problèmes. Enfin, tous les appuis extérieurs sont à examiner. « Il faut rester ouvert sur son environnement, faire de la veille », estime Bernard Bardalou. Les camarades de promotion, les homologues rencontrés lors de stages de formation interenteprise ou dans le milieu associatif (associations professionnelles ou pas) permettent de créer de tels liens. Repérer les bonnes pratiques et se transformer en force de proposition ne peut que gommer la solitude, par l’implication dans la société. Côté hiérarchie enfin, maintenir les relations s’avère également indispensable, tout en prenant garde au jugement auquel vous vous exposez. Tisser des liens de confiance, faits de respect et fondés sur des critères objectifs, est encore la meilleure garantie contre l’isolement.

Avis d’expert

Jean-Claude Martin, fondateur de Personnalité, cabinet de conseil en accompagnement des cadres et dirigeants « Il ne faut pas hésiter à solliciter l’aide d’un coach » « La solitude guette aussi bien un directeur commercial débutant que confirmé, tant l’environnement de l’entreprise est mouvant », estime Jean-Claude Martin. L’appui du coach s’avère utile lorsque naissent les doutes et le besoin d’écoute. « Le tempérament des commerciaux, quel que soit leur niveau, est basé sur le contact, l’ouverture aux autres. D’où un grand sentiment de frustration lorsqu’ils ne peuvent pas communiquer. » Un changement d’organigramme, de nouveaux enjeux peuvent se révéler déstabilisants. Mieux vaut y être préparé. Lorsqu’il accueille de nouveaux clients, Jean-Claude Martin leur demande parfois d’indiquer les dix qualités nécessaires à un leader. « Peu préparés, certains “sèchent” sur cette question, démontrant ainsi le manque de recul qu’ils ont sur leur fonction. » Souvent, le recours à un coach a pour effet de tranquilliser le directeur commercial, et de lui donner de l’aisance, y compris sur des points comme la prise de parole en public. « De la capacité du manager à identifier ses problèmes et à en parler dépend la sortie de crise. »

Témoignage

Olgica Pezin, directrice commerciale de RH Sièges, concepteur de sièges de bureau « Faire la part de la solitude et de l’autonomie » Olgica Pezin dirige la filiale commerciale d’une société suédoise. Après avoir travaillé chez un fabricant mondial de mobilier puis un distributeur, elle crée en 1998, le bureau français de RH Sièges. « Au départ, j’appréhendais une certaine solitude que je pensais inévitable, vu l’éloignement avec le siège et la somme de responsabilités qui m’incombait », raconte Olgica Pezin. Après deux semaines de formation en Suède, Olgica Pezin s’est trouvée seule aux commandes en France et s’est obligée à solliciter très souvent ses collègues. Qu’il s’agisse de problèmes stratégiques, ou pas. « Je demandais beaucoup l’avis de ma hiérarchie au départ, qui fort heureusement, s’est toujours montrée très disponible. Je n’ai pas hésité à suivre des formations, par exemple sur la publicité, pour maîtriser tous les aspects de mon poste. J’ai toujours été soutenue. » Les collègues suédois d’Olgica Pezin l’informent quasiment au quotidien, y compris sur des sujets comme les nouveaux arrivants, ou les naissances. Une façon de recréer l’ambiance “machine à café” indispensable à l’appartenance au groupe. Olgica Pezin s’envole régulièrement pour la Suède et reconnaît qu’au final, « cette solitude géographique s’est traduite par une formidable autonomie ».

 
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Olga Stancevic

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