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Mobilité. Expatriation : partir pour mieux revenir

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Vivre une expérience internationale est un formidable accélérateur de carrière. À condition de partir dans les meilleures conditions et de préparer son retour.

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Laurent Penhouët est un ancien expatrié qui a tout gagné. L’actuel directeur commercial du pôle indirect de Leaseplan, spécialiste de la location longue durée de véhicules, a passé deux ans et demi à Atlanta, aux États-Unis. « En 1998, alors que j’occupais le poste de directeur grands comptes chez Europcar France (spécialiste de la location courte durée de véhicules, ndlr), on m’a proposé de prendre la direction des ventes pour l’Amérique du Nord, explique-t-il. L’enrichissement personnel, le challenge et la perspective d’une évolution professionnelle m’ont convaincu d’accepter. » Une décision que Laurent Penhouët n’a pas eu à regretter : à son retour en France, il a été promu directeur des ventes internationales du groupe. « L’évolution professionnelle pousse aujourd’hui les cadres à s’expatrier, lance Jean-Luc Cerdin, professeur en gestion des ressources humaines à l’Essec et auteur de L’expatriation*. Il y a quelques années, c’était la prime de mobilité qui les séduisait. Actuellement, la hausse de la rémunération arrive loin derrière l’enrichissement du parcours professionnel, en termes de motivation. » Et pour cause : « Un manager commercial qui souhaite évoluer vers une fonction de directeur export ou de directeur général ne peut faire l’économie d’une expérience internationale, assure Nathalie Lorrain, directrice d’Itinéraires interculturels, cabinet de conseil en mobilité internationale. L’expatriation est un véritable accélérateur de carrière. »

Préparer soigneusement son départ

À condition, bien sûr, de réussir sa mission. « Il serait faux de croire que l’expatriation est, à elle seule, porteuse des perspectives les plus mirobolantes, souligne Laurent Penhouët. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, la promotion ne le sera pas davantage. » Pour mettre toutes les chances de son côté, une préparation rigoureuse s’impose. « Outre une formation linguistique – indispensable –, le futur expatrié aura tout intérêt à suivre une formation interculturelle, conseille Nathalie Lorrain. C’est, pour lui, le seul moyen d’éviter le choc culturel, bien réel. Le futur expatrié pourra prendre conscience des “décalages” qui existent entre ses attentes et les réalités du pays qu’il s’apprête à rejoindre. » Un avis que partage Jean-Luc Cerdin, de l’Essec. « Avant le départ, le futur expatrié doit suivre une formation qui s’apparente à une “mise en situation”, afin d’apprendre à réagir face aux imprévus », insiste-t-il. Sur le plan purement professionnel, l’expatrié – surtout s’il est en contact avec la clientèle locale – devra apprendre à travailler autrement, à se comporter différemment. « Au Japon, la tenue de réunion est très éloignée de ce dont les Français ont l’habitude. La structure hiérarchique est telle que la prise de parole est fonction du rang qu’occupe le manager dans l’entreprise et même de son appartenance à tel ou tel groupe social, explique Nathalie Lorrain. Il faut réussir à comprendre comment circule l’information, sans quoi toute communication sera vouée à l’échec et il y a fort à parier que la mission le sera elle aussi. » Aux États-Unis, Laurent Penhouët a, lui aussi, expérimenté ce type de déconvenue. « Les Américains sont tous des “hyperspécialistes”, tandis que les Français sont plus généralistes. Quand on prospecte, on perd bien souvent du temps à rechercher l’interlocuteur ad hoc », explique-t-il. Selon Jean-Luc Cerdin, l’idéal est encore d’être guidé par un coach, par le biais d’entretiens réguliers. Un privilège qui, pour l’heure, demeure l’apanage des cadres de très grandes entreprises.

Négocier les conditions de son retour

Si les entreprises ont à cœur de régler les questions de logistique liées au départ de l’un de leurs salariés – obtention du visa, rattachement à tel ou tel régime fiscal, déménagement ou encore scolarisation des enfants –, 40 % des expatriés se disent mécontents de la gestion des carrières internationales opérée par leur société (selon une récente enquête de Taylor Nelson Sofres Interactive). Sans aller jusqu’à négocier les conditions du retour avant même d’avoir bouclé ses bagages, l’expatrié devra donc se soucier de son avenir durant son séjour qui, idéalement, ne devra pas excéder deux ou trois ans. « Au-delà de cette durée, le retour peut se révéler difficile, met en garde Nathalie Lorrain, d’Itinéraires interculturels. L’expatrié est alors complètement déconnecté des réalités de son pays d’origine. » Pour endiguer cette perte de repères, l’expatrié devra entretenir des contacts réguliers avec sa maison mère, ne serait-ce que pour éviter d’être “oublié”. « Un contact téléphonique ou un e-mail par semaine sont le strict minimum, déclare Jean-Luc Cerdin, de l’Essec. S’y ajoutent deux retours au pays par an, dont l’un peut être consacré à l’entretien annuel d’évaluation, essentiel pour faire le point avec sa hiérarchie sur les compétences – autonomie, adaptabilité et vision globale – développées durant le séjour. » L’année qui précède le retour est également primordiale. « L’expatrié doit alors exposer ses attentes et ses envies et négocier sérieusement son retour », insiste Nathalie Lorrain, d’Itinéraires interculturels. Laurent Penhouët a même retardé son retour de six mois, le temps de déterminer avec son employeur le poste que lui serait attribué. Résultat : des responsabilités accrues et une croissance notable de son salaire. Reste que c’est souvent à l’occasion d’une évolution externe que les bénéfices de l’expérience se font le plus sentir. « La moitié des expatriés changent d’entreprise dans les six mois à deux ans qui suivent leur retour, explique Nathalie Lorrain. La raison ? Leur employeur ne leur propose pas de poste assez valorisant, alors que de vraies perspectives s’ouvrent à eux chez les autres. » Et Jean-Luc Cerdin de conclure : « Une chose est sûre : si l’expatrié est prêt à changer d’entreprise, les recruteurs lui ouvriront les bras ! » (*) L’expatriation, par Jean-Luc Cerdin, Éditions d’organisation, Paris, 2002, 344 pages, 32 euros.

Témoignage

Jacques Sebag, vice-président et directeur général de Véritas Software France « Se rappeler aux bons souvenirs de sa maison mère » Jacques Sebag est responsable des partenariats français pour Oracle, éditeur de logiciels, quand il accepte, en 1994, de passer deux années à San Francisco, au siège de la société. « Mon objectif a toujours été de réintégrer la filiale française, déclare-t-il. Et lors d’une expatriation, l’adage “Loin des yeux, loin du cœur” prend tout son sens. À votre retour, vous courez le risque que les compétences acquises grâce à cette expérience demeurent insoupçonnées. » Pour pallier ce manque de visibilité, Jacques Sebag a donc effectué deux visites par an à sa filiale d’origine, afin de faire le point sur sa mission et l’évolution de ses connaissances. Des contacts “physiques” qu’il a intensifiés avant son retour en France. « J’étais dans la même position qu’un postulant lambda, je devais identifier les postes à pourvoir et réussir à me vendre », explique-t-il. Son insistance a finalement porté ses fruits : à son retour, il est promu vice-président des partenariats au niveau européen.

En savoir plus

Les sites Web utiles www.mfe.org : Coût de la vie, santé, scolarisation, protection sociale, fiscalité, contrats de travail, le site de la Maison des Français de l’étranger – un service du ministère des Affaires étrangères – répertorie des dossiers complets sur près de cent pays.www.partnerjob.com : Créé par quatorze multinationales françaises, dont Thales, Air liquide, Danone ou encore Rhodia, ce site a pour vocation d’aider les conjoints d’expatriés à trouver un emploi dans le pays d’accueil. www.expatriation.com : Ce site propose de nombreuses astuces pour vivre et travailler à l’étranger. Fiches pays, questions-réponses, informations pratiques : il vous accompagne depuis la préparation du départ jusqu’au retour au pays.

À retenir

- L’expatriation est vécue par les cadres commerciaux comme une opportunité de carrière. À leur retour, ils espèrent accéder à des responsabilités plus élevées. - Pour être une réussite, l’expatriation doit être soigneusement préparée. Une formation linguistique et interculturelle est indispensable. - Enfin, c’est le retour qu’il faut savoir gérer parfaitement. L’expatrié doit veiller à rester en contact avec sa maison mère, afin d’exposer à ses supérieurs hiérarchiques ses attentes en termes d’évolution de carrière.

 
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Maud Aigrain

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