British American Tobacco recrute sur un circuit de kart
Pour avoir une vision claire des qualités humaines de candidats à un poste de délégué commercial, le fabricant a convoqué 45 jeunes diplômés à une journée de recrutement axée sur le karting.
Je m'abonneMercredi 19 novembre
8:45
Accueil matinal au Kart'in d'Aubervilliers
Pour sortir des discours formatés récités par les candidats lors des entretiens de recrutement, la direction de British American Tobacco (BAT) a décidé d'innover. Et de convoquer les jeunes postulant à un poste de délégué commercial à une compétition de karting. Une manière de découvrir leur vraie nature pour être certain de recruter ceux dont l'état d'esprit correspond à la société. 45 candidats se sont ainsi retrouvés, le 19 novembre dernier au petit matin, devant le circuit Kart'in d'Aubervilliers, aux portes de Paris. Sur place, une douzaine de représentants du fabricant de cigarettes et du cabinet CCLD Recrutement, qui orchestre l'opération, les accueillent. Ces candidats présélectionnés dans toute la France ont répondu, il y a quelques semaines, à une annonce diffusée par le cabinet sur des sites d'emploi (Monster, Cadremploi...) et sur les réseaux sociaux d'Internet. Tous se retrouvent ce matin autour d'un café et de viennoiseries, dans une salle qui surplombe le circuit de karting. Le choix pour le moins original de cette «journée kart et recrutement» est au centre des discussions des candidats, qui se demandent surtout sur quels critères ils vont être jaugés... Jeunes pour la majorité, certains ont opté pour le classique costume-cravate, alors que d'autres ont osé le jean-baskets, sans doute encouragés par la thématique sportive...
9:15
Premier briefing technique
Rassemblés dans la salle de réunion, les candidats sont accueillis par Cyril Capel, directeur associé de CCLD Recrutement, qui les félicite. Car s'ils sont là aujourd'hui, c'est qu'ils ont été sélectionnés - sur leur CV puis lors d'un entretien téléphonique - parmi 3 000 candidats. Cyril Capel leur décrit les différentes étapes de cette journée ludique de recrutement, indiquant, pour chaque temps fort, les leviers d'évaluation qui seront mis en avant. «Lors d'un recrutement classique, on voit un candidat une heure ou deux. Là, on peut les observer pendant huit ou neuf heures et disséquer plus profondément leur comportement et leur manière d'être. C'est la vraie richesse d'une telle opération», explique le représentant de CCLD. Après un briefing technique portant sur les conditions de sécurité sur la piste, les candidats sont invités à tomber cravates et vestes pour enfiler casques et combinaisons. A tour de rôle, ils s'élancent sur l'asphalte. Dix minutes d'essais durant lesquelles ils prennent en main les bolides et s'habituent aux contours du circuit. Grâce aux temps réalisés, les membres de Kart'in constituent des équipes homogènes. 10 h 30, fin des essais. «McLaren», «Renault», «Ferrari», «Williams», «BMW»... Les 45 candidats sont répartis en neuf équipes de cinq pilotes chacune.
10:45
Une réunion de préparation pour révéler les personnalités
Chaque équipe prend place autour d'une table à laquelle est assis un représentant de CCLD ou de British American Tobacco. Les candidats ont une demi-heure pour établir entre eux leur stratégie de course. Ils doivent tenir compte, pour cela, des temps de chacun et des règles fixées par l'organisateur (un passage et sept tours de piste minimum pour chacun, etc.). L'observateur note chacun de un à cinq sur sept critères comportementaux, tels que le leadership, la capacité à se remettre en question, la capacité d'analyse, d'écoute... «Durant cet exercice, ils apparaissent sous leur vrai jour car ils ne se sont pas préparés à cette situation, assure Cyril Capel. Certains candidats, qui sont devenus des «professionnels des entretiens de recrutement», sont obligés de remiser leur discours super cadré.» Lors de cette réunion, les observateurs peuvent déterminer ceux qui rationalisent, ceux qui prennent l'ascendant sur le groupe, ceux qui montrent des signes d'impatience, ceux qui ont du mal à s'intégrer... Progressivement, les débats s'animent, les personnalités se dévoilent.
11:30
Durant la course, un rapide entretien de simulation
Tous en piste! Sous les sifflets, les applaudissements et les encouragements, le top départ de la compétition de kart est donné. Les neuf équipes s'affrontent durant une heure. Une ronde incessante de bolides, qui sera ponctuée par 45 face-à-face de cinq minutes. En effet, alors que la course bat son plein, les candidats sont à tour de rôle appelés dans une salle pour un nouvel exercice. Chacun tire au sort une mise en situation imaginaire, pas forcément professionnelle. Pierre doit ainsi justifier sa passion pour la taxidermie, Chloé convaincre une habitante de l'intérêt pour elle du futur stade qui sera construit au pied de sa maison, et Vincent annoncer à son boss qu'il a perdu son plus gros client. Les recruteurs notent la gestion du stress, la confiance en soi, la réflexion, la créativité ou encore la capacité de remise en question des candidats. «Cet exercice est d'autant plus intéressant qu'il les place tous sur un pied d'égalité: ils portent la même combinaison de kart», souligne Lionel Deshors, directeur associé de CCLD Recrutement. Pendant ce temps, des observateurs du cabinet et de British American Tobacco, grille d'évaluation en main, arpentent les abords de la piste. Ils notent le «savoir être» des candidats pendant la course: envie de gagner, capacité à entraîner les autres, à s'imposer, à ne pas douter...
12:45
Remise des prix aux meilleures équipes
La course terminée, les animateurs de Kart'in invitent les pilotes à rejoindre la scène pour la remise des trophées. Les pilotes montent sur le podium dans une ambiance décontractée et festive. Mais le classement n'augure en rien des résultats du recrutement. «La course n'est intéressante que parce qu'elle permet d'observer les comportements», insiste Cyril Capel. Aux équipes de CCLD, à celle des ressources humaines et aux quatre managers commerciaux de BAT, se joint alors le directeur commercial de l'entreprise.
«Nous recrutons chaque année une cinquantaine de délégués commerciaux, rappelle Denis Reynaud, qui anime un peu plus de 200 personnes au sein du service commercial de la société. Cet événement présente plusieurs atouts: il nous permet d'abord d'exister sur le marché de l'emploi à côté des mastodontes de la distribution, qui focalisent souvent l'attention des candidats. Ensuite, l'aspect innovant de la formule force les candidats à sortir de leur zone de confort; au fil de la journée, nous entrevoyons déjà la façon dont nous devrons intégrer et accompagner chacun d'entre eux.» Pour British American Tobacco, c'est la deuxième session de recrutement de ce type. La première a eu lieu début 2008. Elle a permis d'embaucher 10 délégués commerciaux, qui donnent aujourd'hui entière satisfaction au patron de la force de vente. «Nous n'avons rencontré aucun départ à ce jour parmi ces dix-là, ce qui est rare, observe Denis Reynaud. Et, de l'avis de tous, leur intégration a été facilitée. Il y a entre eux un état d'esprit de <(promo«et d'entraide qui s'est créé tout au long de cette journée de recrutement un peu spéciale.»
13:15
Les évaluations continuent pendant le déjeuner
Les organisateurs se réunissent dans une salle pour commencer à compiler les informations collectées au cours de la matinée sur chacun des candidats. A ce stade, les recruteurs de British American Tobacco n'ont pas encore eu accès aux CV des candidats. Les échanges portent donc sur les seules informations recueillies au cours de la matinée, lors de la définition de la stratégie des équipes, sur le bord de la piste et pendant l'entretien de simulation. «Certains profils émergent...» , constate Cyril Capel (CCLD Recrutement). Pendant ce temps, les pilotes passent à table. Des «régional managers» de BAT déjeunent avec les candidats de leur région susceptibles d'intégrer leur équipe. Pour les postulants, ce déjeuner est l'occasion d'en savoir plus sur British American Tobacco, son organisation commerciale, son mode d'intégration... Les candidats doivent montrer au représentant leur capacité à poser des questions pertinentes, à s'intéresser à l'entreprise. Ce déjeuner, aussi informel soit-il, donne également l'occasion d'affiner le portrait de chaque candidat.
14:45
Pour certains candidats, l'aventure s'arrête là...
Seuls les meilleurs auront le droit de rester l'après-midi. Les membres de l'organisation établissent la liste des candidats sélectionnés pour rencontrer en face-à-face un recruteur. British American Tobacco souhaite pourvoir une quinzaine de postes. A 15h30, 17 candidats sont appelés. Ils rejoignent la salle de réunion où on leur apprend que leur candidature n'a pas été retenue. Il en reste 28. Les postulants passent à tour de rôle devant les consultants du cabinet et les représentants de BAT. Ces derniers prennent enfin connaissance des CV. Le face-à-face d'une demi-heure offre aux recruteurs l'occasion de valider certains points du CV ainsi que des aspects comportementaux qui ont émergé au cours de la matinée. «Cette journée permet aussi aux régional managers d'affiner leurs méthodes de recrutement au contact des collaborateurs du service RH présents et des consultants de CCLD», relève Anne Vernier, directrice des ressources humaines de BAT.
18:00
Au final, 17 personnes intégreront BAT
A la fin de la journée, les organisateurs annoncent les résultats: 17 candidats sont retenus. Un très bon «millésime». Mais le recrutement ne sera validé qu'à l'issue d'une journée passée sur le terrain avec un délégué commercial en poste, programmée les jours suivant. Le bilan de la journée? «Il est bon, très bon même, estime Denis Reynaud, pour un coût qui, compte tenu du nombre de recrutements effectif, n'est pas exorbitant.» Sans compter les frais versés au cabinet de recrutement (15% du salaire brut annuel environ), l'organisation de cette journée revient à environ 65 000 euros, dont l'essentiel en dépenses de communication. Au final, British American Tobacco aura déboursé 7000 euros environ par délégué commercial recruté lors de cette opération, contre 4 500 en moyenne pour un recrutement plus classique. «Ce type d'opération a un coût, reconnaît Cyril Capel. Mais il offre de nombreux avantages: nous attirons des candidats d'un très bon niveau, et, sur la première session, BAT n'a déploré aucune rupture de période d'essai. Sans compter que cette opération donne de la visibilité à la marque sur le marché de l'emploi.» Et Cyril Capel de conclure: «C'est une formule vraiment intéressante à partir de dix recrutements.» Un avis partagé par la direction de British American Tobacco, qui envisage déjà une troisième édition en 2009...
Une demi-heure de face-à-face pour valider le CV et les comportements mis au jour lors de l'épreuve sportive.
British American Tobacco en bref
Avec 180 implantations mondiales, British American Tobacco est le numéro 2 du tabac, avec 17 % de parts de marché (données 2006). La société basée à Londres possède 300 marques fabriquées dans 66 usines de cigarettes et 4 usines de cigares, tabac à rouler et à pipe. Elle emploie 90 000 personnes, dont 350 en France. Elle a réalisé 11,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2007.
Denis Reynaud, directeur commercial BAT
«Cette formule nous permet de recruter de façon dynamique.»
Témoignage
Justine Delecluse, déléguée commerciale de BAT en Indre-et-Loire, recrutée lors de la première session du BAT Kart'in Tour au printemps 2008
«C'était un recrutement très transparent»
En avril 2008, British American Tobacco organisait la première session de son BAT Kart'in Tour. Justine Delecluse faisait partie des candidats réunis ce jour-là. Aujourd'hui, elle est déléguée commerciale pour la société à Tours. De cette journée un peu spéciale, elle garde un très bon souvenir. «C'est un recrutement très transparent analyse la jeune femme. J'ai eu le sentiment d'avoir à ma disposition plus d'éléments pour juger l'entreprise que lors d'un recrutement classique. Lors du déjeuner, par exemple, on pouvait très librement poser les questions sur l'entreprise et son mode de fonctionnement» De toute évidence, le format singulier de cette journée de recrutement n'a pas déplu à cette jeune commerciale. «En quittant le centre de kart je me suis dit: si je suis prise, ce sera pour ce que je suis réellement Parce que pendant une journée entière, on ne peut pas bluffer. On se montre tel que l'on est avec sa part d'émotions que l'on ne livre pas pendant un classique face-à-face.» Pari gagné donc pour l'entreprise qui souhaitait, par cet événement de recrutement, découvrir la vraie personnalité des candidats. Deux semaines seulement après cette journée, Justine Delecluse intégrait BAT. Aujourd'hui, elle est toujours en contact avec plus de la moitié des dix autres candidats recrutés.