Archos, une PME française dans un monde de géants
Si le marché des tablettes numériques est aujourd'hui largement dominé par Apple et, dans une moindre mesure, par Samsung, Archos, PME française spécialisée dans les tablettes et les baladeurs numériques, parvient pourtant à exister sur la scène européenne. Pour se différencier, l'entreprise mise sur une forte présence en points de vente et sur la formation des vendeurs en magasin. Entretien avec Didier Grychta, qui décide et met en oeuvre la stratégie commerciale de la société.
Je m'abonneAction Commerciale: Vous êtes la seule PME française dans un monde dominé par des géants mondiaux. Comment vous imposezvous face aux autres constructeurs?
Didier Grychta: Nous n'avons évidemment pas les moyens d'Apple ou de Samsung pour nous imposer sur le marché. Nous avons donc choisi de ne pas attaquer frontalement ces acteurs, mais de jouer avec des cartes différentes, en misant sur ce que nous savons faire: innover. C'est même notre ADN. Cela se sait peu, mais nous avons sorti la première tablette numérique sous Android au monde en septembre 2009, soit plusieurs mois avant Apple et son iPad. Notre équipe de R & D représente la moitié des effectifs de l'entreprise et concentre une part essentielle des investissements. Nous cherchons à proposer des produits non pas équivalents à l'iPad, mais différents et moins chers. Nous faisons le pari du low cost, avec des tablettes allant de 99 euros TTC, pour l'entrée de gamme, à 399 euros TTC. Nous pouvons proposer ces prix grâce à la réduction de nos marges et à l'adoption de méthodes d'assemblage spécifiques pour nos tablettes. Par ailleurs, si toute la R & D est en France, les produits Archos sont fabriqués dans six usines en Chine depuis trois ans. Ce qui permet encore de réduire les coûts.
Parcours
Diplômé de l'ISG et de l'International Institute for Management Development (IMD) à Lausanne, Didier Grychta commence sa carrière en 1987 chez Panasonic France. En 1998, il en devient le directeur commercial et marketing de la division grand public. Il entre chez Archos en 2005 pour mettre en oeuvre la stratégie de l'entreprise, piloter les équipes et faire grandir la PME sur les marchés français et international.
Repères
Créé en 1988 par Henri Crohas, Archos est un fournisseur français de tablettes et baladeurs numériques. L'entreprise a réalisé un CA de 171,4 millions d'euros en 2011, soit une croissance de 106 % en un an. Pour le 1er semestre 2012, le CA enregistre une progression de 3,5 % , malgré une perte nette de 21,9 millions d'euros, selon l'AFP. La PME, dont le siège se situe à Igny (Essonne), compte 250 salariés, dont 60 commerciaux
A côté des terminaux Archos, vous vendez sous d'autres noms et développez une offre en marque blanche. Pourquoi ce choix?
Commercialiser des produits en marque blanche nous permet de multiplier nos ventes, tout en assurant une présence importante sur les linéaires des magasins. Entre les produits Arnova - notre marque low cost -, les tablettes Archos et celles commercialisées en marque blanche pour les distributeurs, Archos est sans doute le fournisseur qui bénéficie de la part de linéaires la plus importante en boutique. Nous avons ainsi développé les séries Lazer pour Auchan et une partie des gammes de Carrefour et Boulanger en marque blanche.
Comment développez-vous la notoriété de ces produits auprès des consommateurs?
Les produits Archos sont commercialisés dans une vingtaine d'enseignes en France (dont la Fnac, Carrefour, Conforama, etc.), ce qui représente 2000 points de vente. La stratégie est d'asseoir notre présence au sein de ces magasins en misant fortement sur le merchandising. Selon les enseignes, les produits sont ainsi exposés sur un meuble dédié, en libre toucher, avec un mode démonstration - fonctionnalité que ne proposent pas tous les acteurs du marché. Ainsi, nous développons actuellement un projet d'envergure à la Fnac. Des meubles dédiés Archos d'un mètre de longueur viennent en effet d'être déployés dans les 25 plus gros points de vente de l'enseigne. Ce test devrait déboucher sur un élargissement de la démarche à tous les magasins Fnac en 2013.
En revanche, nous n'avons pas souhaité mettre en place des animations commerciales spécifiques, si ce n'est sur des périodes très ciblées, comme Noël, ou pour des lancements de produits. L'idée est plutôt de s'imposer progressivement, au jour le jour, dans l'esprit des consommateurs. Nous ne misons pas non plus sur une communication massive. En effet, nous ne disposons pas des mêmes budgets que nos concurrents. Bien que des progrès restent à faire pour installer la notoriété de la marque, notre force se trouve bel et bien en magasin, mais aussi sur des sites d'e-commerce comme Amazon, Cdiscount, Pixmania et Rue du Commerce.
Quelles sont les différentes missions de vos commerciaux?
La force de vente a bien évidemment un rôle essentiel dans notre stratégie globale. Trois commerciaux grands comptes travaillent avec les centrales d'achats des enseignes pour développer nos accords de business à long terme. Quatre commerciaux terrain veillent à la mise en place des accords dans les points de vente. Répartis par secteurs géographiques, ils visitent régulièrement leurs revendeurs: une fois par semaine pour les 15 magasins «gold» répartis en France et un peu moins dans les petites villes, où le potentiel commercial est plus faible. Il est important pour nous d'être présents auprès du réseau, pour les informer sur notre offre, mais aussi pour veiller à notre image dans les magasins.
Cependant, compte tenu de notre effectif et du nombre de points de vente, il est évident que ces derniers ne peuvent pas tous être visités. Seul un cinquième d'entre eux environ reçoit régulièrement nos commerciaux. Notre attention se porte sur les magasins qui génèrent le plus d'activité. En France, 600 à 800 points de vente nous permettent de réaliser 80 % de notre chiffre d'affaires.
Comment assurez-vous la formation des vendeurs en points de vente?
En chargeant nos commerciaux de faire passer nos messages sur les produits. Non seulement les vendeurs des enseignes doivent connaître l'offre pour informer les clients et répondre à leurs questions, mais ils doivent aussi savoir allumer la tablette chaque matin, mettre en route le mode démo, réparer les éventuelles «bêtises» des personnes qui les testent, etc. C'est là que notre force de vente entre en jeu.
Outre leur mission d'information, nos commerciaux ont aussi un rôle de formation très important. Ils doivent établir de bons rapports avec les vendeurs en points de vente pour leur transmettre les arguments adéquats sur les produits. Ils le font tout d'abord à travers chacune de leurs visites, mais pas seulement. Ainsi, nous organisons périodiquement des sessions régionales de formation. Celles-ci ont lieu, par exemple, lors d'une soirée dans un hôtel en région, où le commercial terrain du secteur ainsi que le formateur national sont présents. Le rôle de ce dernier, qui fait partie intégrante de mon équipe, est d'appuyer les commerciaux dans leur mission de formation, notamment en étant lui aussi en contact direct avec les responsables formation des enseignes, afin de relayer nos messages. Parallèlement, nous misons énormément sur les salons nationaux des enseignes. Lors de ces événements, ces dernières invitent l'ensemble de leurs fournisseurs pour qu'ils soient en contact avec leurs forces de vente. L'inconvénient, c'est que nos concurrents sont présents. L'avantage, c'est que cela nous permet de toucher l'ensemble des vendeurs d'une enseigne. La plupart des marques étant représentée, cela permet une saine émulation autour des produits.
Quelles sont vos principales pistes de développement?
En France, nous sommes déjà présents chez l'ensemble des plus grands vendeurs en électronique, IT et télécoms. Notre marge est donc réduite de ce côté-là. Toutefois, nous souhaitons mener un travail en profondeur avec ces enseignes: intensifier notre présence auprès d'elles, développer notre accompagnement, etc. En parallèle, notre ambition est de nous renforcer sur le marché B to B, qui représente aujourd'hui moins de 5 % de notre activité. L'une des missions de nos commerciaux est donc d'approcher des distributeurs spécialisés. Nous sommes déjà distribués par Tech Data et Banque Magnétique, deux grossistes informatiques vendant aux entreprises. Aucun recrutement n'est pour l'heure prévu pour se développer sur ce marché. Nous nous appuyons entièrement sur les forces de vente des distributeurs. Si Archos pilote les appels d'offres, ce sont les équipes commerciales de ces grossistes qui se chargent des relations avec les clients finaux. Notre objectif: que ce marché représente 10 % de notre activité d'ici à la fin de l'année.
Quels sont vos autres projets de développement?
Le marché de la tablette est également porté par les acteurs du livre (librairies, enseignes culturelles ou autre), car ce terminal sert de plus en plus de support de lecture, à l'image du Kindle d'Amazon, par exemple. Nos commerciaux ont également pour mission d'approcher ces acteurs pour essayer de développer notre visibilité chez eux. Nous sommes ainsi présents depuis septembre 2011 au sein du réseau France Loisirs/Chapitre, avec une tablette équipée d'une application Android qui permet l'accès à leur librairie numérique. Par ailleurs, nous poursuivons notre développement à l'international. Archos est déjà implanté en Europe, continent qui représente les deux tiers de notre chiffre d'affaires, mais également ailleurs dans le monde: Etats-Unis, Chine, Russie, Moyen-Orient. L'Amérique du Sud, avec le Brésil et l'Argentine notamment, représente un axe fort de développement. Notre stratégie est de vendre via des distributeurs locaux afin de pénétrer ces nouveaux marchés. De quoi ouvrir encore de belles perspectives.