Commerciaux seniors : un potentiel en or
Expérience, crédibilité, capacité à transmettre...Les seniors dans la fonction commerciale présentent de nombreux atouts, pour les entreprises qui osent les recruter. Aperçu.

« Équipe jeune et dynamique, moyenne d'âge : 35 ans ». Il y a peu, ce genre d'affirmation était monnaie courante dans la description de postes à pourvoir, et dans la bouche des employeurs. Dans un souci grandissant d'inclusion, mais aussi sur fond de recul de l'âge de départ à la retraite, la situation évolue.
Dans son étude de juillet 2025 « Les seniors sur le marché du travail en 2024», la Dares (Direction de l'Animation, de la Recherche, des Études et des Statistiques au Ministère du travail) révèle que le taux d'emploi des seniors se situait l'an dernier à son plus haut niveau depuis qu'il a commencé à être mesuré, en 1975. Les 55-64 ans sont ainsi 60,4% à occuper un emploi en France, ce qui reste néanmoins inférieur à la moyenne de l'UE, qui s'élève à 65,2%.
S'il n'y a pas de statistiques précises sur la fonction commerciale, Doriane Lefebvre, Directrice spécialiste des métiers commerciaux au sein du cabinet de recrutement Michael Page, observe : « Le taux d'emploi des seniors dans les fonctions commerciales semble malheureusement inférieur à la moyenne des autres métiers. Cela tient à certaines idées préconçues, à des stéréotypes qui perdurent, comme le prétendu manque de dynamisme des seniors. On confond souvent énergie physique, âge et performance professionnelle. Pourtant, la volonté et l'efficacité ne dépendent pas des années, mais du tempérament. Par ailleurs, contrairement aux idées reçues sur leur supposée fragilité, les salariés seniors ne déclarent pas plus d'arrêts maladie que les juniors.»
Exigences
La fonction commerciale n'en demeure pas moins exigeante par certaines de ses caractéristiques : les déplacements récurrents en clientèle (pour les vendeurs terrain), la résistance au stress et à la pression des objectifs, la résilience face aux échecs et aux affaires perdues. « Quel que soit le candidat à un poste de commercial, junior ou senior, il doit posséder des soft skills, qui ne sont pas liées à l'âge, mais qui relèvent plutôt de sa personnalité, tempère Doriane Lefebvre. C'est au recruteur de vérifier les soft skills du candidat lors des entretiens et par la prise de références auprès d'anciens employeurs. D'autre part, certains candidats expérimentés nous avertissent d'emblée quand ils estiment qu'un poste est trop exigeant, par exemple en termes de déplacements et qu'ils ne souhaitent pas sillonner la France.» A l'employeur alors d'adapter ses attentes pour trouver le bon candidat itinérant.
Marie Maze-Sencier, Directrice du Delivery chez Uptoo, spécialiste du recrutement commercial, constate pour sa part : « Le sujet de la séniorité est lié à l'expertise. De ce fait, les entreprises qui recherchent de l'expérience et une expertise forte, par exemple pour approcher les grands comptes ou pour réaliser des ventes complexes, très techniques ou faisant appel à différents intervenants, sont plus ouvertes à recruter des profils seniors. »
Discernement
Face à certains clients, la séniorité du commercial est un gage de sérieux. La maturité, le vécu apportent en effet une connaissance des codes de la négociation, de la relation client, la capacité à faire le tri entre les projets qui iront à leur terme et ceux qui n'iront pas. Bref, à avoir du discernement et à mettre ses ressources au bon endroit.
« Nos commerciaux pratiquent la vente-conseil, au plus proche des besoins du client et avec des solutions personnalisées, qu'il s'agisse de gestion de patrimoine, de prévoyance ou autre, explique Sylvain Martinet, responsable Développement du capital humain au sein du Groupe de protection sociale Apicil . Leur expérience est donc un atout, qui va de pair avec notre politique d'inclusion et l'accord que nous avons signé avec nos partenaires sociaux pour le maintien des seniors dans l'emploi. Un quart de nos 2640 collaborateurs - commerciaux compris - a plus de 50 ans. »
Parmi les qualités des commerciaux seniors, Doriane Lefebvre remarque une certaine stabilité : «Quand on recherche un emploi à 50 ou 55 ans, l'idée est de s'installer dans la durée, jusqu'à la retraite. Il y a donc un bon taux de fidélité chez les salariés seniors, un sens accru du devoir et des responsabilités. Leur recrutement est un bon investissement pour l'employeur ».
Il n'en demeure pas moins que l'expérience peut parfois rimer avec des habitudes bien ancrées, surtout si l'on a effectué bon nombre d'années dans un même secteur. « Aussi, il est important, en phase de recrutement, de vérifier la capacité du candidat senior à s'imprégner d'un nouvel environnement, à s'adapter aux codes d'une nouvelle entreprise, à une nouvelle culture et à de nouveaux outils », prévient Doriane Lefebvre.
Sensibiliser le management
Les commerciaux expérimentés doivent donc faire preuve d'une forme d'humilité, et s'accorder avec leur manager. «Il peut y avoir incompréhension, entre un manager jeune et son collaborateur senior, reconnaît Marie Maze-Sencier. Dans ce cas, cela relève sans doute d'un manque de formation du manager, qui doit se sentir légitime et faire abstraction de certaines peurs. Une bonne communication est fondamentale entre le manager et son collaborateur, quel que soit l'âge de l'un et de l'autre. Un bon manager doit être à l'écoute de son équipe et comprendre ses besoins. »
Hors de question de tomber dans l'excès d'encadrement ou l'infantilisation d'un senior : celui-ci a besoin d'autonomie, et de la reconnaissance de sa maturité. « Souvent, je conseille aux employeurs, dans le cadre d'une future collaboration entre un profil senior et son futur manager plus jeune, que chacun des deux demande à l'autre ce qu'il attend de lui », indique Doriane Lefebvre.
Pour intégrer au mieux le senior dans la force de vente, il faut parfois abattre les stéréotypes par de la sensibilisation. Une des clés est de confier au commercial senior, un rôle de référent, où son expertise sera valorisée aux yeux de ses collègues. Il peut également se muer en formateur. « La transmission est un enjeu important lié à la présence de commerciaux seniors dans une équipe, souligne Sylvain Martinet. L'expérience va souvent de pair avec la fonction de tuteur dans nos métiers, notamment auprès de nos alternants, une population très présente chez Apicil avec une centaine de recrutements par an ».
Au final, l'enjeu des entreprises est bien d'entretenir une mixité et un équilibre dans leurs équipes, avec des profils variés : hommes, femmes, juniors, seniors, travailleurs en situation de handicap, etc. Chacun contribuant avec son tempérament, son vécu et son enthousiasme, à la richesse humaine de l'entreprise.
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