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Quand les étiquettes se piquent d’éthique (Spécial 20 ans)

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Les Français s’intéressent de près au bio et, dans une moindre mesure, au commerce éthique. Pas à pas, une consommation responsable est en train de voir le jour.

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Près d’un Français sur deux consomme des produits bio ; un sur cinq le fait régulièrement. C’est ce que révèle un sondage CSA / Printemps Bio, réalisé en avril 2001 auprès d’un échantillon représentatif de mille consommateurs d’âge adulte : hommes ou femmes, ouvriers ou cadres, ruraux ou citadins, etc. Il leur arrive, à tous, d’acheter des produits issus de l’agriculture biologique. Mieux : selon la même enquête, 59 % des consommateurs de l’Hexagone estiment normal de payer plus cher pour acheter bio, ce qui traduit une certaine maturité du marché. Peut-on en conclure que les valeurs de l’éco-citoyenneté se sont bel et bien installées dans les comportements des consommateurs ? Selon le Credoc, qui vient de publier, en janvier dernier, une étude sur la consommation éthique, les garanties écologiques des produits constituent un “important critère d’achat” pour 60 % des consommateurs, et ce depuis près de dix ans. Toutefois, souligne l’enquête, lorsqu’ils achètent bio, les Français pensent avant tout à leur santé, puis à la qualité et au goût, et, enfin, aux aspects éthiques et environnementaux. La lente ascension du bio ne tient donc pas au seul souci d’“éco-citoyenneté”.

Soigner son image éco-citoyenne

Quoi qu’il en soit, crise de l’alimentation aidant, le bio s’installe, pas à pas, dans les linéaires de la grande distribution. Certes, ceux-ci sont encore bien loin de passer intégralement au vert. Chez Monoprix, par exemple, les produits issus de l’agriculture biologique ne représentent que 1,5 % du chiffre d’affaires global du rayon fruits et légumes. Pour Xavier Olejarz, gérant de L’agence verte, agence de communication environnementale, “ la France accuse un grave retard par rapport aux pays nordiques, qui ont acquis, en matière de respect de l’environnement, un grand nombre de réflexes collectifs ”. Et Florent Chapel, directeur associé de l’agence DTC Solution, spécialisée dans les questions de santé et d’environnement d’évoquer une “ prise de conscience des entreprises hexagonales bien plus rapide que celle des consommateurs ”. De fait, de Lafarge à Trois Suisses, en passant par Nature & Découverte, nombre d’acteurs économiques s’impliquent dans la défense de l’environnement. Quelles sont les motivations de ces entreprises “éco-responsables”, qui n’hésitent pas à éditer des chartes environnementales et à embaucher des directeurs environnement, alors même que le consommateur, lui, tarde à trier ses déchets ? “ Le faire ne leur donnera pas nécessairement de longueur d’avance, mais ne pas le faire leur nuirait, répond Florent Chapel. En agissant ainsi, elles évitent certaines crises graves et soignent leur image auprès des pouvoirs publics et des leaders d’opinion (journalistes, par exemple). ” En d’autres termes, leur objectif n’est pas de vendre plus, mais d’éviter d’être, un jour, pris dans la tourmente d’un boycott, par exemple. “ La quasi totalité des rapports annuels d’entreprises incluent, ainsi, une page ou deux sur l’environnement ”, reprend Florent Chapel. C’est le reflet d’une évolution lente, mais sûre, des mentalités : le consommacteur-actionnaire est de plus en plus enclin à demander des comptes aux entreprises.

La crainte de la sanction

C’est également le discours des tenants du développement durable et du commerce équitable, deux autres notions émergentes qui pourraient influencer la consommation de demain. “ Le consommateur commence à prendre conscience de son devoir d’indignation ”, explique Thierry Raes, associé au sein du département “développement durable” de Pricewaterhousecoopers. Et d’évoquer les mouvements d’hostilité contre Totalfinaelf suscités par le naufrage de l’Erika, en décembre 1999, ou encore le boycott de Danone, consécutif au plan de licenciements des usines Lu, annoncé début 2001. “ Mais, poursuit Thierry Raes, ce même consommateur n’en est pas encore à favoriser les marques et enseignes qui s’engagent au plan éthique. ” Les chiffres en témoignent : selon Max Haavelar, association à but non lucratif accordant son label aux marques respectant les règles internationales du commerce équitable, en 2001, chaque Français a dépensé… 20 centimes d’euro dans les produits portant le label du commerce équitable. Ceci, alors qu’un seul paquet de café labellisé Max Havelaar vaut environ huit fois plus ! Pourtant, persuadés que le commerce équitable suivra les traces du bio, une poignée de convaincus se jette à l’eau. À l’instar d’Alter Éco, cette petite entreprise fondée par Tristan Lecomte, un ex-L’Oréal diplômé d’HEC, qui importe une sélection de cafés, thés et autres jus de fruits issus de centres de production des pays du Sud. Après avoir tenté, en vain, d’imposer ses produits dans ses deux boutiques parisiennes, le jeune homme s’est tourné vers la grande distribution. Avec succès, cette fois : la gamme Alter Éco est déjà présente chez Monoprix et son créateur entend convaincre d’autres enseignes. “ Par-delà leur valeur éthique, nos produits sont séduisants ”, insiste-t-il. Emballées dans un packaging valorisant, les plaquettes de chocolat Alter Éco nous parlent de plaisir du nez et des papilles, pas d’engagement militant en faveur du Tiers-Monde. “ Le consommateur ne s’intéressera à ces produits que s’ils sont de qualité. ” Nul n’est censé ignorer les règles du marketing, fût-il déontologiquement correct !

Dépenses

Bonnet d’âne pour l’Hexagone La dépense annuelle des Français en produits labellisés “commerce équitable” atteignait 10 centimes d’euro en 2000 et le double en 2001. Autant dire que la consommation éthique est aujourd’hui balbutiante, en France comme en Italie, où elle représentait, en 2000, 17 centimes d’euro d’achat moyen par an et par habitant. Devant ces piètres performances, les Britanniques et les Néerlandais font figure de bons élèves : ils ont dépensé respectivement 0,85 et 2,50 euros pour les produits labellisés, en 2000. La Suisse, elle, décroche les félicitations du jury : l’Helvète moyen a alloué un budget moyen de 6 euros aux produits certifiés.

Témoignage

Victor Ferreira, directeur de Max Havelaar France (ONG qui “labellise” les marques respectant les règles internationales du commerce équitable) “ Le commerce équitable, marché naissant ” Victor Ferreira n’en doute pas une seule seconde : l’essor futur du commerce éthique sera comparable à celui qu’ont connu, depuis dix ans, les produits bio. “ Il a fallu que Carrefour ouvre la voie pour que les autres suivent ”, rappelle-t-il. L’association compte, elle, sur le gain de notoriété de sa marque et de son logo : “ Nous sommes à 9 points de notoriété assistée et espérons en gagner 11 autres d’ici à la fin de l’année. ” Mais il table aussi sur l’“effet de gamme” : parti du café, Max Havelaar certifie aujourd’hui du thé, des bananes et, demain, du chocolat, du miel, des jus de fruits et du sucre. Enfin, Victor Ferreira s’en remet aux convictions personnelles des citoyens : les consommateurs, mais aussi les entreprises, comme Monoprix, qui a flairé un marché en devenir.

Témoignage

Nicolas Schimel, directeur commercial d’AGF Vie “ L’éthique intéresse de plus en plus les investisseurs ” AGF vient de lancer, en partenariat avec la société Euro-Sociétal, son premier OPCVM éthique. “ Cela correspond à un intérêt réel des investisseurs. Or, il est bien difficile, dans le secteur des produits financiers, d’intéresser le client avec des arguments autres que le risque ou la rentabilité. ” De plus, à l’heure où AGF a sollicité son évaluation éthique par un organisme indépendant de notation, cette initiative s’inscrit dans une philosophie d’entreprise. “ Cette démarche nous permet de compenser la recherche du profit à court terme, logique qui prévaut généralement dans notre domaine d’activité. À terme, elle pourrait renforcer la fierté d’appartenance de nos équipes. ”

 
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Stéfanie Moge-Masson

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