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Reprendre à son compte une partie des ventes de ses revendeurs

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Lorsque l'on fonctionne avec un système de distribution indirecte, choisir de reprendre à son compte certains clients coûte cher. Une telle initiative doit répondre à un besoin stratégique pour être rentable. Elle doit également faire l'objet d'une communication transparente et constructive avec vos revendeurs,

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Introduire une dose de direct dans une logique de vente indirecte ne doit pas être le fruit du hasard. Car la vente directe nécessite bien souvent de recruter et de former des commerciaux «maison» et implique donc pour l'entreprise des investissements et un savoir faire. Certaines situations imposent aux managers ce choix stratégique. A ce jour, trois évolutions majeures amènent un directeur commercial à revenir en partie à la vente directe alors qu'il passe par un réseau de distribution. La première est liée au phénomène de centralisation des achats dans les grandes entreprises: les fournisseurs de ces entités sont de plus en plus souvent amenés à confier ces clients stratégiques, générateurs d'un chiffre d'affaires exponentiel, non plus à des revendeurs dont les commerciaux n'ont ni le temps ni toujours les compétences ad hoc, mais à des grands comptes internes, expérimentés et capables de gérer de multiples interlocuteurs et une relation client complexe. La deuxième raison tient dans l'évolution même de la vente, qui est passée, ces dernières années, d'une vente de produits à une vente de «produits et services». La notion de services implique, en effet, la mise en place d'une organisation consacrée à la relation client et au service après-vente couvrant l'ensemble du territoire. Enfin, de ces deux évolutions découle une troisième raison qui justifie de revenir en partie à la vente directe: le caractère de plus en plus complexe de certains process de ventes.

Certes, le fait de confier certains clients ou affaires complexes à des vendeurs internes doit répondre à un besoin stratégique.

Mais encore faut-il que ce besoin soit pérenne et cette stratégie rentable. Il est donc nécessaire, avant de se lancer, de se projeter. Cette approche directe aura-t-elle encore du sens dans cinq ans? Les grands clients identifiés comme tels ont-ils un potentiel de croissance? Vais-je développer mon offre de «produits et services» pour laquelle j'éprouve le besoin de passer en direct? Pourrais-je fournir des produits toujours plus sophistiqués à certaines enseignes, grâce à des innovations de mon département R&D? Pensez également à analyser la concurrence: elle peut viser le même axe de développement que le vôtre et faire de l'ombre, à moyen terme, à votre business. Il convient ensuite d'établir un prévisionnel des ventes et de mettre en balance les bénéfices estimés et l'investissement nécessaire à la mise en place de votre stratégie de vente directe. Pour vous engager dans cette voie, il est important d'équilibrer vos dépenses et vos gains prévisibles. Même si elle existe, la part de risque est ainsi limitée.

L'expert

Eric Mongrolle est professeur à l'Essec au sein de la chaire vente et stratégie marketing.

Constituez une équipe spéciale vente directe

En choisissant de mettre une dose de direct dans votre stratégie de vente indirecte, il est essentiel de scinder dès le début de votre réflexion, les deux canaux, et de dédier à la vente directe un portefeuille clients ou un volant d'affaires bien identifiés. Il s'agit de «réserver» les clients et comptes que vous souhaitez voir désormais traités en interne. L'étape suivante consiste à composer votre équipe de vente directe. De quels profils avez-vous besoin - commerciaux grands comptes, télévendeurs, techniciens - et en quel nombre? Pour quantifier vos besoins «humains», servez-vous de cette règle, selon laquelle un vendeur est capable d'assurer au maximum cinq visites clients par jour. Recoupez cette donnée avec le fait qu'en présence de grands clients, cette moyenne est revue à la baisse, la relation commerciale étant synonyme ici de négociations plus longues que la normale. Tenez compte également de votre cycle de vente. En mettant en regard ces informations et le nombre de clients ou d'affaires à traiter, vous pourrez définir plus finement le nombre de vendeurs à recruter. Attention, dans tous les cas, il vous faudra accepter le phénomène de «latence», ce délai durant lequel le vendeur va se former et progresser avant de devenir performant et de dégager des bénéfices réels. La vente directe est un investissement au long terme et vous devez en être conscient. Comme du fait que vous devez assumer la gestion des commerciaux terrains que vous déléguiez auparavant à vos revendeurs.

Enfin, en apprenant qu'une partie de vos clients - et par conséquent les leurs - vont désormais être traités directement par vos propres commerciaux, vos revendeurs, qui plus est s'ils sont exclusifs et ne commercialisent que votre marque, risquent de grincer des dents. Et de voir dans votre stratégie de vente directe une concurrence déloyale.

Ménagez vos revendeurs

Pour désamorcer d'éventuels conflits et incompréhensions, jouez la carte de la responsabilité. Et dites-leur: «Conservez ces clients, mais pour cela adaptez-vous à l'évolution du business et/ou des produits, étoffez votre équipe, formez vos vendeurs, recrutez des techniciens, etc.» Faites voir clairement à vos revendeurs les contraintes financières - recrutement, formation, service après-vente - qui seront les leurs s'ils conservent ces clients ou ces affaires complexes. Grâce à cette approche, vous les amènerez à constater leur difficulté à assumer ces coûts supplémentaires. Se dessaisir de ces comptes représentera finalement à leurs yeux un soulagement. En prenant connaissance de votre nouvelle stratégie, certains revendeurs vous demanderont probablement des contreparties financières. N'entrez pas dans cette logique de «culpabilisation». Optez pour une approche résolument positive. Faites-leur comprendre les bénéfices qu'ils peuvent en tirer. Mettez, par exemple, en avant les retombées positives en termes de réputation pour votre entreprise, engendrés par le business fait avec ces comptes stratégiques sur des affaires complexes, dont ils pourront se servir pour vendre plus facilement le reste de votre gamme dont ils ont toujours l'exclusivité.

A savoir
Ce que dit la loi

Si une entreprise peut, en toute légalité, décider de confier à des vendeurs «maison» des affaires ou clients traités jusqu'alors par un réseau indirect de distributeurs, elle ne peut appliquer cette décision du jour au lendemain. «Les relations commerciales entre une entreprise et son réseau de vente indirecte sont régies par des contrats, portant soit sur des groupes de clients, soit sur des zones géographiques. L'entreprise doit en tenir compte avant de mettre en oeuvre sa nouvelle stratégie commerciale, explique Jean-Baptiste Gouache, avocat au barreau de Paris et membre du cabinet Gouache Avocats, spécialisé en droit de la distribution. Ainsi, s'il s'agit CDD, l'entreprise ne peut en suspendre l'application et devra attendre qu'ils expirent avant de reprendre à son compte les affaires concernées. Des avenants aux contrats peuvent toutefois être établis, moyennant le versement de compensations financières aux revendeurs.» En cas de CDI, l'entreprise veillera à respecter un préavis et à prévenir ses revendeurs suffisamment en amont du lancement de sa nouvelle stratégie. La durée du préavis dépend de l'ancienneté de la relation commerciale. «Dans le cas d'une relation commerciale d'une durée de dix ans, par exemple, il convient de respecter un préavis de deux ans», indique l'avocat. Si elle ne respecte pas ce délai, l'entreprise peut se voir contrainte par la loi de verser des indemnités aux revendeurs lésés.

 
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Emmanuelle SAMPERS

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