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«Nous allons mettre Tchernobyl sous cloche»

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Vinci, a été retenue pour construire, avec Bouygues Travaux Publics, une enceinte de confinement sur le sarcophage vieillissant de la centrale de Tchernobyl. Un chantier exceptionnel du fait de son ampleur et sa difficulté.

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Hosni Bouzid, directeur commercial de Vinci Construction Grands Projets

Hosni Bouzid, directeur commercial de Vinci Construction Grands Projets

Le 26 avril 1986, à 1 h 23 du matin, le réacteur nucléaire numéro 4 de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, explose, libérant un nuage de fumée saturé de particules radioactives. Dans les jours qui suivent, 30 tonnes de sable et d'argile sont déversées sur le site afin de stopper la contamination. La construction d'un sarcophage en béton débutera quelques mois plus tard. C'est cet ouvrage, aujourd'hui fissuré et qui n'est plus étanche, que la société Vinci, en partenariat avec Bouygues Travaux Publics, est chargée d'isoler. Un dossier titanesque qu'a géré Hosni Bouzid, directeur commercial de Vinci Construction Grands Projets au terme de plus de trois ans de tractations. «Ce n'est qu'en mars 2004, après 12 ans de gestation, que la décision a été prise de concevoir une enceinte de confinement», relate le manager. L'appel d'offres est alors placé sous l'autorité du Project Management Unit (PMU), une association regroupant des entreprises internationales, dont Chernobyl Nuclear Power Plant, l'entreprise publique ukrainienne chargée de démanteler et d'assainir le site. Vinci répond d'emblée présent. Le chantier est exceptionnel car, en plus de construire une enceinte de confinement autour du sarcophage actuel, l'ouvrage doit permettre, dans une ultime étape, de procéder au démantèlement de l'ancienne structure ainsi que du réacteur. «Lors de la première prise de contact, ma mission était de m' assurer de la réalité du projet car ce dossier était ouvert depuis des années sans vraiment d'avancées concrètes», précise Hosni Bouzid. En effet, en 1993, la société avait déjà remporté un concours d'idées, orchestré par l'Ukraine, sur le devenir de la centrale. Une victoire qui n'avait débouché sur rien de concret... Cette fois-ci, Vinci, convaincue que le projet a des chances d'aboutir, décide de créer une société commune avec Bouygues Travaux Publics, baptisée Novarka. Pour Hosni Bouzid, il s'agit alors d'orchestrer les différentes équipes et de faire l'interface entre le PMU et Novarka. Aucun contact direct n'est toutefois possible. «Procédure oblige, tous les échanges avec le PMU se font via... le fax!» Pour autant, les équipes d'ingénierie de Novarka multiplient les visites à Tchernobyl, tandis qu'Hosni Bouzid parcourt l'Ukraine à la recherche de partenaires fiables.

En novembre 2004, le dossier technique est enfin bou- clé. Le projet de Novarka repose sur un sarcophage doté d'une ossature métallique de 18 000 tonnes. La structure envisagée a une hauteur de 105 mètres et une largeur de la taille du Stade de France. En face, quatre sociétés sont sur les rangs. Mais très vite, le PMU ne retiendra, pour contrer le duo Vinci-Bouygues, qu'un seul concurrent: une société américaine d'ingénierie, CH2M-Hill.

En juin 2005, la partie technique étant validée par le PMU, les deux compétiteurs sont invités à avancer une proposition financière. Et la règle du jeu est claire: le moins-disant remportera l'affaire. C'est le groupement français qui sort vainqueur, avec une proposition inférieure de 55 millions d'euros à celle de l'Américain. Soit un montant total de 432 millions d'euros pour sécuriser la centrale en ruine.

Mais la partie est loin d'être gagnée. L'Américain conteste la décision du PMU et exerce un recours auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement qui administre les fonds des pays donateurs pour ce projet. Heureusement pour Vinci, cet appel n'aboutira pas, faute d'irrégularité constatée. S'ensuit une intense campagne de lobbying dans la presse ukrainienne contre Novarka. «Jamais nous n'avions subi de telles attaques. Mais nous avons décidé de ne pas y répondre», indique Hosni Bouzid.

VCGP en bref

Vinci Construction Grand Projets est une filiale, depuis 2001, de Vinci. Spécialisée dans les grands projets complexes, elle est présente dans 80 pays et emploie plus de 4000 salariés. En 2006, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 778 millions d'euros.

L'anecdote de vente

«Pour accéder au site de Tchernobyl, il faut parcourir une zone d'exclusion de 30 kilomètres. Je m'attendais à voir un paysage désolé mais la nature a repris ses droits et la forêt, très dense et verte, s'étend à perte de vue. On en oublie que la zone est contaminée par la radioactivité... La réalité vous rattrape lorsque vous accédez à la centrale où il est indispensable de revêtir une combinaison spéciale. Un équipement que devra porter chaque ouvrier du chantier.»

Le démantèlement est un marché d'avenir

Dans la dernière ligne droite, entre janvier et août 2007, Novarka doit faire face à d'ultimes discussions avec le PMU autour de 12 points techniques. «A plusieurs reprises, nous étions proches de la rupture. C'était une période de grande tension où l'on se voyait une fois par mois pour 4 à 5 jours de négociation. Alors que le dossier était bouclé!», s'exclame Hosni Bouzid. Finalement, un accord est trouvé. Et Novarka, sous le leadership de Vinci, conduira bien ces travaux monumentaux qui ont débuté en octobre et qui dureront au moins quatre ans et demi. «Le marché du démantèlement des centrales nucléaires va connaître une formidable croissance. Les centrales construites dans les années soixante-dix arrivent en fin de vie, souligne le directeur commercial. Pour nous, le chantier de Tchernobyl est une formidable référence pour démontrer à l'ensemble des sociétés du monde notre savoir-faire»

 
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Laurent Bailliard

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