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Quand les sportifs se font vendeurs

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Le recrutement de sportifs de haut niveau dans les équipes commerciales a le vent en poupe et les écoles leur créent des programmes sur mesure. Le sens de la compétition et du réseau de ces champions a pris le pas sur leur potentiel à redorer l’image de l’entreprise.

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Prenez un sportif de haut niveau, confisquez ses tennis, son jogging, dégrafez ses médailles et subtilisez ses coupes. Troquez-les contre un costume, une cravate, un attaché-case et une liste de prospects. Vous obtenez… un commercial. Cette métamorphose ne relève ni du rêve, ni de la schizophrénie. Bien au contraire, dans la réalité et de la façon la plus sereine qui soit, de tels exemples se multiplient. Preuve en est : les écoles qui proposent à ces athlètes des formations au commerce adaptées à leur emploi du temps fleurissent. Faisant figure de pionnier, l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP), qui a ouvert la voie il y a 17 ans, permet chaque année à une dizaine de sportifs de haut niveau de décrocher un BTS action commerciale (en 3 ans au lieu de 2). Jean Galfione, perchiste tricolore et champion olympique, Arnaud Mourot, champion de France en titre de lutte, possèdent ainsi un diplôme qu’ils peuvent à tout moment faire valoir auprès d’un employeur. Ces sportifs préparent très tôt leur reconversion parce qu’ils savent que certaines disciplines abhorrent premières rides et cheveux blancs. Et la filière des études commerciales a, en la matière, un franc succès. Modelés pour affronter chaque compétition comme un nouveau challenge, ces sportifs disposent a priori des qualités pour faire de bons commerciaux. “Ils ont un goût prononcé pour le succès et font preuve de ténacité”, explique Lucette Séguy qui a créé la section BTS action commerciale de l’INSEP. Ils sont aussi “plus mûrs et plus disciplinés”, surenchérissent Laurence Ulmann et Alain Potier, enseignants à l’INSEP. Ainsi, depuis 1992, l’école supérieure de commerce de Chambéry propose aux sportifs de très haut niveau des programmes individualisés, et aux jeunes espoirs une formation sur la base d’un aménagement du temps des études. Sur 100 athlètes (dont 40 skieurs), 70 choisissent en moyenne de suivre une formation commerciale (DUT ou ESC). Et le groupe Sup de Co La Rochelle s’apprête, lui, à ouvrir à la rentrée une section voile. Notamment pour répondre aux entreprises qui portent un œil bienveillant à ces “voileux” de haute voltige, mais déplorent leur ignorance des règles du commerce, du marketing, du management, etc. Redorer une image défaillante Ces commerciaux un peu particuliers séduisent les entreprises pour différentes raisons. Celles qui évoluent dans le milieu sportif peuvent être attirées par leurs connaissances techniques. C’est le cas du magasin Décathlon de Créteil qui a fait appel aux services de Frédéric Marty, deux fois champion de France en tir à la carabine pour développer son rayon armes. Bien souvent, les autres entreprises misent sur le sens aigu de la compétition qu’ont acquis les athlètes ou leur connaissance d’un réseau. D’autres encore, elles sont de moins en moins nombreuses, souhaitent, en s’attachant les services de professionnels médiatiques, redorer une image défaillante. Jean Jacquemard, responsable du recrutement chez Ricard – société qui compte des rugbymen dans ses équipes commerciales du Sud-Ouest – ne se reconnaît pas dans ce dernier groupe. “Dans le Sud-Ouest, le rugby est un milieu commercialement porteur. Le connaître, c’est faciliter son travail au quotidien”, explique-t-il. Il se défend d’ailleurs de recruter sur les seuls critères sportifs. “Les candidats doivent posséder un niveau bac + 2 et nous sommes très vigilants sur leurs valeurs personnelles.” Pas question non plus de leur faire des ponts d’or en leur accordant des facilités pour les entraînements. Olivier Encinas, inspecteur régional dans le réseau Exper du groupe Athéna Assurances, a également recruté des sportifs de haut niveau dans ses équipes de commerciaux. “Il s’agit d’une démarche personnelle, précise-t-il d’emblée, liée à la composition du portefeuille clients de l’inspection qui compte des sportifs de haut niveau et à “l’éducation” des athlètes : possession d’une méthodologie, recherche de la perfection, capacité à se remettre en question…” Toutefois, ces candidats “n’échappent pas aux traditionnels tests”, souligne Olivier Encinas. D’ailleurs, une fois incorporés, ils suivent la formation de deux ans comme n’importe quel autre candidat (cf. interview ci-contre).Si à travers ces recrutements, les entreprises cherchent moins que par le passé à simplement redorer leur image, c’est, en revanche, de plus en plus un moyen pour elles de se rassurer sur les qualités du candidat, sur sa connaissance d’un réseau, etc. Au-delà de cette tendance, chaque recruteur a ses propres motivations, mais les écueils à éviter sont les mêmes pour tous. Attention par exemple aux tensions qui peuvent survenir entre commerciaux, dans le cas où l’athlète bénéficie d’horaires aménagés lui permettant de poursuivre ses entraînements, pour un salaire identique à celui de ses collègues… Le recruteur doit aussi s’assurer que le candidat est motivé, qu’il est prêt à jouer collectif. “Trop souvent, les athlètes sont démunis face aux contraintes de l’entreprise”, constate Charles Thuilliez, consultant chez Démos, qui sort prochainement un ouvrage sur le thème sport, vente et management. Le directeur commercial doit, quant à lui, veiller également à l’acculturation du sportif. Lucide, Arnaud Mourot confie : “Ce n’est pas évident d’intégrer de façon anonyme une entreprise lorsqu’on a été sous les feux de la rampe !”

“En recrutant, on entend souvent des poncifs : les candidats ont tous bien sûr le goût du challenge, de la compétition, le sens de l’effort et le plaisir du travail en équipe. Des petites phrases à tour de bras qu’il est bien difficile de vérifier. Ce qu’il y a de rassurant chez les athlètes, qu’ils aient pratiqué un sport collectif ou individuel, c’est qu’ils ont déjà travaillé leur sens de la perfection, de la méthodologie et de la compétition sur un terrain autre que commercial.“ Olivier Encinas est inspecteur régional dans le réseau Exper d’Athéna Asssurances “Les sportifs sont habitués à se remettre en question, à se fixer des objectifs, à positiver un échec… Outre ces qualités, le sportif a bien souvent cultivé un relationnel qui peut intéresser une entreprise.” Cela dit, le recrutement repose avant tout sur les qualités professionnelles et relationnelles du candidat. Olivier Encinas a recruté, ces deux dernières années, deux sportifs de haut niveau pour son équipe commerciale de St-Denis à Paris, l’un en badminton, l’autre en athlétisme. Actuellement en poste à Boulogne-Billancourt, il envisage d’en recruter trois autres cette année.

“Un athlète de haut niveau possède toujours un "petit plus" par rapport à un candidat classique. Au-delà de son charisme, il est, de par son cursus, plus à même d’atteindre ses objectifs rapidement. Mais sans formation, il ne s’en sortira pas.” Daniel Levavasseur est chargé du suivi socioprofessionnel des sportifs à l’INSEP Sa mission n’est pas de “trouver un travail aux sportifs, mais de leur ouvrir des portes“.L’athlétisme, le judo et le tennis de table arrivent en tête des disciplines sportives représentées dans la filière commerciale à laquelle l’INSEP prépare les sportifs. Une formation de plus en plus indispensable : “Les entreprises recrutent de moins en moins dans le seul but de redorer leur image. Elles veulent désormais des candidats complets : il faut la tête et les jambes.“

Cinq points à connaître 1. Les sportifs de haut niveau qui deviennent commerciaux disposent d’un plus : s’être déjà battus sur d’autres terrains, avoir démontré des qualités d’endurance, de méthodologie, etc. 2. Les entreprises qui les recrutent cherchent moins à redorer une image défaillante qu’à s’attacher les services de profils exceptionnels. 3. En revanche, elles souhaitent recruter des candidats diplômés pouvant si possible faire valoir un réseau relationnel. 4. Notre conseil : le recruteur devra veiller à l’acculturation de ce candidat au passé un peu particulier.

 
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Anne-Françoise RABAUD

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