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Table ronde : Les managers 2003

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Les managers commerciaux de la SNCF, de Nissan France et de Pierre & Vacances collectionnent les succès depuis plusieurs années. Alliant pragmatisme et audace, ils ont su s’adapter aux exigences croissantes des consommateurs.

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SNCF, Nissan, Pierre & Vacances. En 2003, les lecteurs d''Action Commerciale ont invité les ambassadeurs de trois marques puissantes et prestigieuses à gravir les marches du podium des Trophées. Quant au titre de Manager commercial de l''année, ils l''ont décerné à Guillaume Pepy, directeur général exécutif de la SNCF, l''homme par qui le changement est arrivé dans cette vaste entreprise dont le client est, aujourd''hui, le pivot et la principale ressource. La rédaction d''Action Commerciale a invité les trois vainqueurs des Trophées 2003 à débattre, autour d''une table ronde, de l''évolution récente des habitudes de consommation et de la nouvelle donne issue de la crise des 35 heures et du boom de l''e-business.

Action Commerciale – Les clients ont changé, tout comme leurs attentes, leur niveau d''exigence, les arguments auxquels ils sont sensibles. Qui sont vos clients d''aujourd''hui ?

Guillaume Pepy, DG exécutif de la SNCF – Ce qui me frappe, c''est le caractère de plus en plus zappeur des clients. Très attentifs à leur dernière expérience de voyage, ils se laissent influencer par le souvenir qu''ils en ont gardé : s''il est bon, ils seront enclins à racheter du train ; sinon, ils se tourneront volontiers vers un autre mode de transport. Dans ce contexte, fidéliser est un vrai casse-tête ! Deux voies nous semblent, néanmoins, intéressantes. Primo, les cartes de fidélité (professionnelle, loisirs, etc.) et la différenciation au travers du service. Le TGV, par exemple, fidélise sa clientèle au travers d''une expérience de voyage-plaisir. Dans le train, le voyageur peut faire ce que bon lui semble : travailler, lire, dormir… C''est sur cet argument que nous communiquons, et sur lui que nous fidélisons. D''ailleurs, le TGV grignote 2 à 3 % de part de marché par an. François Goupil de Bouillé, directeur commercial de Nissan France – Depuis dix ans, le secteur automobile a vu s''épanouir une tendance au consumérisme. Les clients sont devenus sensibles aux détails et leur niveau d''exigence n''a cessé de grimper. Désormais, la moindre erreur est sanctionnée, car la tolérance du client est proche de zéro. Ceci nous a conduits à gonfler les effectifs de notre centre de relation clientèle. Né en 1990, il emploie aujourd''hui une dizaine de personnes. Jean-Luc Chrétien, DG en charge du marketing et du commercial de Pierre & Vacances – Le niveau d''exigence du consommateur croît à mesure que s''élargissent ses choix. Nous venons de nous pencher sur les facteurs qui dopent la satisfaction de nos clients ; les services périphériques sont particulièrement appréciés. Bien sûr, les clients s''attendent à ce que nos appartements soient fonctionnels et agréables à vivre. Mais surtout, ils demandent des “petits plus”, comme la préréservation de leurs forfaits de ski, des activités pour les enfants et, bien sûr, un accueil efficace et souriant.

Quelle est l''attitude de ces “nouveaux clients” face au prix ?

Guillaume Pepy – Le prix peut être un facteur discriminant, mais pas fidélisant ! C''est un argument de conquête pour un premier achat, mais on ne tisse pas de relation commerciale durable à coups de prix d''appel en B to C, et encore moins en B to B. François Goupil de Bouillé – Le prix reste important pour deux segments de marché : l''entrée de gamme, qui favorise les prix d''appel, et les gammes moyennes, dans lesquelles prime la notion de rapport prix/équipement. Seul le haut de gamme est épargné par la prépondérance du facteur prix, moins important que le facteur image. Ailleurs, le consommateur recherche la bonne affaire. Nous y répondons en construisant des offres “packagées”, comme la Micra Opio, avec climatisation de série ou bien la Tino, équipée d''un lecteur de DVD de série. Jean-Luc Chrétien – Le prix est, bien entendu, plus important pour la clientèle de Maeva, notre marque d''entrée de gamme, que pour celle de Pierre & Vacances. D''une façon générale, le client est attentif à la vraie valeur des produits : pour tel prix, il exige un certain niveau de service, de confort, etc. Et ceci s''est renforcé avec l''avènement du Net, qui a habitué les consommateurs à bénéficier d''un choix plus large et d''une facilité de comparaison des prestations.

Les 35 heures ont-elles fait naître la civilisation des loisirs tant annoncée ? Ont-elles modifié les comportements d''achat ?

Guillaume Pepy – On a beaucoup fantasmé sur l''“effet 35 heures”… Pour pas grand-chose, finalement. Il y a bien eu, en 2000 et 2001, un engouement du public pour les week-ends de trois jours, mais il a été de courte durée. En réalité, il faut comprendre que la réduction du temps de travail concerne les adultes, pas les enfants. Les familles n''ont donc pas bouleversé leurs comportements comme on l''avait imaginé. François Goupil de Bouillé – Les 35 heures n''ont pas changé grand chose. Les Français ne font pas plus de kilomètres en voiture. Et puis, l''équation “plus de temps libre, moins de pouvoir d''achat” n''a jamais été résolue. D''ailleurs, en dépit de la faiblesse de la croissance, l''épargne s''est installée à un niveau élevé. Preuve que nos compatriotes ne sont jamais réellement entrés dans cette ère des loisirs tant attendue. Leur confiance dans l''avenir est beaucoup trop fragile pour cela. Jean-Luc Chrétien – À l''approche des 35 heures, nous avons espéré que nos réservations se répartiraient de façon plus harmonieuse sur les 52 semaines de l''année. Nous avons développé notre offre de courts séjours et mis en place un système d''arrivées et de départs libres. Mais finalement, la RTT n''a pas vraiment bouleversé les comportements de nos clients. Certes, en 2000 et 2001, la demande de longs week-ends a légèrement progressé. Mais au fond, il y a toujours autant de monde à Avoriaz pendant les vacances de février…

Quelle a été l''attitude de vos concurrents depuis deux années ?

Guillaume Pepy – Les deux principaux concurrents du TGV sont Air France et les compagnies low-cost. Leur offre, comme la nôtre, est de plus en plus décortiquée et analysée par les consommateurs, qui comparent d''un œil averti les propositions des uns et des autres. Cette concurrence des low-cost a donc responsabilisé tous les acteurs du marché ; elles nous a, par exemple, conduits à repenser notre offre de produits et de services. Elle nous a aussi obligés à créer des prix d''appel, qui constituent notre entrée de gamme. Pourtant, nous n''avons jamais souhaité entrer de plain-pied dans la guerre des tarifs engagée par les compagnies à bas prix ; quand on s''oppose aux low-cost sur leur propre terrain, on devient inexorablement un low-cost ! Notre réponse réside, au contraire, dans la qualité du service. François Goupil de Bouillé – Notre industrie sort peu à peu de la dictature des promotions agressives. Le secteur automobile est fortement industriel : tout écart entre les prévisions et les ventes réelles induit une agressivité tarifaire qui permet aux constructeurs d''écouler leurs stocks. Néanmoins, depuis le début des années 2000, tous les constructeurs cherchent à se forger une identité de marque et à concevoir des produits novateurs et audacieux, comme la Renault Mégane ou le X-Trail de Nissan… Plus on innove, moins on avance à coups de promotions. C''est ce que tout le monde est plus ou moins en train de comprendre. Jean-Luc Chrétien – La concurrence s''est intensifiée avec la montée en puissance d''Internet. Désormais, le consommateur a l''opportunité de comparer en quelques clics, les offres et les tarifs de tous les acteurs du marché des vacances. Parallèlement, l''offre concurrentielle s''est étoffée. Le segment des premiers prix, par exemple, a vu s''épanouir le concept d''“immobilier léger”, ces mobil-homes – désormais bien équipés – qui remportent un succès croissant auprès des familles à revenus modestes. Notre réponse à cet élargissement de l''offre concurrentielle est notre positionnement multimarque. Pierre & Vacances s''adresse à des familles aisées, recherchant une qualité de service, tandis que Maeva (notre entrée de gamme) cible une clientèle attentive à son budget vacances. Maeva est, en quelque sorte, notre low-cost !

Le manager commercial 2004 vu par les lauréats 2003

Pour Guillaume Pepy, François Goupil de Bouillé et Jean-Luc Chrétien, pas de doute : le manager commercial “idéal” est bel et bien le mouton à cinq pattes ! « Le métier nécessite de plus en plus de talent, affirme le directeur général de la SNCF, et de plus en plus d''humilité. Attentif aux autres, toujours à l''écoute du terrain, le directeur commercial doit savoir tirer des enseignements de ses erreurs. » Un avis que partage le porte-parole de Nissan, pour qui « la première qualité d''un dirigeant réside dans sa capacité à motiver ses équipes. Écoute, exemplarité, exigence vis-à-vis de soi et d''autrui sont donc les traits saillants de son caractère. » Jean-Luc Chrétien peaufine le portrait en y ajoutant une dimension analytique : « L''environnement économique est extrêmement complexe, de même que les comportements des consommateurs. Il faut savoir décrypter ces données et en tirer des conclusions. » « Un stratège, résume François Goupil de Bouillé, qui possède aussi une bonne dose de courage . En effet, un manager doit savoir s''exposer. Et rebondir positivement en cas d''échec. »

 
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Stéfanie Moge-Masson et Anne-Françoise Rabaud

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