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Transaction. Un parachute en or pour atterrir en douceur

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Dans un contexte économique morose, négocier une garantie en cas d’échec permet d’assurer ses arrières et de changer d’entreprise sans appréhension.

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Garantie financière, filet de sécurité… Le parachute en or n’est autre qu’une clause particulière annexée au contrat de travail et garantissant au nouvel embauché le versement d’indemnités bonus en cas de licenciement. « Cette pratique a longtemps été l’apanage des directeurs généraux, analyse Olivier Dirdarian, responsable de la division exécutive commerciale de Michael Page. Elle s’étend, aujourd’hui, à la fonction de directeur commercial. » Une pratique qui se démocratise, mais reste encore très secrète. « C’est un sujet délicat à aborder en entretien d’embauche, confirme Jean-Philippe Fauche, directeur du développement d’Hommes et Mobilité, cabinet de conseil en ressources humaines. Car, avant même de commencer à travailler pour l’entreprise qui va le recruter, le candidat évoque un éventuel départ. C’est comme si, le jour de votre mariage, vous envisagiez la procédure de divorce ! » Plusieurs paramètres doivent donc impérativement être pris en compte avant d’entamer, ou non, la négociation d’un tel parachute. Première donnée importante : le rapport d’intérêt entre le directeur commercial candidat et l’entreprise. S’il s’est fait “chasser” par un cabinet de recrutement ou directement par la société, le cadre pourra plus légitimement exiger une garantie, à la hauteur de sa prise de risque. Et c’est d’autant plus vrai si l’entreprise affiche une santé moyenne, si la mission confiée se révèle particulièrement ardue ou si la société évolue dans un secteur d’activité fluctuant, comme la Net économie, par exemple.

PME ou multinationale

Autre point à évaluer avant de se lancer : la taille de l’entreprise. « Il existe, sur la question du parachute en or, un clivage important entre les PME et les grandes entreprises, souligne Marie-Claire Lemaitre, directeur au cabinet de recrutement Mercuri Urval. Pour les PME, le parachute recouvre une notion “sécuritaire” et “anti-entrepreneur”. Le demander lors d’un entretien d’embauche peut être mal perçu, voire suspect. » Davantage familiarisées avec cette pratique, les grandes entreprises se scindent en deux groupes. D’un côté, les groupes anglo-saxons, qui considèrent le parachute en or comme faisant partie intégrante du package “rémunération”. Et, de l’autre, les sociétés françaises, fonctionnant davantage à l’affectif et « pour lesquelles négocier un parachute en or peut encore être considéré comme une trahison de la part du candidat », explique Jean-Philippe Fauche. Pour ne pas froisser les susceptibilités, tout est question de forme. Et de moment. Les recruteurs sont unanimes sur ce point : la clause se négocie en toute fin de processus de recrutement. Après que l’entreprise a fait une proposition et que les questions de rémunération – salaire, primes, voiture de fonction – ont été abordées dans le détail. Le ton employé par le candidat est alors essentiel. La clé : amener le sujet de façon positive. Jean-Philippe Fauche conseille de dire, par exemple : « “Je suis prêt à relever le défi que vous me proposez mais, pour me sentir parfaitement à l’aise, j’ai besoin d’une garantie.” Le candidat ne doit surtout pas donner l’impression d’entrer dans l’entreprise à reculons. » Chassé, fin 2000, par un opérateur télécom américain, Paul*, 41 ans, aujourd’hui directeur commercial d’une entreprise française spécialisée dans l’équipement bureautique, a joué la carte de la transparence. « C’était l’époque de la “bulle” Internet, confie-t-il. Le dirigeant de cette entreprise voulait développer une activité de ventes de sites internet en Europe et m’en confier la direction. Je lui ai dit qu’une clause parachute me permettrait de m’engager sans appréhension ni stress. »

De six mois à deux ans de salaire

Paul a obtenu une enveloppe représentant six mois de salaire. D’une manière générale, la somme négociée oscille entre six mois et deux ans de salaire brut. Peuvent s’ajouter de nombreux avantages, tels que les services d’un cabinet d’outplacement, le droit de conserver sa voiture de fonction, la possibilité d’être réintégré à un poste similaire dans une filiale du groupe… Mais attention, la durée de vie de la clause parachute peut, elle aussi, varier. « On distingue deux types de parachutes en or, observe Gérard de La Dure, consultant associé chez Rossignol, Tod & Associés. D’un côté, les parachutes “provisoires” qui, selon la volonté de l’entreprise, prennent fin à la première date anniversaire de l’entrée du manager dans l’entreprise ou peuvent être dégressifs à compter du sixième mois suivant l’embauche. De l’autre, les parachutes à durée illimitée qui sont, bien entendu, les plus difficiles à négocier. » Autant de variantes qui doivent inciter le candidat à vérifier le contenu de sa clause parachute, épaulé – si le besoin s’en fait sentir – par un avocat. « Il faut que tout soit “bordé” sur le plan juridique, car chaque mot, chaque virgule pèsent au moment d’exercer la clause », insiste Michel*, 57 ans. Après un bras de fer d’un an qui l’a opposé à son ancienne entreprise et s’est soldé par une procédure aux prud’hommes, cet ancien directeur général de SSII vient enfin de toucher son parachute en or, soit l’équivalent de deux ans de salaire. Sans avoir recours à la justice, Paul a, lui aussi, bataillé, pour toucher son dû. « Signer la clause était un jeu d’enfant au moment de l’embauche ; récupérer mon chèque a fait l’objet de négociations nettement plus tendues, lance le directeur commercial. Pourtant, lorsque l’entreprise a décidé de stopper net ses activités en Europe, la séparation s’est faite à l’amiable. Mais, au moment d’appliquer la clause parachute, les dirigeants américains ont tenté d’invoquer une faute lourde dans ma gestion et mon management pour ne pas verser la somme promise. J’ai fait appel à un avocat et obtenu gain de cause. » « Toucher un gros chèque m’a permis de prendre un nouveau départ professionnel et de me lancer dans une activité de conseil », confirme Virginie*, ancienne directrice des ventes dans le domaine de l’hôtellerie. Sécurisant, le parachute en or permet donc de retomber sur ses pieds en cas de déconvenue professionnelle prématurée. Libérés des soucis matériels dans un premier temps, les cadres peuvent alors faire le point et envisager plus sereinement l’avenir. (*) Pour préserver l’anonymat des personnes interrogées, nous avons modifié les prénoms.

Avis d’expert

Maître Jean-Marie Léger, avocat spécialisé en droit des affaires, cabinet SCP Saint Sernin Lehman « La rédaction d’une clause parachute, ça se peaufine » Réussir à négocier un parachute en or c’est bien. Maîtriser, sur le plan juridique, l’élaboration de son contenu, c’est mieux. « Tout tient à la façon dont la clause va être rédigée », observe Jean-Marie Léger, avocat en droit des affaires. Première règle à respecter : « L’octroi de cette indemnité ne doit pas dépendre d’une condition “potestative”, c’est-à-dire qui dépend uniquement de la volonté de celui qui s’engage », indique-t-il. En clair, l’employeur ne peut pas dire : « Je m’engage à exercer la clause parachute si j’en ai envie. » Deuxième point important : le parachute en or est juridiquement considéré comme une clause pénale, ce qui signifie que le juge a la faculté, si l’employeur en fait la demande, de réduire son montant. « Il faut donc exprimer, en préambule de la clause, les paramètres qui justifient le montant de l’indemnité, conseille Jean-Marie Léger. Rappeler le contexte de l’embauche, le degré de prise de risque professionnelle, la situation familiale. »

À retenir

Réussir à négocier un parachute en or dépend du contexte de l’embauche (candidat “chassé” ou non), de la taille et de la culture de l’entreprise. Les grands groupes anglo-saxons sont les plus enclins à accorder de telles conditions. La clause parachute en or doit être abordée en fin de recrutement, après la négociation du salaire, des primes, des objectifs, etc. Le sujet doit être amené de façon dégagée et positive par le candidat. Vérifier chaque point de la clause est impératif avant de signer. Consulter un avocat spécialisé est conseillé en cas de doute. Cela évite de mauvaises surprises au moment d’exercer la clause.

 
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Emmanuelle Sampers

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