Promotion. Donner un second souffle à sa carrière
À un moment de son parcours professionnel, un cadre dirigeant peut avoir le sentiment de “plafonner”. Rien de grave ; l’important est de réagir à temps.
Je m'abonneDepuis quatre ans, Jean occupe un poste à sa mesure dans une entreprise stable. Pourtant, il est inquiet. La promotion qu’on lui promettait a été attribuée à un autre et, depuis quelque temps, ses supérieurs le consultent moins qu’auparavant. Quant aux chasseurs de têtes, ils se font de plus en plus discrets. En interne, comme en externe, sa carrière semble au point mort. « Tout le monde peut, un jour ou l’autre, être confronté à ce type de situation », assure Francine Jacquier, directeur régional Paris de Lee Hecht Harrison, cabinet de conseil en gestion de carrière. Et pour de multiples raisons. « Les chasseurs de têtes ont tendance à moins solliciter les managers lorsqu’ils ont franchi la barre “fatidique” des quarante-cinq ans, reconnaît Pascal de Longeville, directeur associé du cabinet EOS Conseil. Mais l’âge n’est pas le seul responsable. « Dans la plupart des cas, c’est un certain “attentisme” qui est en cause. Passer plus de cinq ans dans une même entreprise, dans la même fonction, est souvent perçu comme un signe d’immobilisme. » Réaliser le plus tôt possible que l’on est en perte de vitesse, telle est la première difficulté. « À la faveur d’un entretien annuel d’évaluation, un manager peut prendre conscience qu’il n’a pas assez évolué au cours des derniers trimestres, avance Luc Béquaert, consultant chez DBM, cabinet de conseil en évolution professionnelle. Ce sera le cas, notamment, si les remarques de sa hiérarchie sont les mêmes que l’année précédente. L’essentiel est, alors, de l’accepter et d’en tirer les conclusions qui s’imposent. »
Se remettre à niveau
Sacrifier au bilan de compétences est indispensable avant de construire un nouveau projet professionnel. « Une démarche qui ne peut être que positive ! », assure Luc Béquaert (DBM). Certes, une telle mise au point peut révéler des faiblesses. « Dans ce cas, prévient le consultant, il est indispensable de suivre les formations adéquates pour prétendre atteindre son nouvel objectif. » Retourner sur les bancs de l’école ? Philippe Sabat, responsable des nouveaux marchés pour l’automobile chez Dow Chemical, groupe chimique américain, n’a pas hésité à le faire. « Il y a trois ans, j’ai souhaité remettre à niveau mes connaissances, au regard de l’évolution du marché et de mon métier. » Pendant deux mois, le responsable a donc suivi l’enseignement de l’International Executive Programm de l’Insead. Et contrairement à une idée reçue, les Français ne sont pas frileux à l’idée de suivre une formation. Un sondage réalisé par la Sofrès, en janvier dernier, pour Pigier et L’Express, révèle que 74 % des actifs souhaitent suivre une formation dans les années à venir. Les motivations évoquées ? La volonté de gagner en compétence (59 %), de changer de métier ou d’entreprise (20 %) ou encore, d’obtenir une promotion (13 %). Bref, de relancer sa carrière. Et les formations que l’on peut suivre tout en continuant son activité ne manquent pas : perfectionnement linguistique, remise à niveau en informatique, troisièmes cycles, du type MBA ou masters spécialisés, etc.
Valider son projet
Toutefois, si la formation valorise un curriculum vitæ, elle n’est pas toujours suffisante. Il manque parfois ce “petit plus” qui redonne de l’attrait à une candidature ou qui apporte des promotions en interne. Une expérience à l’étranger, par exemple. Jacques Sebag, aujourd’hui vice-président et directeur général de Veritas Software France, en a fait l’heureuse l’expérience. En 1994, il est responsable des partenariats français pour Oracle, éditeur de logiciels. « Je suis parti vingt-quatre mois à San Francisco, au siège de la société. Deux ans après mon retour chez Oracle Europe, je prenais la direction générale Europe de Remedy (éditeur de logiciels pour centre d’appels, ndlr). » Une évolution que Jacques Sebag attribue en grande partie à son expérience du marché américain. « La dimension internationale m’a permis d’accéder plus rapidement à des fonctions stratégiques. Une précaution s’impose cependant : négocier les conditions de réinsertion dans l’entreprise avant le départ, pour assurer son retour. » Cependant, intégrer une nouvelle entreprise reste le moyen le plus rapide de relancer sa carrière. « Un manager en poste dans une grande entreprise peut avoir intérêt à rejoindre une plus petite société, déclare Francine Jacquier (Lee Hecht Harrisson). Dans la plupart des cas, il héritera d’une fonction plus élevée et nul doute que sa carrière trouvera là le second souffle qui lui faisait défaut. » Quant à changer de métier, les experts sont plus réservés. « Il ne faut pas perdre de vue que les recruteurs recherchent des candidats immédiatement opérationnels, rappelle le porte-parole de Lee Hecht Harrison. Ils verront d’un mauvais œil quelqu’un qui a toujours travaillé en B to B se diriger vers la grande consommation. » Pour Luc Béquaert, consultant chez DBM, « l’essentiel est de rester crédible ». L’expert conseille au candidat de tester son projet auprès de son réseau professionnel. « Il peut être judicieux de s’accorder du temps entre l’élaboration de son plan de carrière et les premières démarches, explique-t-il. On pourra ainsi vérifier, auprès de ses contacts, la validité du projet. » Une entreprise qui demande un réel investissement en temps et en énergie, un petit sacrifice, toutefois, au regard des années d’épanouissement qui suivront.
Avis d’expert
Hubert Faucher, directeur de l’Executive MBA de l’Essec « Le MBA, un accélérateur de carrière » Idéal pour les managers en poste : le MBA “part-time”, comprenez le MBA à mi-temps. « Tous les quinze jours, les participants consacrent leur vendredi et leur samedi à la formation », explique Hubert Faucher. Une formation généraliste, qui passe en revue toutes les fonctions de l’entreprise en insistant sur les aspects de management et de stratégie. Les conditions : justifier de cinq ans d’expérience professionnelle réussie, maîtriser parfaitement l’anglais et obtenir un bon score au GMAT (Graduate management aptitude test). Une formation onéreuse – 28 500 euros à l’Essec – mais dont les retombées sont plus qu’appréciables. « Un an après la fin du programme, les participants ont vu leur salaire augmenter de 20 % en moyenne, assure Hubert Faucher. Et les trois quarts d’entre eux ont gravi un ou plusieurs échelons hiérarchiques. »
Témoignage
Philippe Sabat, responsable des nouveaux marchés pour l’automobile chez Dow Chemical, groupe chimique américain « Le bilan de compétences, indispensable pour évoluer » Il y a un an, l’entreprise de Philippe Sabat lui a proposé un bilan de compétences par son entreprise. « Au sein d’un groupe américain, la démarche n’a rien d’exceptionnel. Chercher à être toujours meilleur fait partie de la culture », explique le responsable. Une démarche qui, loin d’être dévalorisante, s’inscrit au contraire dans une réflexion axée sur l’évolution de carrière. « Grâce à ce bilan, j’ai pu faire le point sur mes forces et mes faiblesses. » Mais pas seulement. Philippe Sabat se voit également confirmer ce qu’il pressentait depuis plusieurs années. « Au cours de ma carrière, j’avais migré vers les fonctions commerciales. À l’occasion de ce bilan de compétences, j’ai pris réellement conscience de mon envie d’atteindre un poste de direction commerciale. Et surtout, j’ai pu m’assurer que j’avais les compétences requises. » Aujourd’hui, Philippe Sabat espère évoluer vers un tel poste.
À retenir
- Il n’est pas rare d’observer des périodes de ralentissement au cours d’une carrière. L’essentiel est de les détecter et d’entreprendre les démarches nécessaires. - Un bilan de compétences est alors indispensable. Il permet au manager de faire le point sur ses aptitudes et ses faiblesses, de construire un projet et d’identifier les formations à suivre pour le réaliser. - Enfin, il est essentiel de faire valider le projet auprès de son réseau afin d’en vérifier la crédibilité.