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Réorientation. Descendre d'un échelon pour mieux atteindre les sommets

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Il est des top managers qui envisagent de revenir au middle management pour relancer leur carrière. Voilà une reconversion à mener minutieusement.

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Lassé des fonctions stratégiques ? Envie de retrouver un poste opérationnel ? De manager une équipe à dimension plus humaine ? Ou de découvrir les fonctions commerciales quand on vient d'ailleurs ? D'après Vincent Maillard, consultant chez Mercuri Urval, il n'y a là rien d'étonnant : « Ces sentiments sont répandus au sommet de l'échelle hiérarchique. Les top managers sont quotidiennement aux prises avec des considérations d'ordre politique qui polluent l'exercice de leur métier. En outre, ils éprouvent souvent le besoin d'être de nouveau au contact de la clientèle et de renouer avec le management direct. »

Un parcours semé d'embûches

À tel point que certains peuvent être tentés par une reconversion aussi peu classique que délicate : passer du top au middle management, accepter de rétrograder pour mieux se réorienter ou pour repartir du bon pied. Mais si certains y pensent, peu se lancent. C'est pourquoi la démarche reste très marginale dans l'Hexagone. « En France, déplore Vincent Maillard, il faut à tout prix progresser. C'est la course à la promotion qui règne. » Et l'inverse est encore mal vu. « La plupart des recruteurs restent frileux à l'idée d'embaucher quelqu'un qui postule à un échelon inférieur, met en garde Richard Bèque, directeur du cabinet de conseil Homme et Mobilité. En interne comme en externe, une telle démarche est d'abord interprétée comme le signe d'un échec dans les précédentes fonctions. » Mieux vaut donc être prévenu : dans la plupart des cas, les candidats au nouveau départ doivent s'attendre à un parcours semé d'embûches.

Avant tout, un bilan de carrière s'impose : car si le top manager ne manque pas de compétences, « il s'agit de définir celles qui seront exploitables dans l'exercice de ses nouvelles fonctions », conseille Jean-Luc Cerdin, professeur de gestion des ressources humaines à l'Essec. Et de les mettre en avant ! Ainsi, rien ne sert de vanter ses connaissances financières quand on prétend au poste de responsable régional des ventes. En revanche, un ancien directeur financier aura tout intérêt à mettre en valeur sa vision à long terme du marché, vision qui manque au middle management, très attaché aux résultats mensuels. Mais, paradoxalement, s'ils ont toutes les cartes en main, une formation complémentaire reste indispensable. « Elle est même absolument obligatoire afin de rassurer le futur recruteur », insiste Jean-Luc Cerdin. Une formation qui devra être adaptée au secteur visé et qui – rappelons-le – peut être financée par l'entreprise lorsqu'il s'agit de mobilité interne. Enfin, tous les candidats devront suivre une formation en management ou en coaching pour apprendre – ou réapprendre – à diriger les juniors qui forment le plus souvent les équipes de terrain.

Savoir passer la barrière du CV

Quand le candidat change d'entreprise, son parcours risque d'être encore plus accidenté. Dans un premier temps, il s'agit de passer la barrière du CV : puisque ce cheminement ne s'inscrit pas dans une “démarche logique”, il est essentiel d'avoir une argumentation extrêmement solide. C'est tout le discours qui doit être orienté en conséquence. « Le candidat doit axer son CV sur l'opérationnel et mettre en valeur son action personnelle sur les résultats », conseille Vincent Maillard, de Mercuri Urval. Si, par exemple, il vient d'horizons non commerciaux, il aura soin de mettre en exergue les retombées commerciales de ses réalisations passées. Mais l'étape cruciale reste la lettre de motivation, qui permettra au recruteur de comprendre ce qui a conduit le candidat à souhaiter un tel cursus. « Dans la lettre d'accompagnement, il faut se montrer explicite et insister sur le fait que l'on souhaite se recentrer sur son domaine d'excellence », recommande l'expert. En d'autres termes, éviter de présenter sa démarche comme une rétrogradation. D'ailleurs, lors de l'entretien, c'est de motivation et d'objectif final qu'il s'agira. « Lors de la rencontre avec l'employeur potentiel, le candidat devra faire preuve d'une volonté encore plus forte que s'il postulait au rang de p-dg ! », lance Vincent Maillard. Quant à la pression sociale – qu'un recruteur ne manquera pas de rappeler – elle n'a qu'un antidote : des ambitions clairement affichées !

Un tremplin vers les sommets

Car l'objectif d'une telle démarche demeure de gravir à nouveau les échelons. Jacques Coignard, directeur associé du cabinet EOS Conseil, recommande d'ailleurs que la période consacrée au middle management ne soit qu'une période de transition, « la plus courte possible ». En un mot : un tremplin pour revenir au top management, dans son domaine de prédilection. Les clés du succès ? Une bonne préparation à ce passage, pour mieux l'appréhender. Ainsi, mieux vaut se préparer à revivre certaines contraintes depuis longtemps perdues de vue, comme l'autorité directe d'un supérieur hiérarchique, souvent difficile à accepter après plusieurs années d'autonomie. « Il faut tout réapprendre, donc faire preuve d'une grande humilité, recommande Jacques Coignard. Le collaborateur devra s'assurer à chaque instant qu'il a l'aval de son “n+1” et lui demander un retour régulier pour ne pas prendre une mauvaise direction. » Même précaution avec les équipes : le manager ne doit pas leur laisser l'occasion d'interpréter ce cheminement comme le signe d'un manque de compétence ou d'ambition. « Mieux vaut jouer la carte de la transparence et expliquer son choix à ses équipes afin d'éviter toute mauvaise interprétation », conseille Jacques Coignard. Il en va de son autorité et de sa crédibilité. Le meilleur argument pour persuader ? Faire ses preuves !

Témoignage

Christophe de la Fouchardière, directeur commercial de Mattel France « Renouer provisoirement avec l'opérationnel s'inscrivait dans mon plan de carrière » Après neuf ans passés chez Procter & Gamble, où il a gravi peu à peu les échelons pour accéder au poste – très stratégique – de responsable du projet marketing et vente pour Pringles, Christophe de La Fouchardière quitte le groupe en 1998. Il rejoint alors Mattel France en tant que directeur grands comptes chargé des enseignes Carrefour et Leclerc. « Aux yeux de mes recruteurs, rien ne m'empêchait de revenir à un poste opérationnel, car j'avais déjà exercé de telles fonctions au début de ma carrière, explique-t-il. Mais j'ai senti une certaine réticence de la part de mon équipe. » Alors, Christophe de La Fouchardière joue cartes sur table : « J'ai expliqué à mes collaborateurs que je souhaitais me rapprocher du terrain et des clients. Ils ont accepté ma décision dès que les résultats ont suivi. » Une décision qu'il n'a jamais regrettée : « Pendant deux ans, j'ai pu me familiariser avec la culture de l'entreprise, apprendre à connaître ses produits et à décrypter le marché. » Mais, surtout, Christophe de La Fouchardière a su transformer cette “rétrogradation” en tremplin : depuis décembre 2001, il est directeur commercial de Mattel France.

Rémunération

La hausse du variable peut compenser la baisse du fixe Lorsqu'ils renoncent au top management et à une partie de leurs responsabilités, certains dirigeants commerciaux consentent à une diminution de leurs revenus. « Mais la baisse de la rémunération fixe peut tout à fait être compensée par une hausse de la part variable », assure Vincent Maillard, consultant chez Mercuri Urval. L'important est de bien évaluer ses besoins, particulièrement en fonction de ses contraintes familiales. Jean-Luc Cerdin, professeur de gestion des ressources humaines à l'Essec, insiste sur ce point : « Il ne faut pas que l'épanouissement personnel gagné à changer de métier soit parasité par un sacrifice financier insupportable. » Sinon, cette phase transitoire sera vécue comme une période de vaches maigres, source de frustration. Par conséquent, ce sont les jeunes sans enfants ou les quinquagénaires dont les enfants ont terminé leurs études qui se reconvertissent le plus volontiers.

À retenir

- Passer du top au middle management permet à certains cadres de réorienter leur carrière. - Paradoxalement, la “rétrogradation” nécessite une remise à niveau : bilan de carrière et formation sont indispensables. - Avec les équipes mieux vaut jouer la carte de la transparence. Pour être accepté, ce parcours atypique doit être compris de tous. - Pour être un tremplin, ce passage par le middle management doit être le plus bref possible. L'objectif que le manager ne doit pas perdre de vue, c'est de revenir… au top management !

 
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Maud Aigrain

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