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Clause de non-concurrence. Bientôt l’obligation de rémunérer ?

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Un mouvement, soutenu par des professeurs de droit et certaines cours d’appel, s’organise pour que la clause de non-concurrence soit systématiquement rémunérée.

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Par un arrêt du 23 janvier 2001, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a jeté un pavé dans la mare – pas spécialement très limpide – de la clause de non concurrence inscrite au contrat de travail, notamment celui des commerciaux. La cour d’appel a, en effet, débouté un employeur, accusé, par un ex-collaborateur, de ne pas lui avoir versé de compensation financière à une clause de non-concurrence. Motif invoqué : “Toute clause de non-concurrence constituant nécessairement une limitation du libre accès au travail doit comprendre, à peine d’inopposabilité, une contrepartie financière.” Un arrêt qui a fait couler beaucoup d’encre. L’argument développé n’est pas récent et s’inspire des travaux de divers auteurs. Qu’en est-il vraiment ? À ce jour, seules les clauses de non-concurrence résultant d’une convention collective (c’était le cas, dans l’affaire d’Aix-en-Provence) sont soumises à cette obligation de rémunération : si cette compensation n’est pas versée, le salarié démissionnaire cesse d’être soumis à la clause de non-concurrence ; à l’inverse, si un salarié contrevient à une clause qui lui a été versée, l’entreprise peut cesser tout versement et porter l’affaire devant le tribunal. Les autres employeurs, ceux qui inscrivent des clauses de non-concurrence résultant d’une simple disposition contractuelle (issue du contrat de travail) ou d’une convention ne faisant pas référence à une rémunération (cas rarissime), n’y sont, aujourd’hui, pas légalement contraints.

Atteinte à la liberté

C’est derrière cet état de fait, combattu par certains professeurs de droit, que s’est rangée la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Car si la clause de non-concurrence peut être considérée comme un engagement du salarié à ne pas faire, sous certaines conditions, concurrence à son ancien employeur, on peut aussi considérer, comme le précise Maître Bérenguer-Guillon, du cabinet Alain Bensoussan Avocats, que « la finalité de la clause de non-concurrence est de porter atteinte à la liberté individuelle de travail, dans un cadre autorisé par la jurisprudence, à condition de respecter certains critères ». Cette atteinte à la liberté est-elle, ou non, admissible ? À ce jour, elle est encore admise, mais personne ne peut dire pour combien de temps encore. Maître Lautier, avocat en droit social, estime que « compte tenu du risque et parce que la “règle du jeu” pourrait bien basculer en 2002, les entreprises ont tout intérêt à prévoir une rémunération ». D’autres conseillent seulement, à ce stade, de se renseigner sur ce que dit à ce sujet la convention collective à laquelle se réfère l’entreprise et de bâtir ses clauses de non-concurrence dans le cadre ainsi délimité.

Intérêt légitime

Au-delà de cet aspect rémunération, la clause de non-concurrence est soumise à d’autres critères de validité. Elle doit tout d’abord se justifier par la nature de la tâche à accomplir. « Le poste qui fait l’objet d’une telle disposition doit être stratégique pour l’entreprise : le collaborateur qui l’occupe doit disposer d’informations importantes ou être en possession de valeurs que l’entreprise doit protéger », rappelle Maître Bérenguer-Guillon. La disposition doit également protéger un “intérêt légitime”, précise Maître Dominique Chabas. Pour être valide, la clause de non concurrence doit, ensuite, délimiter avec précision les activités prohibées. S’il est question d’activités concurrentes, l’objet doit être suffisamment détaillé et spécifique. Par exemple, au lieu d’un vague “éditeur de logiciels”, il faudra préciser “éditeur de logiciels de gestion de paye”. Dans le cas du contrat de travail d’un commercial, l’entreprise qui cherche à protéger sa clientèle, et donc son chiffre d’affaires, interdira les activités concurrentes en précisant l’objet et/ou interdira toute relation avec la clientèle.

Modification substantielle

La clause doit, par ailleurs, être limitée dans le temps ou l’espace. Mais le périmètre géographique prohibé ne doit pas non plus contraindre le salarié à s’expatrier ! Si tel est le cas, la clause sera nulle. La durée de validité de la clause varie en général de six mois à cinq ans, la moyenne se situant autour de deux ans. Elle peut varier en fonction de l’ancienneté : être, par exemple, de six mois en dessous d’un an d’expérience, et passer à un an au-delà. Une durée qui varie notamment en fonction du secteur d’activité. Une clause de non-concurrence de deux ans dans le secteur de l’informatique et des nouvelles technologies aurait ainsi un caractère abusif, compte tenu de la rapidité à laquelle ce secteur évolue. La clause de non-concurrence peut être prévue au début du contrat de travail, ou bien introduite en cours de contrat. Ainsi, au moment d’une transaction telle qu’un licenciement donnant droit à des dommages et intérêts, l’entreprise peut en effet introduire, en contrepartie, une clause de non-concurrence. L’entreprise peut également, l’insérer à tout moment. Il s’agit dans ce cas d’une modification substantielle du contrat de travail, que le salarié peut refuser et qui peut donc entraîner un licenciement. Devant les prud’hommes, l’entreprise devra plaider la légitimité qu’elle avait à introduire cette clause. Reste qu’en cas de violation de la clause de non-concurrence par le salarié, l’ex-employeur peut lui aussi entreprendre une procédure en référé devant les prud’hommes vis-à-vis du salarié, mais également devant le tribunal de commerce, à l’attention, cette fois, du nouvel employeur.

Bon à savoir

Rémunération par anticipation Certaines entreprises, qui intègrent dans leur contrat de travail une clause de non-concurrence rémunérée, optent pour le paiement par anticipation et versent, chaque mois, une somme aux collaborateurs concernés. Une option qui se révèle efficace, en cas de remise en cause de la clause par le salarié, une fois la séparation effective. L’entreprise peut alors mettre en avant le paiement déjà effectué et donc le montant dû par le salarié s’il ne la respecte pas.

A retenir

_ Une clause de non-concurrence doit délimiter avec précision le secteur et les produits et être limitée dans le temps ou l’espace. _ L’entreprise doit rédiger sa clause de non-concurrence en s’inspirant, le cas échéant, de ce que dit à ce propos la convention collective à laquelle elle est rattachée. _ L’entreprise n’a d’obligation de rémunération que si la clause résulte d’une disposition conventionnelle qui prévoit justement une contrepartie financière. Mais la règle du jeu pourrait bientôt évoluer.

 
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Anne-Françoise Rabaud

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