[Tribune] Dell et l'obsession du bureau : une stratégie dépassée
En février dernier, aux États-Unis, Dell instaurait une politique de travail hybride avec pour objectif de ramener les travailleurs au bureau. Résultat, près de la moitié des collaborateurs à temps plein du géant américain de l'informatique a choisi de rester à distance. L'avis de Philippe Bonnet, Cofondateur et CEO d'Impactified, plateforme dédiée à l'accompagnement des dirigeants, sur ce sujet.
Je m'abonneLe géant Dell est en train de démontrer à tous ce que signifie être déconnecté de la réalité actuelle, et changeante, du monde du travail. Malgré une politique stricte de retour au bureau récemment mise en place, presque la moitié de ses employés préféreraient rester en télétravail, en prenant au passage le risque de compromettre leurs opportunités de carrière.
De fait, cette situation illustre parfaitement l'échec de la stratégie de retour au bureau que beaucoup essayent de mettre en place, et soulève des questions importantes sur la compréhension des besoins des employés par les entreprises modernes, ainsi que sur les enjeux d'avoir une marque employeur attirante, et non pas repoussante, pour les collaborateurs.
La marque employeur : le vrai sujet
Le vrai sujet, en fin de compte, n'est pas celui du bureau mais celui de la marque ! Et il est temps que Dell et autres entreprises reconnaissent une vérité essentielle : le bureau physique et la machine à, mauvais, café ne sont plus le centre névralgique de l'innovation et de la collaboration.
Au contraire, ils deviennent un symbole désuet de contrôle, à tel point que l'obligation de présence physique reflète maintenant une peur de perte de contrôle plutôt qu'une volonté de stimuler la créativité et la productivité.
Cependant, en refusant le travail à distance et en mettant la progression de carrière de ses équipes en point de chantage, Dell sabote non seulement le bien-être de ses employés mais aussi sa propre marque employeur.
Marque employeur et productivité : compatibles ?
Question fatidique : les équipes à distance, ça impacte la productivité négativement ou pas ? Pas plus que ça, en fait.
Certes, une étude récente montre que le télétravail peut entraîner une légère baisse de la productivité, d'environ 10 % (Stanford, 2023), mais elle dit aussi que cette baisse de productivité est principalement due à des problèmes de communication interpersonnelle, à un manque de mentorat, à un manque de culture interne et à un manque de motivation personnelle.
Ces sujets seront-ils résolus en forçant les collaborateurs à revenir pour pouvoir garder leur poste ? Non. Peuvent-ils être résolus en offrant du suivi aux équipes, avec du mentorat, du support en matière de communication, de brainstorming et de créativité ? Évidemment.
Dell et les autres doivent comprendre que l'avenir du travail réside dans la flexibilité et l'adaptabilité. En s'accrochant à des modèles de travail rigides, l'entreprise risque de perdre ses meilleurs talents au profit de concurrents plus progressistes.
Redéfinir collaboration et innovation
Le bureau n'est plus le seul espace de collaboration et le vrai défi pour les entreprises aujourd'hui est de redéfinir ce que signifie collaborer et innover. Les équipes dispersées géographiquement peuvent toujours être extrêmement productives grâce à la technologie. Les réunions virtuelles, les outils de gestion de projet en ligne, les plateformes de communication instantanée et le coaching des équipes offrent des moyens efficaces de maintenir la cohésion et de stimuler l'innovation.
Pour attirer et retenir les talents, une entreprise doit construire une marque employeur forte. Cela signifie offrir un environnement de travail flexible qui valorise le bien-être et la satisfaction des employés.
Des entreprises comme Google ont compris cela depuis longtemps, en créant des environnements de travail où les employés se sentent valorisés et motivés. Dell devrait suivre cet exemple et investir dans des politiques qui soutiennent le travail à distance. Ignorer cette tendance, c'est risquer de devenir obsolète et de voir les talents partir vers des entreprises plus en phase avec les réalités modernes. C'est un choix, mais est-ce le bon ?