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Réclamations clients. Restez zen pour mieux rassurer les mécontents

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Faire d’une réclamation client un atout commercial ? C’est possible. Grâce à une écoute attentive, une réponse personnalisée et des enquêtes de satisfaction.

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Un de perdu, dix de retrouvés !” L’adage s’applique peut être aux histoires de cœur, mais en aucun cas aux transactions commerciales ! “ Un consommateur mécontent en entraîne onze autres, par simple effet de bouche-à-oreille ”, affirme même Claude Hugonnet, directeur général de l’Institut régional pour le développement commercial, et vice-président de l’Adetem (association nationale du marketing). Un chiffre qui donne à réfléchir. Non que les entreprises ne se soient jamais préoccupées des réactions de leurs clients. Au contraire. Mais – contexte hyper concurrentiel oblige – la réclamation client doit, plus que jamais, être au cœur de la stratégie d’entreprise. D’autant que, de son côté, le client devient chaque jour plus exigeant. “ Ne pas se préoccuper d’une réclamation client, c’est se priver d’une opportunité de fidéliser ”, renchérit Béatrice Cayla, consultante à la Cégos. Un constat confirmé par Allix de Saint-Denis, spécialiste de la qualité de service au sein du CSP, entreprise de formation et de conseil : “ 85 % des clients dont la réclamation a été traitée deviendront fidèles, affirme-t-elle. Et – plus intéres-sant encore – 70 % des clients “réclamants” dont le problème a été résolu resteront fidèles simplement parce qu’ils ont été reconnus. ”

Reconnaître les réclamations

Premier constat : la nature des réclamations a changé. Selon Allix de Saint-Denis, les deux tiers des réclamations portent désormais sur le service, les problèmes liés aux produits représentant le tiers restant. “ Le client a évolué, commente-telle. Il teste ; il est beaucoup plus méfiant et a envie de se faire plaisir. ” Par ailleurs, les entreprises voient se multiplier les réclamations dites “informelles”, qui ne s’appuient sur aucun fait précis et s’avèrent donc difficiles à traiter. “ Il est toujours plus facile de rembourser un consommateur qui trouve un cafard dans sa boîte de petits pois que de satisfaire des individus aux exigences vagues !, explique Claude Hugonnet. Dans les cas de réclamations informelles, le client peut, par exemple, faire référence à une expérience passée, et ses aspirations risquent de ne pas être satisfaites ”. Pour Florence Gazeau, responsable de l’activité marketing du groupe Eumann, cabinet conseil en stratégie de management, les entreprises doivent, avant de s’engager dans un processus de traitement des réclamations, s’interroger sur la pertinence de leur action : “ Il convient de se demander comment le traitement de la réclamation est partagé au sein de l’entreprise, qui l’enregistre, s’il est pris en compte par la direction générale, etc. Ensuite, elles pourront segmenter les réclamations par types de clients : industriels, grand public, administration. ”

Créer un service dédié

Pour cela, il est conseillé de mettre en place un lien permanent avec le client. Ce dernier doit pouvoir vous joindre facilement. Faut-il, pour autant, créer un service ? De l’avis des experts interrogés, non. Surtout pour une petite entreprise qui, de surcroît, débute. En revanche, il convient de dédier d’emblée un espace physique à la réclamation client, puis de charger une ou plusieurs personnes de s’en occuper. Alain Piart, responsable du service clients de Motul (lubrifiants), encadre ainsi une quinzaine de personnes et a opté pour la logique de la symbiose. “ Les commerciaux et les assistantes du service clients couvrent les mêmes secteurs géographiques, explique-t-il. Ils travaillent donc en partenariat. Le commercial terrain est responsable du client, et l’assistante, de l’après-vente. ” En revanche, il est déconseillé au commercial de s’impliquer directement dans la réclamation client. “ Il ne doit jamais être juge et partie, sauf lorsque le contrat est mis en danger, nuance Béatrice Cayla. Le commercial peut intervenir dans un domaine qui lui est familier. En revanche, il est hors de question de lui confier la gestion d’un dilemme sur un libellé de facture, par exemple. ”

Écouter, puis s’engager

Car c’est bien l’attitude que l’entreprise adopte face à son client mécontent qui déterminera la suite des événements. Premier conseil : toutes les remarques doivent être prises en considération, même celles qui semblent injustes ou farfelues ! “ Avec un peu d’habitude, la mauvaise foi se détecte facilement, sourit Allix de Saint-Denis. Mais cela ne doit surtout pas vous empêcher de répondre. ” Au téléphone, il s’agira de se maîtriser, d’écouter, puis de peser ses mots. “ Il faut accepter le droit au mécontentement, poursuit Allix de Saint-Denis. Et accorder la même attention à tous. Le grand compte ne doit pas être privilégié sous prétexte qu’il est plus important. ” Après la phase d’écoute, vient celle de la réponse, puis de l’engagement. La première doit répondre à deux impératifs : un envoi rapide et un message personnalisé. Pour cela, il est conseillé de lire la lettre attentivement, quitte à en faire une synthèse. “ Répondez sous huit jours maximum, suggère Allix de Saint-Denis. Un client mécontent et inquiet se sent très vite abandonné. ” Un conseil appliqué par Motul. “ Nous essayons de répondre immédiatement par téléphone ou par lettre, témoigne Alain Piart. Le client ne doit pas attendre. ” Par ailleurs, les réponses doivent distiller de l’espoir. Pour cela, bannissez les expressions négatives du type “je ne peux pas”, “je ne sais pas”, “ce n’est pas moi”. Préférez-leur des termes rassurants, comme “nous reconnaissons votre demande” ou “nous allons faire le nécessaire”. Mais, dans ce cas, respectez votre engagement. “ Dans le traitement d’une réclamation, la dimensoin psychologique doit aussi être prise en compte, souligne Allix de Saint-Denis. On ne traite pas une réclamation en offrant un cadeau en échange : le client aura l’impression d’être acheté. Toutefois, rien ne vous empêche de lui offrir un cadeau après avoir résolu son problème ! ”

Faire remonter l’information

Mais le travail ne s’arrête pas là. En effet, au-delà des mécontents qui s’expriment, il existe une majorité silencieuse dont il faut tenir compte. “ Seuls 4 % des clients mécontents le font savoir ; les autres se taisent et s’en vont ”, assure Claude Hugonnet. Pour résoudre ce problème, une seule solution : sondez régulièrement vos clients. En B to B, vous pourrez leur fixer des rendez-vous réguliers pour évaluer “ce qui ne va pas”. En B to C, il est conseillé de procéder à des enquêtes de satisfaction. L’entreprise doit envoyer à ses clients, au moins une fois par an, un questionnaire. “ Le but : progresser afin que les réclamations d’aujourd’hui disparaissent demain ”, ajoute Claude Hugonnet. Un objectif partagé par Alain Piart : “ Nous interrogeons, tous les six mois, par téléphone, un échantillon représentatif de 250 personnes ”, précise-t-il. Motul a ainsi sélectionné quarante critères, dont la qualité de l’accueil du client au siège, l’aide à la vente et les délais de livraison. “ Depuis, nous avons atteint un taux de réclamations de 2 % par rapport au nombre de factures émises, poursuit-il. C’est correct. Nous comptons même atteindre 1,5 % cette année. ” Enfin, l’information doit également circuler en interne. “ Seules 4 % des réclamations remontent à la direction générale ”, déplore Claude Hugonnet. Un problème dû, le plus souvent, à un manque de communication entre les différents services. Car, comme le déplore Florence Gazeau, une gestion parfaite des réclamations nécessite l’implication de tous les services en contact avec la clientèle : “ L’équipe commerciale doit considérer la réclamation comme une source de progrès et non de blâme, estime-t-elle. Il est important qu’elle respecte le travail des chargés de réclamations, qu’elle juge, à tort, comme peu valorisant. Ils sont pourtant au coeur de la qualité de service. ” Un conseil qui vaut également, selon Florence Gazeau, pour les managers : “ Ces derniers doivent servir d’exemple à leurs équipes, en les épaulant et en les accompagnant, le cas échéant, chez un client difficile. ” De son côté, Allix de Saint-Denis suggère même une courte immersion des forces de ventes débutantes au sein du service client : “ Je conseille en général aux directeurs commerciaux d’inciter leurs jeunes recrues à passer trois semaines, commente Allix de Saint-Denis. Ils en ressortiront riches de connaissances et d’expériences. ” Mieux renseignés, en tout cas, sur le degré d’exigence de leur clientèle. Et mieux armés, face à des acheteurs tyranniques !

Témoignage

Joëlle Mottu, directrice des services clients de Brandt Services, service client du fabricant d’électro-ménager “ Deux étapes décisives : le préventif et le curatif ” Pour gérer les 40 000 courriers, 90 000 appels téléphoniques et 45 000 mails qu’il a reçus en 2001, Brandt Services possède un service réclamation de vingt personnes, dont une moitié gère les courriers, et l’autre, les appels téléphoniques. Son budget dépend du service commercial, qui fixe les objectifs de niveau de satisfaction et les “gestes commerciaux” que l’entreprise peut accorder en réponse aux réclamations. “ Toutes les personnes de ce service ont été recrutées sur des critères d’ouverture d’esprit et d’écoute ”, explique Joëlle Mottu. Le traitement de la réclamation passe par deux étapes : le préventif – l’analyse de la nature de la réclamation – et le curatif – les solutions que l’on y apporte. Une fois le courrier reçu, il est préenregistré, puis qualifié, au moyen d’un logiciel. Les dossiers sont systématiquement suivis d’accusés réception. “ Toutes les réclamations sont traitées dans des délais de 48 heures à une semaine ”, précise Joëlle Mottu. Les “gestes commerciaux” peuvent être de différentes natures : envoi gratuit de pièces détachées, remboursement partiel ou total du produit, échange gratuit, visite d’un expert chez le consommateur, etc. Côté analyse, Brandt Services organise une enquête mensuelle de satisfaction, à partir d’un panel de consommateurs. “ Nous leur demandons de nous juger sur l’attente, les délais de réponse et l’accueil. Nous analysons ensuite tout ce qui est enregistré et transmettons les informations à chaque service concerné. ”

Avis d’expert

Anne-Catherine Oudart, universitaire, auteur d’un ouvrage sur la lettre de réclamation “ Les services “réclamations” sont les parents pauvres de l’entreprise ” Anne-Catherine Oudart, docteur en sciences de l’éducation, a consacré sa thèse de doctorat aux services “réclamations” des entreprises de vente par correspondance. “ Idéalement, ces services devraient être au cœur de l’entreprise. En réalité, ils travaillent dans l’incertitude, car ils transmettent l’information, mais ne sont pas au courant des décisions prises par les directions générales et commerciales. ” Autre constat : les clients étant plus matures et plus exigeants, la nature de leurs réclamations, et donc, les réponses, ont changé. “ Il y a une vingtaine d’années, les courriers éduquaient la cliente en lui expliquant, par exemple, comment renvoyer un courrier de commande. Aujourd’hui, l’enjeu est de la fidéliser. ” Conséquence : le traitement doit en être personnalisé. “ Les clientes repèrent très vite les lettres types. Elles attendent un discours vrai. Or, un service “réclamations” mal informé n’apporte que des réponses elliptiques, donc insatisfaisantes ! ” L’experte préconise aux directeurs commerciaux de “ s’intéresser davantage à ces services, de tenir compte de leurs décisions et de leurs remarques. Cette profession n’a pas le respect qu’elle mérite. ”Les chargé(e)s de relation clientèle face à la lettre de réclamation. Presses universitaires du Septentrion, 2001, 22,87 euros.

À retenir

_ Avant même de s’engager dans un processus de traitement de la réclamation client, les entreprises doivent évaluer leurs forces et leurs faiblesses. _ Même si vous n’avez pas les moyens de créer un service dédié, trouvez un espace de travail et désignez une personne pour s’en occuper. _ La réponse doit être rapide (sous huit jours) et rassurante. Par la suite, tenez vos engagements. _ Procédez régulièrement à des enquêtes de satisfaction, afin d’évaluer les attentes de ceux qui ne s’expriment pas.

 
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Caroline Thiévent

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