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Quand Adobe fait vaciller Quark

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Sur le marché des solutions de publication assistée par ordinateur, Quark sommeillait, certain de sa position de leader.Mais, Adobe est venu chasser sur ses terres avec un logiciel concurrent et une stratégie commerciale agressive. En réaction, Quark a notamment accru sa présence terrain.

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«Ce n'est pas parce que l'on est le premier de la classe qu'il faut se reposer sur ses lauriers.» Cette remarque de bon sens aurait dû figurer sur le carnet de notes de Quark, éditeur de logiciels de publication assistée par ordinateur (PAO), qui régnait sans partage sur le marché de l'édition depuis vingt ans. Son produit-phare, le logiciel de mise en page QuarkXPress, était utilisé par quasiment tous les créatifs d'agences de publicité, les maquettistes de presse, les éditeurs, etc. Une position en or pour l'Américain qui, par conséquent, a négligé la gestion de ses relations clients. Et n'a surtout pas vu venir un concurrent de taille: l'autre éditeur star outre-Atlantique, Adobe, qui a débarqué en 1999 avec son logiciel InDesign, innovant et moins cher que l'offre de Quark. Un coup dur pour l'acteur historique des solutions de mise en page qui a dû se mettre à nouveau au travail pour ne pas perdre sa première place.

Présence terrain: Quark passe à l'attaque

Depuis sa création, en 1982, Adobe a tenu à assurer une présence physique en France pour commercialiser ses offres. La structure française emploie 60 personnes, dont treize sont rattachées à la direction commerciale : quatre s'occupent des relations avec les grossistes et les revendeurs, cinq se chargent des grands comptes et quatre de l'avant-vente. Une structure qui a permis à la marque d'affirmer sa présence sur le terrain et d'assurer une proximité avec ses partenaires. Et donc de facilement passer à l'attaque sur le marché des logiciels de mise en page dès que son offre InDesign a été au point. On est très loin de la stratégie adoptée par Quark, du moins jusqu'en 2002. «Nous n'étions alors pas physiquement présents en France. Les grossistes et les revendeurs étaient en contact avec notre siège européen basé à Neuchâtel en Suisse, relate Gildas Duval, directeur commercial Europe du Sud de Quark. Il est clair que nous avions alors une stratégie commerciale perfectible. Nous ne faisions pas réellement d'efforts pour séduire les clients.» Mais l'offre d'Adobe a poussé Quark à changer radicalement de stratégie. «Nous avons évolué pendant longtemps autour d'une offre monoproduit: notre logiciel de mise en page, avec lequel nous avions près de 100 % du marché. Aujourd'hui, nous avons une stratégie de développement produit complémentaire de QuarkXPress et nous nous sommes tournés vers nos clients pour mieux les écouter», note Gildas Duval. En 2002, cette stratégie nouvelle a été développée en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France. «La direction Europe a également décidé de concrétiser notre présence terrain en ouvrant des bureaux. À Paris, nous sommes désormais quinze, dont cinq commerciaux, cinq personnes au marketing et cinq à la technique, et prévoyons d'être plus d'une vingtaine en 2006.» Une prise de conscience vitale pour Quark: «Les clients appréciaient nos produits mais détestaient la société. Mon rôle est de la leur faire aimer», ajoute Gildas Duval.

Tarifs: l'agressivité d'Adobe fait mouche

En 2003, Adobe adopte une stratégie commerciale offensive, avec la Creative Suite. Elle inclut le logiciel de mise en page InDesign et les logiciels Photoshop, Illustrator, GoLive et Acrobat, soit l'ensemble des outils utiles pour traiter des images et mettre en page le texte. «Nous avons fait preuve d'une très grande agressivité en proposant les cinq éléments pour 1799 euros HT seulement», se réjouit Stéphane Ville, directeur commercial d'Adobe France. À cette époque, Quark vendait la version complète de son seul logiciel de mise en page QuarkXPress au prix de 2199 euros. Un coup dur pour un leader qui se croyait indétrônable. «Depuis, nous avons assoupli notre politique tarifaire, indique Gildas Duval. Nous ne “cassons” pas les prix, mais nous sommes beaucoup plus souples. Par exemple, un client indépendant peut activer deux licences à la fois à partir d'un seul achat. Notre hot line (basée à Neuchâtel, en Suisse), qui a longtemps été payante dès lors qu'il s'agissait de problèmes techniques, est désormais entièrement gratuite. Par ailleurs, nos mises à jour sont à prix unique et non plus facturées en fonction de la version de départ.» Aujourd'hui, il faut débourser 1499 euros HT pour QuarkXPress (version complète), 1799 euros HT pour la Creative Suite Premium d'Adobe et 1129 euros HT pour InDesign seul (Adobe).

Revendeurs: Adobe a pris de l'avance

Les deux marques ont cependant toujours eu un point commun: elles abordent le marché via la vente indirecte. Adobe travaille avec trois grossistes et Quark avec quatre. Le premier estime à 4500 le nombre de ses revendeurs actifs, c'est-à-dire passant au moins une commande par an (ils n'étaient que 3000 il y a trois ans). Après avoir fait prospérer son réseau, son objectif est désormais d'identifier les distributeurs les plus actifs et de développer leur business. Pour cela, la société a revu, il y a trois ans, le contrat de distribution de ses grossistes. «?Pour nous aider dans cette approche qualitative, nous leur demandons de nous fournir leurs statistiques de vente hebdomadaires», souligne Franck Negro, directeur commercial réseau d'Adobe. Les 200 revendeurs qui font 80 % des ventes ont été identifiés. Les outils d'aide à la vente utilisés (marketing direct, force de vente terrain ou catalogue), et une meilleure connaissance des clients (particuliers, grands comptes, PME, TPE, etc.) permettent ainsi aux commerciaux de la marque en charge de l'une ou l'autre de ces familles de partenaires d'adapter leur stratégie. «Les revendeurs qui ont comme clients des grands comptes sont friands de conseils et de formations, analyse Franck Negro, alors que les revendeurs cataloguistes demandent plutôt des actions de marketing direct.» Pour le marché des particuliers, Adobe fait appel à une force de vente externalisée qui se charge de développer la présence de la marque dans les linéaires. «Nous organisons de nombreuses opérations de marketing, des animations de points de vente, des promotions, etc.», énumère le directeur commercial réseau d'Adobe. Quark a, en la matière, un peu de retard. Sa structure commerciale en France est récente et fait face à de nombreux chantiers. «Depuis janvier 2005, nous mettons à plat notre politique de distribution, commente Gildas Duval. Nous avons commencé par homogénéiser les conditions accordées à nos grossistes.» Mais, à ce jour, le réseau de partenaires (environ 3000) n'est pas clairement identifié. «C'est notre tout prochain chantier: nous allons cibler les 100 revendeurs qui s'engagent le plus avec notre marque afin de leur apporter des outils d'aide à la vente et accroître notre proximité avec eux par le biais de road shows, par exemple, pour leur présenter en détail nos offres.» Une différence toutefois dans leur approche: Quark s'apprête à lancer dans les semaines qui viennent un programme de revendeurs certifiés, ce que n'envisage pas pour le moment Adobe. «Nous souhaitons, à travers ce réseau certifié, permettre aux utilisateurs finaux d'identifier les revendeurs ayant un savoir-faire et une expertise métier sur notre marché et nos produits», argumente Gildas Duval.

Grands comptes:le nouveau champ de bataille

La guerre des grands comptes ne fait que commencer. Ainsi, après avoir ciblé les spécialistes de l'édition (presse, communication et VADistes), Adobe vise désormais les constructeurs automobiles (gros consommateurs de plaquettes et autres supports de promotion), le secteur de la pharmacie, de la banque, de l'assurance ainsi que les services gouvernementaux. «Nous voulons faire passer la part des licences (nombre de postes disposant du logiciel dans une même organisation, NDLR) dans notre chiffre d'affaires de 33 à 40 % dès 2006?», lâche Franck Negro (Adobe). «Nous passons d'une approche “opportuniste” à une tactique beaucoup plus stratégique», ajoute Stéphane Ville, le directeur commercial d'Adobe. Cinq commerciaux ont été chargés de ces grands comptes. Ils ne sont que deux chez Quark, toutefois l'éditeur n'est pas en reste et multiplie les accords. Mais, la vraie bataille à venir porte sur les solutions de gestion de contenu. «Une grande banque française a investi 10000 euros récemment dans six licences QuarkXPress, souligne Gildas Duval. Dans les trois ans, elle va investir 300000 euros en solution de gestion de contenu.» Un marché en plein essor sur lequel les deux marques se sont déjà positionnées. «À ce jour, celui-ci équivaut à 20 % de notre chiffre d'affaires. Dans cinq ans, il en représentera 50 %», lâche Gildas Duval. Ainsi, Quark prospecte les clients grands comptes et multiplie les accords avec des fabricants qui intègrent certaines “briques logicielles” de l'éditeur dans leurs produits. C'est le cas récemment de HP. «En France, nous avions deux accords en 2004?; nous sommes passés à quatre», indique Gildas Duval. Adobe est aussi sur ce marché, notamment depuis le rachat d'Accelio, spécialiste de gestion de contenus, en 2001. Sans compter qu'une autre guerre est ouverte: celle des écoles et des universités. En effet, les deux acteurs savent que la croissance de demain se trouve chez les futurs professionnels. Adobe, qui multiplie les actions, propose depuis peu des conditions d'achat privilégiées aux étudiants et au personnel de l'administration des écoles. Et la marque ne va pas s'arrêter là?: dès la fin de cette année, elle part à la conquête des collèges et des écoles primaires… Un challenge supplémentaire pour Quark, décidément très chahuté depuis quelque temps.

Quark

Chiffre d'affaires: NC Effectif (monde): 1600 Date de création: 1981 Produits-phares: QuarkXPress, Quark Content, Quark publishing, etc.

Adobe

Chiffre d'affaires: 1,6 milliard de dollars (1,33 Mde) dont + de 30% réalisés dans l'UE Effectif (monde): 4000 personnes Date de création: 1982 Produits-phares: Photoshop, Illustrator, InDesign, etc.

 
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Anne-Françoise Rabaud

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