B to B : Peut-on tout vendre sur le Web ?
Les particuliers n'hésitent plus à faire leurs courses sur Internet. Mais quid du B to B ? Les entreprises vont-elles dépasser le stade de l'achat de stylos et d'ordinateurs ? Peut-on vendre sur la Toile des produits ou des services à forte valeur ajoutée ?
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Août 2001. Tyler Jet, une société texane spécialisée dans la
commercialisation d'avions d'affaires, réussit à vendre sur le site d'enchères
eBay un luxueux jet privé pour la somme de 3,7 millions d'euros. L'acquéreur ?
Une compagnie aérienne de charters basée en Afrique, qui a surenchéri en ligne
sans jamais rencontrer les commerciaux de Tyler Jet. La vente fait, plusieurs
années plus tard, encore la publicité d'eBay, site pourtant spécialisé en C to
C (vente entre particuliers). Une exception ? Certes, eBay n'a jamais réussi à
renouveler une telle transaction, mais d'autres avions sont déjà passés sur le
site. Même la Navy américaine a cédé à l'appel d'Internet en mettant aux
enchères sur eBay un avion de chasse F18 appartenant aux Blue Angels,
l'équivalent de la Patrouille de France, pour 1 million de dollars. En
comparaison des très nombreuses transactions quotidiennes réalisées sur le Web
par les entreprises françaises pour l'achat de petites fournitures de bureau ou
de billets de train et d'avion, il faut reconnaître que les ventes d'articles
complexes, à forte valeur ajoutée, demeurent un épiphénomène. Si le grand
public intègre de plus en plus Internet comme mode d'achat – en France, le
chiffre d'affaires de l' e-commerce a progressé de 53 % en 2005 pour atteindre
8,7 milliards d'euros, selon la Fédération des entreprises de vente à distance
(Fevad) –, le monde de l'entreprise est nettement plus partagé. Restons dans le
secteur de l'aéronautique. Si Dassault Aviation s'est tourné vers la vente en
ligne, n'espérez pas, pour autant, acheter des Falcon sur leur site. Chez
l'avionneur, l'e-commerce se limite, en effet, à une boutique de “goodies”
composée de montres, stylos, teeshirts… Alors, l'e-commerce en B to B
sera-t-il, quoi qu'il arrive, cantonné à des basiques ?
Des échanges interentreprises
« Si l'ensemble des composants du dernier A380 d'Airbus ont été achetés par ce biais – via des réseaux de fournisseurs –, l'avion, lui, ne sera en revanche jamais vendu par ce biais. Tout simplement parce qu'il est impossible de vendre un avion qui coûte 300 millions d'euros sans des mois de négociations, ni l'intervention de commerciaux en chair et en os », tranche Gérard Dahan, directeur marketing Europe du Sud et centrale d'Ariba, première société à avoir lancé sur Internet les places de marché professionnelles. Celles-ci sont de véritables plateformes Web qui permettent à un acheteur d'entrer en contact avec un ou plusieurs fournisseurs. On parle alors d'e-sourcing, ou automatisation de la recherche de fournisseurs. La première place de marché européenne dédiée aux achats hors production des grandes entreprises, CC-Hubwoo (www.cc-hubwoo. com), revendique ainsi plus de 45 clients, parmi lesquels les plus grands groupes européens (Total, BASF, EdF, GdF, Michelin, Thomson, etc.), et affiche un réseau de plus de 9 000 fournisseurs connectés dans 44 pays. Son volume d'activités a représenté 5 milliards d'euros en 2005 ! Cette recherche de fournisseurs peut s'effec tuer via des appels d'offres sur des produits et même sur des services qu'il est possible, par exemple, d'acheter selon le principe de l'enchère inversée. Après avoir envoyé son cahier des charges sous format électronique aux fournisseurs, puis reçu physiquement les candidats pour un oral d'explication, l'entreprise invite les sociétés sélectionnées à se connecter à une salle d'enchères virtuelles à une date et une heure précises où ils vont devoir surenchérir uniquement sur le prix de leur prestation. Le moins cher emportant la mise. Pour l'acheteur, l'intérêt est d'obtenir de meilleurs prix, de gagner du temps et d'élargir sa base fournisseurs. Ces derniers, de leur côté, accèdent ainsi à de nouveaux clients. Mais, au regard des fournisseurs, ce type de vente a ses inconvénients. Faute d'argumentation en face-à-face avec le client, ils ont souvent l'impression de ne pouvoir “vendre” leur produit ou service à sa juste valeur. « Ce mode d'achat sur Internet se répand. Malheureusement, c'est une pratique qui est très handicapante pour nous, assure Stéphane Bouillet, consultant manager chez Cap Gemini Consulting. Nous ne vendons pas de matériel, mais du conseil à forte valeur ajoutée, ce qui est difficilement jugeable sur le seul registre du prix. »
Gestion électronique des achats
Allant un peu plus loin que la “simple” recherche de fournisseurs, un autre modèle économique est de plus en plus utilisé : l'e-procurement, ou la gestion électronique des achats. Auparavant cantonné aux achats dits “de gommes et de crayons”, l'e-procurement s'est élargi aux “achats de production” et devient aujourd'hui une véritable alternative pour optimiser la gestion de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise. « Dans l'automobile, l'aéronautique ou encore les télécommunications, secteurs dans lesquels les achats pèsent une lourde part du prix final du produit, les grands acteurs ont déjà mis en place de tels portails fournisseurs pour automatiser le traitement des flux et ainsi gagner en productivité et en qualité », explique Saad Bennani, consultant pour Madras Digital, un cabinet de conseil en management d'entreprise. DHL France a ainsi mis en place, début octobre 2005, GeT (pour Global E-procurement Tool), une solution capable de gérer l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, de la demande d'achat au paiement. Désormais, matériels et prestations informatiques, véhicules, matériels industriels… sont commandés électroniquement auprès de 1 600 fournisseurs. En 2005, les achats du transporteur ont représenté 240 millions d'euros (hors sous-traitance transports). 85 % de ce montant devrait, à terme, être commandé via la plate-forme d'eprocurement. « GeT nous permet d'avoir une procédure d'approvisionnement unique pour l'ensemble des trois entités du groupe : DHL Express, DHL Solutions, DHL Danzas, souligne Martial Valente, directeur des achats DHL France et coordinateur du projet. Les achats étant désormais centralisés, nous avons un volume beaucoup plus important, ce qui nous permet de négocier de meilleurs prix. Au final, nous comptons réaliser environ 3 % d'économies, mais cela peut aller jusqu'à 10 %, voire 15 % dans certaines gammes de produits. » Tous les secteurs ne sont pourtant pas prêts à passer le pas de ce modèle commercial. Certains pour des raisons de réglementations. C'est le cas de Fenwick Linde, spécialisé dans la fabrication et la vente de chariots élévateurs : « L'un de nos clients pétroliers a récemment souhaité ouvrir une plateforme d'e-procurement avec nous. C'est tentant, mais quasi impossible dans notre univers, assure Christian Sauzin, directeur marketing de Fenwick Linde. Lors d'une vente, notre responsabilité est engagée et nous devons valider l'adéquation du matériel avec les lieux, d'où la nécessité d'avoir des commerciaux sur le terrain. » Pour autant, ces échanges interentreprises, même s'ils génèrent de forts flux financiers et concernent des produits à valeur ajoutée, ne peuvent être assimilés à l'e-commerce tel qu'il se pratique entre un site Web marchand d'une entreprise et une société cliente. « L'eprocurement, souligne Gérard Dahan (Ariba), n'est que la mise en conformité des contrats d'approvisionnement élaborés très en amont. » Pour Jean-Michel Yolin, chef de la mission “Internet et entreprise” au ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (Minefi) et auteur du rapport “Internet et entreprises : mirages et opportunités”, il faut distinguer deux cas de figure d'ecommerce en B to B, qui répondent à des logiques distinctes. « D'un côté, il y a l'ensemble des échanges qui portent sur des produits ou services stratégiques. » La réponse apportée à ce jour à ce type de vente est la place de marché. « De l'autre, il y a l'univers des ventes au coup par coup portant sur des produits plus simples. Nous sommes, dans ce cas de figure, très proches de l'univers B to C, où clients et fournisseurs se rencontrent à leur guise. L'entreprise s'inspire alors d'une logique de catalogue pour la mise en vente de produits ou de services sur Internet. » Selon la Fevad, le chiffre d'affaires de ces sites B to B tournés vers une approche catalogue aurait connu une augmentation de 41 % pour l'année 2005. Une croissance que constate également la société Doyousoft, qui conçoit des solutions de création de sites Internet : « Certes, les sites en B to B ne correspondent qu'à 10 % de nos clients, mais leur nombre a doublé entre 2004 et 2005 », confie Stéphane Escoffier, cofondateur et directeur marketing de Doyousoft. MsDiffusion, qui vend à distance du matériel pour les professionnels du bâtiment, a intégré Internet dans sa stratégie de vente à distance à côté du catalogue et d'un call-center. Ce média offre la possibilité aux clients d'acheter à n'importe quel moment de la journée et de la semaine. Une aubaine pour les patrons de PME dont l'emploi du temps surchargé ne correspond pas toujours aux visites des commerciaux ou aux appels des télévendeurs. « Nous n'avons aucune difficulté à vendre une bétonnière ou un lot d'échafaudages de 100 m² sur le Web, confie Christine Salasc, directrice générale de la société. D'ailleurs, le panier moyen de nos ventes sur Internet (autour des 1 000 euros) est identique à ce que peuvent faire des télévendeurs lorsqu'ils démarchent des clients par téléphone. »
Vendre des services sur le Web ?
Mais la vente de services sur Internet peut s'avérer un peu plus compliquée. Maileva, opérateur de solutions d'externalisation du document et du courrier via Internet, fait depuis peu ses premiers pas dans l'e-commerce. Si la filiale du groupe La Poste propose l'ensemble de son offre sur le Web, il n'était jusqu'à très récemment pas possible de l'acquérir de façon autonome. Un contact commercial était nécessaire. Depuis fin janvier, un internaute peut désormais télécharger le contrat sur le site, le remplir et le retourner par La Poste une fois signé. « Désormais, le client, s'il le souhaite, peut tout à fait passer commande en direct sans l'intervention d'un de nos commerciaux ou d'un conseiller téléphonique » souligne Isabelle Torres, chargée de la communication de Maileva. Le renvoi par courrier du contrat est nécessaire, car Maileva ne propose pas encore le système de signature électronique, qui garantit l'authenticité du commanditaire. Autre cas d'école avec Europ Assistance, qui vend, depuis 2003, ses contrats d'assurance sur le Web. À côté d'une offre étendue en B to C, les contrats B to B y trouvent, eux aussi, leur place. « Non seulement les contrats mis en vente sur nos sites connaissent un fort succès, mais, surtout, nous n'avions jamais imaginé que les sociétés allaient payer en ligne ! », commente Cyril Chedhomme, responsable marketing e-business du groupe. Reste que la part du chiffre d'affaires réalisée par Europ Assistance sur le Net est faible. Très faible même, puisqu'elle ne correspond qu'à 1 % du chiffre d'affaires total, soit 500 000 euros, dont à peu près 25 % réalisés en B to B. Cyril Chedhomme l'admet lui-même : « Internet trouve ses limites dès que le produit devient plus complexe à vendre. Proposer une assurance pour les 9 000 expatriés du groupe Bouygues nécessite forcément une tarification spéciale que le Web ne peut pas faire, même avec un moteur automatique de calcul. Dans ce cas précis, le commercial va accomplir un travail d'audit et de conseil impossible à mener depuis Internet », précise-t-il. Un constat que dresse également Xavier Bouvier, enseignant en nouvelles technologies et e-commerce à l'Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec) et fondateur de deux sites marchands, www.france-gourmet.com et www. homme-avenue.com : « L'e-commerce en B to B a indéniablement un très bel avenir, mais l'une des difficultés réside dans la négociation du prix, des quantités, etc. » Si les initiatives existent, force est de constater que les résistances sont encore multiples dans l'Hexagone. Selon une étude du cabinet GMV Conseil, en 2004, les entreprises françaises ayant réalisé plus de 5 % de leurs achats sur Internet n'étaient que 14 %, contre 27 % en Allemagne. « Pour des raisons culturelles, nous avons pris un net retard par rapport aux pays du Nord de l'Europe, et je crains que nous ne le comblions pas de sitôt », observe Jean-Michel Yolin (Minefi). Les sociétés redoutent, en outre, de modifier leur modèle économique et de se mettre en porte-à-faux par rapport à leur réseau de revendeurs, voire leur propre force de vente. Cette dernière peut craindre de ne plus être en mesure de vendre autant de produits et de services associés, si souvent générateurs de marges confortables. Certaines entreprises ont trouvé la parade à ces freins en sélectionnant leurs produits proposés sur le Web. Ainsi, le spécialiste des chariots élévateurs Still s'essaie au commerce électronique en vendant sur Internet des transpalettes de 700 à 3 000 euros ou encore des préparateurs de commande d'environ 20 000 euros. Reste qu'à ce prix, il s'agit exclusivement de matériel d'occasion. « Nous ne souhaitons pas vendre du neuf sur le site car cela ne correspond pas à notre façon de faire. Nous sommes presque autant prescripteurs de services que vendeurs de matériel. À ce titre, il nous est indispensable de rencontrer les clients afin e leur proposer un matériel correspondant exactement à leurs besoins, notamment en effectuant un audit chez lui », précise Stéphane Boutron, responsable de la promotion des ventes chez Still France. Et de préciser : « Ceux qui achètent sans l'aide de commerciaux des chariots d'occasion sur le Net doivent absolument connaître le produit, sans quoi ils ne peuvent raisonnablement se lancer dans ce type d'achat ! » L'ecommerce en B to B n'est finalement pas loin de coller à cette maxime d'Henry Ford : « Mes clients sont libres de choisir la couleur de leur voiture, à condition qu'ils la veuillent noire ! », tant il est difficile de faire du sur-mesure sur Internet. « Je crois que l'avenir de l'e-commerce doit passer par le multicanal, répond Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. Le Web ne remplacera pas les commerciaux. Les entreprises vont devoir trouver la combinaison entre le contact en face-à-face avec un commercial, le centre d'appels et Internet. » Ainsi, si Maileva propose le téléchargement afin d'offrir davantage d'autonomie à ses clients, pas question pour la société de cesser d'être proche de ceux-ci. Dès la réception du contrat, un téléconseiller prend contact avec le client. « Les commerciaux de La Poste et du centre de contacts sont plus que jamais indispensables. La majorité de nos clients ne sont pas prêts pour acheter seuls via notre site Internet », commente Isabelle Torres. Et Marc Lolivier de conclure : « L'e-commerce en B to B a un potentiel de progrès énorme, c'est sûr, mais le commercial doit continuer d'amener le conseil “souriant” auquel le client est sensible et qu'Internet ne sait pas apporter ! »
La signature électronique : pour une garantie de confiance
Que vaut un bon de commande non signé ? L'interlocuteur qui passe commande en ligne est-il digne de confiance ? Une quinzaine de prestataires, pour la plupart des organismes bancaires (BNP, Société Générale, LCL, Bred, etc.), jouent le rôle de “tiers de confiance” dans le cadre des échanges dématérialisés, en mettant à disposition des certificats électroniques. C'est aussi le cas de ChamberSign, association créée par les Chambres de commerce, qui délivre ce certificat moyennant une série de document (Kbis, carte d'identité, statut de l'entreprise, numéro Siren, contrôle d'identité en face-à-face, etc.). Celui qui reçoit un document auquel est attaché le certificat électronique en a connaissance grâce à une icône indiquant que le dossier est signé et que la signature est validée et approuvée*. Pour en savoir plus, le destinataire est invité à aller sur le site qui apporte sa caution. « L'e-commerçant est alors certain de l'identité de l'interlocuteur et de celle de l'entreprise, explique Olivier Demilly, délégué adjoint général de ChamberSign. Il est également assuré que la pièce jointe, le bon de commande par exemple, n'a pas été modifiée pendant son trajet sur le Net. Le document revêt alors une valeur juridique, ce qui n'est pas le cas d'un simple bon de commande. » Olivier Demilly reconnaît toutefois une limite à ce procédé : « Il est délicat d'exiger une telle garantie lors du premier échange commercial avec un client… » * Ce service est attaché à une personne et facturé 80 euros HT par an.
3 questions à Jean-Christophe Defline
Directeur associé du cabinet de conseil en stratégie Copilote Partners, auteur du livre blanc sur l'e-commerce en B to B réalisé pour le compte de la Fédération des entreprises de vente à distance (Fevad) et publié fin février L'e-commerce en B to B : un bilan en demi-teinte
Vous venez de mettre la touche finale au livre blanc de l'e-commerce en B to B pour le compte de la Fevad. Quel bilan dressez-vous de ce mode de commercialisation en France ?
Jean-Christophe Defline : La situation est assez contrastée en fonction des secteurs d'activité et de la typologie des entreprises. Parmi les domaines précurseurs, on a identifié l'équipement informatique, qui bénéficie d'une cible particulièrement “technophile”. Le secteur du voyage d'affaires en ligne est également tonique, suivi de près par l'équipement de bureau et le recrutement. Tous secteurs confondus, nous avons estimé ce marché, dans l'Hexagone, entre 6 et 8 milliards d'euros (échanges de produits non stratégiques). Ce qui nous place largement derrière la Grande-Bretagne et l'Allemagne, mais juste devant l'Espagne.
Quels freins avez-vous identifiés ?
J.-C. D. : Les freins les plus importants sont d'ordre psychologique : au fil de nos investigations auprès des acheteurs, vendeurs et autres protagonistes de l'e-commerce en B to B, nous avons constaté un conservatisme de certaines directions des achats qui nous ont dit, par exemple : “Internet n'est pas encore mature !” Nous avons également observé l'attachement de certains aux canaux traditionnels. D'autres sociétés mesurent assez mal les bénéfices qu'elles pourraient tirer de l'e-commerce, notamment dans la phase de recherche des prestataires. Et puis il y a des freins structurels : les grandes entreprises sont actuellement accaparées par la recherche de gains de productivité, ce qui ralentit un peu leur avancée dans la refonte des processus d'achat. Enfin, si nous n'avons pas identifié de freins par rapport aux produits à forte valeur ajoutée, on constate, en revanche, que plus la vente d'un produit est associée à un nombre important de services, plus l'intervention humaine est inéluctable…
Au regard de vos recherches et de vos observations, quelles sont, en substance, vos recommandations ?
J.-C. D. : Il faut favoriser le développement des cartes d'achat et des cartes bancaires d'entreprise, de façon à simplifier les process liés à l'e-commerce. Il y a deux fois plus de cartes bancaires d'entreprise en Grande-Bretagne qu'en France. Nous les considérons encore comme un élément statutaire alors qu'outre-Manche, elles sont perçues comme un outil de travail ! Les acteurs de l'e-commerce doivent également faire un effort concernant la conception de leur site, et notamment sur la navigation et la gestion de leur catalogue. Enfin, à l'image de ce qu'ont fait les pouvoirs publics britanniques, le secteur public français a un vrai rôle d'exemplarité à jouer.
Thomas Guiltat, responsable du service informatique de l'association Solidarité et Jalons pour le Travail « Acheter sur Internet réduit les délais de livraison »
L'association SJT, qui compte 180 salariés et dont l'objectif est l'insertion sociale et professionnelle de personnes en difficultés, a dû procéder en 2005 au remplacement d'une partie de son parc informatique, ainsi qu'à l'ouverture d'un nouveau centre de formation. « Face à des délais très courts, nous avons opté pour Internet, car la procédure d'achat et de livraison est plus rapide : une semaine au lieu de trois », précise Thomas Guiltat, responsable du service informatique de SJT. Ainsi, quinze ordinateurs portables, une soixantaine de PC fixes, dix fax, dix imprimantes d'appoint, plusieurs bornes Wi-Fi et une vingtaine de serveurs ont été achetés en direct sur le site professionnel Wstore.com, pour un montant de près de 80 000 euros ! À ce prix-là, pas question de payer le tarif affiché. SJT a donc un commercial attitré au sein de la boutique en ligne afin de négocier des rabais. Toutefois, si Thomas Guiltat est convaincu du bien-fondé de l'e-commerce, il ne souhaite pas étendre ses achats aux photocopieurs. « Nous connaissons moins bien cette gamme et, surtout, ces appareils sont commercialisés avec un ensemble d'options et de services qui ne sont pas toujours disponibles sur Internet. »
Jacques Bouchareissas, directeur commercial de Fabrègue Duo « L'e-commerce ne concurrence en rien les commerciaux ! »
Les commerciaux de Fabrègue Duo, société spécialisée dans les imprimés et les fournitures de bureau, n'ont pas la possibilité de visiter l'ensemble de leurs clients aussi souvent qu'ils le souhaiteraient. « Il a bien fallu trouver une solution pour que le prospect puisse acheter en dehors du passage du commercial », observe Jacques Bouchareissas. Internet est donc apparu très vite comme l'une des solutions, à côté du téléphone et du fax. Un site marchand (www.fabregueduoweb.fr) a donc été ouvert. « Le commercial est aujourd'hui très orienté conseil et son image de simple prescripteur de commande n'est plus tout à fait vraie, analyse le directeur commercial. Les vendeurs ont très bien compris que le Web pouvait assurer la prise de commande à leur place, mais qu'en revanche l'aspect humain restait essentiel pour apporter du conseil et consolider toute relation commerciale avec un client. » Afin que leurs commissions ne soient pas amoindries, les commerciaux sont aussi rétribués sur les ventes réalisées via Internet. De fait, ils n'hésitent pas à inciter leurs clients à utiliser ce média.
Arnaud Muller, directeur marketing France de GE Fleet Services, spécialiste de la location de véhicule longue durée
« Nous tentons une expérience 100 % Web, sans aucun commercial »Depuis un peu plus d'un an, GE Fleet Services mène une expérience d'e-commerce B to B au Benelux : les clients peuvent traiter leur commande de A à Z via Internet. Une expérience 100 % Net et sans commercial ! L'accompagnement prévu par GE Fleet Services se réduit à une “hot-line” par mail. « Toutes les filiales européennes suivent les résultats de très près, explique Arnaud Muller. L'un des responsables du projet m'a récemment confié que les clients accrochaient très bien. Les contrats conclus sur le Web sont plus modestes que ce que l'on observe en France (cinq véhicules au lieu de dix à douze en moyenne). Mais c'est très honorable ! » Il faut dire que le Benelux constitue un laboratoire expérimental idéal : la maturité face à Internet et à la location longue durée (LLD) y est particulièrement forte. Sur le Web, GE Fleet Services a adopté une stratégie bien particulière. « Les clients ne bénéficient pas de tout le conseil que nous apportons en face-à-face, mais, en contrepartie, ils profitent de tarifs privilégiés. » Pour le moment, la direction française n'a pas décidé si elle adoptera le modèle : « Nous ne franchirons pas le pas en 2006 ; ça serait trop tôt et nous ne sommes pas prêts, pas plus que le marché. Mais peut-être en 2007… », lâche Arnaud Muller.
Hubert Bro, directeur marketing de Canon Business Solutions « Pour nous, l'e-commerce n'est pas envisageable, ni à court ni à moyen terme ! »
Canon Business Solutions commercialise des “offres à valeur ajoutée” auprès des entreprises. « Il s'agit de solutions globales d'impression complexes qui sont composées de matériels, de logiciels et de services associés », explique Hubert Bro, directeur marketing. De plus, les offres de Canon comprennent, dans huit cas sur dix, une possibilité de financement. « Cela suppose une première phase de découverte de l'environnement des clients, à partir duquel nous pouvons proposer l'offre adéquate, poursuit Hubert Bro. Autant dire que, pour nous, l'e-commerce n'est pas envisageable, ni à court ni à moyen terme. Nous proposons de très nombreuses offres. Tout cela nécessite des explications de la part d'un professionnel. L'interface humaine est prépondérante ! » Sans compter que les représentants de Canon Business Solutions traitent, chez le client, avec deux ou trois interlocuteurs au minimum : les directions informatique, des achats, générale, financière, etc. « Chacun d'eux a ses exigences et ses attentes… Tout cela est peu compatible avec l'e-commerce ! »