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Rémunération. Savoir dire non à une demande d’augmentation

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Le manager refusant une augmentation à l’un de ses collaborateurs doit donner des perspectives et jouer la transparence pour ne pas engendrer de frustration.

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Comment opposer un non catégorique à une demande d’augmentation de salaire sans froisser ni démotiver le commercial qui l’a formulée ? Telle est la problématique à laquelle est confronté tout directeur commercial, certains débuts d’année, lorsque se négocient les augmentations. « La situation est d’autant plus délicate, cette année, que la conjoncture est difficile, souligne Laurent Termignon, consultant spécialiste des forces de vente chez Hewitt Associates. D’un côté, les commerciaux ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs et réclament des compensations. De l’autre côté, les directeurs commerciaux n’ont pas les moyens d’accorder des augmentations, rigueur budgétaire oblige. » Afin de résoudre ce casse-tête et ne pas commettre d’impair, le directeur commercial doit agir avec méthode. Un faux pas, et c’est toute la force de vente qui risque de se démobiliser, et les meilleurs éléments qui peuvent tirer leur révérence pour aller voir la concurrence.

Se donner le temps de la réflexion

Règle d’or : « Ne jamais répondre à chaud, surtout si la réponse est négative, conseille Thierry Gordillo, formateur consultant chez Demos. Le manager doit se donner le temps de réfléchir et fixer un nouveau rendez-vous avec le commercial. » Un face-à-face que le directeur commercial doit méticuleusement préparer en récoltant le maximum d’informations sur son collaborateur. Avant chaque entretien individuel relatif à une demande d’augmentation, Laurent-François Koechlin, directeur commercial Europe de Nextiraone, entreprise américaine de solutions de télécommunications, rassemble des données fournies par la DRH : âge, ancienneté, salaire, historique des dernières augmentations accordées, parts du fixe et du variable, atteinte ou non des objectifs quantitatifs et qualitatifs sur une durée de trois à cinq ans. Voilà autant d’éléments objectifs qui l’aident à conduire plus sereinement l’entretien et à justifier sa réponse négative. Selon Frédéric Bonneteau, associé chez Hepta, filiale de MCR Consultants spécialisée dans le coaching, le refus doit être formulé dès les dix premières secondes de l’entretien. « En posant la situation d’entrée de jeu, le manager va se libérer d’un poids et éviter que le commercial ne garde l’espoir de négocier, jusqu’à la dernière seconde de l’entretien, une éventuelle prime. » Il s’agit d’endiguer la montée du sentiment de frustration chez le commercial, source de démotivation profonde et durable. À cette fin, le manager doit, certes, jouer la carte de la transparence, mais aussi expliquer le pourquoi de sa décision : contexte économique défavorable, résultats de l’entreprise en baisse, budgets réduits, etc. Les arguments ne manquent pas. « Pour que mon discours soit réellement entendu, ajoute Laurent-François Koechlin, je me fonde sur des données concrètes et je veille à faire comprendre à mon interlocuteur que toute la force de vente est logée à la même enseigne, et qu’il n’existe pas deux poids deux mesures. » Une fois campée la situation économique, le manager doit savoir rebondir… positivement. Pas question de sombrer dans le défaitisme. « C’est le moment pour le directeur commercial de dynamiser son discours en disant, par exemple, à son interlocuteur : “La conjoncture n’est pas bonne mais on peut l’inverser, et vous pouvez y participer activement” », indique Thierry Gordillo, de Demos. Le directeur commercial de Nextiarone joue, lui, sur la fibre solidaire de ses collaborateurs : « En clair, je leur explique que nous sommes tous sur le même bateau et qu’il faut nous serrer les coudes pour aller de l’avant et redresser la barre. » Les experts préconisent la mise en place d’un plan de progrès personnalisé faisant le point sur les forces et les faiblesses du collaborateur (techniques de prospection et de conclusion, etc.) et lui indiquant les pistes de développement de business à moyen et long terme. « Attention, toutefois, à ne pas faire de promesses impossibles à tenir », prévient Frédéric Bonneteau. Un exemple type ? Affirmer qu’un nouveau produit visant à “booster” les ventes va être lancé très prochainement, alors que l’on n’est absolument pas sûr que le lancement aura lieu. » S’il doit éviter de promettre monts et merveilles, le directeur commercial peut tout de même activer certains leviers de motivation : ils lui permettront de compenser partiellement le refus d’augmentation qu’essuieront les commerciaux les plus méritants. Primo, proposer au collaborateur un programme de formation ciblé visant à améliorer un ou plusieurs aspects de sa technique de vente et à optimiser ses résultats. Secundo, envisager, pour le commercial, une évolution de carrière à moyen terme, en vue de l’obtention d’un poste de commercial senior, de chef des ventes à l’échelon régional ou encore de responsable grands comptes.

Préserver la motivation

« Le directeur commercial doit donner des perspectives au vendeur, le sécuriser et le motiver », affirme Laurent Termignon. Ultime solution : modifier les règles d’attribution de la partie variable du salaire. « Dans le cas du système de commissionnement, il est possible de le calculer sur des paliers de chiffre d’affaires, permettant ainsi au vendeur de toucher tout de même une partie de sa commission même si le chiffre d’affaires n’est pas totalement réalisé, avance Thierry Gordillo. De la même façon, les primes peuvent être redéfinies qualitativement. Un commercial pourra ainsi être récompensé s’il parvient à faire baisser le taux de remise accordé au client ou à améliorer le taux de satisfaction de ses comptes. » Même en refusant une demande d’augmentation, le directeur commercial a entre les mains les moyens d’améliorer le quotidien de son collaborateur et de préserver sa motivation.

Avis d’expert

Laurent Termignon, consultant spécialiste chez Hewitt Associates « Un refus d’augmentation, cela s’anticipe » Selon Laurent Termignon, il ne faut pas attendre que l’un de ses collaborateurs demande une augmentation (refusée à coup sûr en cette période de restriction budgétaire) pour réfléchir à la meilleure façon d’opposer un refus à sa requête. « Pour ne pas être pris de court, le manager doit anticiper cette situation, indique-t-il. Comment ? En mettant en œuvre des discussions régulières avec ses collaborateurs et en les tenant informés des raisons pour lesquelles la situation économique est difficile. » Et afin d’enrayer le processus de démotivation qui fait quasi systématiquement suite à un tel refus, Laurent Termignon conseille aussi de donner régulièrement à ses commerciaux des signes explicites de l’intérêt que leur porte l’entreprise. « Il faut savoir féliciter ses collaborateurs, avoir le réflexe de planifier avec eux des formations ciblées et leur proposer une opportunité d’évolution de carrière quand elle se présente. »

Témoignage

Sylvie Layec, chef de marché et directeur des ventes chez Hella « Jamais je ne laisse un collaborateur partir frustré » Pour Sylvie Layec, chef de marché et directeur des ventes chez l’équipementier automobile Hella, pas question de laisser un refus d’augmentation empiéter sur la motivation des chargés de clientèle. Sa méthode ? « Je prépare toujours le terrain de ma réponse en avançant des critères économiques et en présentant les résultats de l’entreprise, indique-t-elle. Et, surtout, je’apporte toujours des réponses aux questions. Je ne laisse pas un chargé de clientèle partir frustré. » Aux meilleurs éléments Sylvie Layec propose même la mise en place d’opérations promotionnelles personnalisées, « leur permettant de toucher des primes bonus, à défaut de bénéficier d’une augmentation du salaire fixe ». Dernier point important pour le directeur des ventes : le maintien des engagements. « Je fixe des périodes propices à ces opérations spéciales, ainsi que des objectifs précis. »

À retenir - Jamais le manager ne doit répondre à chaud par la négative mais plutôt se donner le temps de la réflexion et convenir d’un nouveau rendez-vous individuel avec son collaborateur. - Dès les premières secondes de l’entretien, le directeur commercial avertira son collaborateur que sa demande d’augmentation a été refusée. - Le directeur commercial doit expliquer sa décision et proposer des solutions alternatives (formation, évolution de carrière à moyen terme, redéfinition qualitative de l’attribution des primes).

 
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Emmanuelle Sampers

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