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Stratégie. À la reconquête des clients perdus

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Renouer avec un ancien client, c’est possible. À condition d’avoir compris les raisons de la rupture. Et d’élaborer une stratégie en conséquence.

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Pour récupérer ses anciens abonnés, France Télécom construirait un argumentaire spécifique en riposte à l’offre commerciale concurrente. Jusqu’ici, rien de bien original. Si ce n’est que l’opérateur historique irait jusqu’à enquêter pour connaître le nom du nouveau fournisseur. C’est, en tout cas, ce qu’affirment Cégétel, Télé 2 et 9 Télécom, qui jugent la méthode illégale. Pour l’heure, les tribunaux n’ont pas tranché, mais l’exemple prouve combien la reconquête peut s’avérer délicate. Or, quelle entreprise n’a jamais perdu un client ? Selon toute vraisemblance, aucune. Si toutes ont des techniques de prospection et de conquête bien rodées, elles peinent souvent à élaborer une stratégie de “win-back”, comprenez de reconquête. Première difficulté : réaliser que l’on a perdu un client. « Souvent, on ne détecte la rupture qu’à la date anniversaire de la commande, quand le client ne renouvelle pas son achat », déplore Christian Barbaray, p-dg d’Init Satisfaction. En effet, à cette date, il est déjà tard pour reprendre contact. Or, de l’avis de tous les experts, la reconquête demande bien plus de temps et de moyens que la conquête. « À la différence de cette dernière, qui concerne des prospects “vierges” de tout sentiment à l’égard de l’entreprise, la reconquête s’adresse à des clients qui ont un a priori négatif », souligne Michaël Amar, directeur associé du cabinet de conseil Altédia Cogef. Pour chaque cas, il convient donc de s’interroger sur le bien fondé de la démarche. « Tous les clients perdus ne méritent pas que l’on mette en œuvre un processus de reconquête, déclare Manuel Da Rocha, partner chez Valoris. Il faut s’assurer que leur potentiel justifie des efforts et des investissements particuliers. » Enfin – et ce n’est pas le plus évident – avant de se lancer à la “poursuite” d’un client, il est nécessaire de comprendre le pourquoi de son départ.

Faire table rase des préjugés

« Les dirigeants commerciaux ont tendance à penser que seul le prix est à l’origine de la rupture, explique Christian Barbaray (Init Satisfaction). Or, dans 25 % des cas, les clients perdus ont en fait opté pour un fournisseur dont le produit ou les prestations étaient plus chers. » Avant d’élaborer une stratégie de reconquête, il est donc essentiel de faire table rase de tout préjugé sur les motifs de la rupture. « Le client peut bien sûr avoir succombé au chant des sirènes de la concurrence, concède Charles Barbaray. Mais, le plus souvent, ce n’est pas la raison de son départ. Dans 60 % des cas, il est lié à un problème relationnel. » Manque de considération ou de réactivité de la part du commercial chargé du compte, lettres de réclamations restées sans réponse ou manque d’anticipation des besoins : tels sont les motifs qui conduisent, le plus souvent, à l’infidélité. Pour les déterminer avec certitude et savoir quel concurrent a réussi à récupérer les clients perdus, une enquête s’impose, qui peut être réalisée par le service qualité de l’entreprise ou, en externe, par un centre d’appels. « Le télémarketing est un très bon moyen d’obtenir les informations recherchées car un client perdu sera plus enclin à dire ce qu’il a sur le cœur à une tierce personne », déclare Thierry Maillet, directeur associé du cabinet de conseil Marketing Intelligence. À l’instar d’un processus de prospection, il s’agira, ensuite, d’identifier les différents segments de clientèle et d’élaborer une stratégie de reconquête personnalisée.

Construire un contre-argumentaire

« Il faut savoir jouer sur la psychologie de son interlocuteur, lance Michaël Amar du cabinet de conseil Altédia Cogef. Ne cherchez surtout pas à convaincre un ancien client qu’il a eu tort de vous tourner le dos. Au contraire, il vous faudra reconnaître vos erreurs et même les amplifier, afin que le client se rende compte de lui-même qu’elles n’étaient pas si graves. » Seconde tactique : un geste commercial est parfois le bienvenu, en particulier lorsqu’un litige – erreur de conditionnement, non-respect des délais de livraison, etc. – est à l’origine de la rupture. « Mais les remises et autres promotions ne peuvent pas s’inscrire dans la durée », met en garde Yannick Gérard, p-dg de Mérand Mécapate, fabricant de matériels de boulangerie. Le risque, en effet, est d’entrer dans une logique de surenchère avec l’entreprise qui a récupéré le client. L’idée consiste plutôt à aller vers lui avec une offre sur mesure, dans l’espoir de le faire revenir sur sa décision. « À la différence d’un prospect classique, l’ex-client vous est connu », remarque Manuel Da Rocha (Valoris). Vous le connaissez d’ailleurs mieux que son nouveau fournisseur. Il faudra donc faire fructifier ce capital d’informations pour lui faire une offre adaptée. L’important est d’attendre le moment opportun. Selon Michaël Amar (Altédia Cogef), « rien ne sert de recontacter un client perdu si l’on n’a aucun élément nouveau à lui proposer ». Heureusement, bon nombre d’occasions peuvent être prétextes à la reprise de contact : une fusion, un rachat ou, tout simplement, le lancement d’un nouveau produit. « L’essentiel est de valoriser son offre, explique Yannick Gérard (Mérand Mécapate). L’accent sera mis non pas sur les produits, mais sur les services qui y sont associés. » « Pour cela, le service marketing doit lui aussi s’investir dans la démarche », conseille Michaël Amar. Tout comme le service technique, d’ailleurs. Ensemble, ils travailleront à l’élaboration d’une offre sur mesure et d’une “charte d’engagement” visant à convaincre l’ancien client que les problèmes rencontrés dans le passé ne se présenteront plus. Une mission dont le directeur commercial doit se charger lui-même, accompagné ou non du vendeur jadis en charge du compte. Il s’agit là de montrer à son ancien client qu’il est important : il est même devenu la priorité des priorités.

Témoignage

Vincent Barbier, directeur général commercial Europe du Club Méditerranée « Priorité aux meilleurs de nos anciens clients » « Nous partons à la reconquête de nos anciens clients à partir du moment où ils ne se sont pas rendus dans l’un de nos villages pendant plus de trois ans, déclare Vincent Barbier. Dès lors, nous envoyons une lettre personnalisée qui leur propose de recevoir notre catalogue de voyages. » L’idée : raviver leur envie de vacances au Club. Dans le même objectif, l’entreprise continue d’envoyer des propositions assorties de tarifs préférentiels à certains de ses anciens clients. Mais à certains seulement. « La remise ne doit pas être une fin en soi, explique Vincent Barbier. C’est pourquoi nous prenons soin de déterminer le potentiel de réussite de ce type de démarche sur tel ou tel client. » Les actions n’en sont que plus rentables.

 
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Maud Aigrain

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