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De l’énergie à prix réduit mais avec des services maxi

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Le petit Poweo face au géant EDF ; Charles Beigbeder espère séduire les entreprises, le 1er juillet, lorsqu’elles pourront choisir leur fournisseur d’électricité. Son arme : des tarifs plus bas.

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Action Commerciale – Comment définissez-vous l’activité de Poweo ?

Charles Beigbeder – Poweo est un fournisseur d’électricité, au même titre qu’EDF, qui vend de l’énergie à ses clients. Nous ne faisons pas de spéculation sur l’électricité, nous ne sommes donc pas courtiers. Nous achetons des blocs d’électricité en gros, auprès d’EDF ou bien à l’étranger. Nous nous les procurons au prix du marché, et c’est pourquoi nos coûts de revient sont comparables à ceux des autres acteurs. En revanche, nous parvenons à pratiquer des prix de revente inférieurs à ceux de nos concurrents parce que nos coûts fixes sont plus bas. Résultat : nos prix sont inférieurs de 5 à 10 % à ceux pratiqués par EDF.

Vous êtes, en quelque sorte, à l’électricité ce que les compagnies “low cost” sont au transport aérien ?

Absolument, Poweo est une compagnie “low cost” mais “high services” ! Contrairement à notre concurrent direct, EDF, notre offre ne se limite pas à la fourniture d’énergie ; nous offrons aussi toute une panoplie de services. Par exemple, nous proposons une facturation unique aux entreprises ayant plusieurs sites en France. C’est un service très simple, qui facilite la vie des clients, mais EDF ne le propose pas. Les clients multisites de l’opérateur historique ont autant de contrats et de factures que d’agences régionales, ce qui complique la gestion. Autre exemple : nous proposons à nos prospects un petit audit pour diminuer leur facture en fonction de leur mode de consommation. Nous pouvons, par exemple, leur proposer le changement d’ampoules électriques, un système de régulation de la climatisation ou du chauffage. Ce sont des services qu’EDF n’a jamais réellement mis en avant, parce que l’entreprise publique a longtemps été en situation de monopole et n’a pas eu à se battre pour conserver des parts de marché.

Quelle est votre cible ?

Nous l’avons segmentée en quatre catégories, afin de ne pas nous disperser au départ. Nous démarchons les collectivités locales (c’est-à-dire les petites et moyennes villes), mais aussi les commerçants et artisans, les grands comptes multisites et les PME. Nous avons déjà signé, dans ces différents segments, 300 précontrats qui entreront en vigueur le 1er juillet. Je précise, par ailleurs, que nous avons déjà une trentaine de clients, des grands comptes qui consomment beaucoup d’électricité et pour lesquels le marché est déréglementé depuis cinq ans. Ce sont, par exemple, des hypermarchés Carrefour, un très grand groupe bancaire ou bien encore Alcoa, le leader mondial de l’aluminium. C’est le seul segment de clientèle pour lequel EDF a déjà dû faire face à la concurrence.

EDF ne reste pas inerte, et annonce déjà des offres concurrentes aux vôtres. Comment appréhendez-vous cette riposte de l’opérateur national ?

Bien sûr, EDF nous copie, notamment pour ce qui concerne l’“énergie verte”. Nous proposons aux entreprises qui souhaitent participer à la réduction des gaz à effet de serre de souscrire notre offre “Option Planète”, qui leur permet d’acheter de l’électricité produite par des centres hydrauliques ou des éoliennes, moyennant un léger surcoût. Le fait qu’EDF ait commercialisé une offre concurrente d’Option Planète ne nous fait pas peur. D’abord parce que nos prix sont inférieurs. Et aussi, parce que nous avons d’autres offres innovantes en réserve, qu’il m’est encore impossible de détailler et que nous lancerons à la dernière minute. Mais notre principal avantage est, avant tout, notre réactivité. Poweo a été fondé et est géré par des entrepreneurs, ce qui nous donne un esprit d’entreprise réactif, souple et adaptable très éloigné de celui d’EDF !

Quel mode d’approche client avez-vous choisi ?

Nous disposons d’une équipe de 25 commerciaux répartis au sein de sept agences régionales implantées à Paris, Strasbourg, Lille, Lyon, Marseille, Nantes et Toulouse. La mission de ces équipes est de prospecter les collectivités locales et les PME ayant les plus forts potentiels de consommation d’électricité. Nous avons lancé des campagnes de mailings papier, qui seront suivis de relances téléphoniques pour prendre des rendez-vous.

Comment persuadez-vous les entreprises de changer de fournisseur d’électricité ?

Il est facile, pour notre force de vente, d’obtenir des rendez-vous, car notre activité suscite une grande curiosité. Les entreprises ont envie d’être informées, de nous connaître. Le challenger d’une entreprise publique est d’emblée perçu d’un très bon œil par les patrons de PME, les commerçants ou les artisans. Pour nombre d’entre eux, EDF est le symbole d’une France bureaucratique et “fonctionnaire” ! Ils sont donc ravis de rencontrer un nouvel interlocuteur qui, comme eux, a l’esprit d’entreprise et se bat pour conquérir des parts de marché. Cela dit, une fois que le commercial est en rendez-vous, il doit argumenter, parce que nous évoluons dans un secteur industriel où il est difficile de changer les habitudes. Il faut donc expliquer que Poweo fournit la même électricité qu’EDF, mais que seuls le prix et le service changent.

Vingt-cinq commerciaux ne suffisent pas à prospecter les 3 millions d’entreprises, d’artisans, de commerçants et de professions libérales qu’abrite l’Hexagone. Comment touchez-vous cette multitude de PME ?

Dans chaque agence régionale, nous avons des gestionnaires de ventes indirectes. Ils sont chargés de recruter et de former des commerciaux non salariés. Ce peuvent être des VRP bien implantés dans une région, mais aussi des entreprises qui vendent des produits et services en B to B sur un territoire donné. Ces sociétés nous font bénéficier de leur force de vente, que nous formons à notre offre et que nous rémunérons en fonction des affaires signées. Au total, cette force de vente indirecte représente aujourd’hui un millier de personnes dans l’Hexagone, qui démarchent essentiellement les petites entreprises, les artisans et les commerçants. Nous bénéficions ainsi d’équipes connues dans leur région, ce qui nous permet de disposer d’une force de frappe commerciale que nous n’aurions évidemment pas pu nous offrir si nous avions dû en supporter les charges salariales.

Vous essayez, par ailleurs, de nouer des partenariats nationaux. Comment fonctionnent-ils ?

Nous avons, par exemple, conclu un accord avec Metro Cash & Carry, le libre-service de produits professionnels. Nous avons formé leurs commerciaux travaillant dans les entrepôts afin qu’ils puissent expliquer et vendre nos offres à leurs clients. Nous avons également mis en place des PLV dans leurs magasins et conçu une offre couplée. Ainsi, les clients de Metro qui souscrivent un abonnement d’un an chez Poweo bénéficient automatiquement de la carte de fidélité Metro, leur donnant droit à un certain nombre d’avantages. Grâce à Metro, nous approchons prioritairement les hôteliers et restaurateurs. Nous allons essayer de multiplier les partenariats de ce type, car ils sont intéressants pour cibler certaines catégories de prospects.

Vous réalisez un travail de détection par téléphone. Quel mode d’organisation avez-vous mis en place pour ce faire ?

Nous travaillons avec des centres d’appels externes, ce qui nous permet de dimensionner notre équipe de téléprospecteurs en fonction de nos besoins. Ces commerciaux sédentaires sont chargés de détecter des leads en menant des campagnes d’appels sur des fichiers verticaux, par exemple les boulangers ou les artisans. Ils ont également pour mission de prendre des rendez-vous pour nos forces de vente terrain et, dans certains cas, de vendre directement des contrats.

Quelles sont, aujourd’hui, vos prévisions de vente à court et moyen termes ?

Nous pensons séduire 12 000 clients d’ici à la fin de l’année 2004 et 60 000 au total à la fin de 2005. Cela peut paraître ambitieux mais en réalité, cela ne représente que 2 à 3 % du marché de l’électricité en France. Donc, nous espérons évidemment faire mieux. Mais en tout cas, notre objectif est de totaliser, en 2005, un volume d’affaires de 300 millions d’euros.

C’est un beau pari pour un nouvel entrant. Vous n’en êtes pas à votre coup d’essai, puisque vous êtes le fondateur de Self Trade, le premier courtier en Bourse sur Internet. En quoi cette expérience vous est-elle utile pour l’aventure Poweo ?

Avec Self Trade, nous nous sommes attaqués à un marché verrouillé par un cartel de banques. Celles-ci ne répercutaient pas les baisses de tarifs sur les transactions boursières, alors même que les technologies numériques le leur permettaient. Nous l’avons fait et c’est ce qui explique le succès de Self Trade. Avec Poweo, c’est un peu la même chose : nous entrons sur un marché verrouillé par un acteur qui, parce qu’il était en situation de quasi-monopole, ne s’est pas senti obligé de jouer sur les tarifs. Cette nouvelle aventure me rappelle donc l’époque où j’ai créé Self Trade. De cette expérience passée, j’ai retiré une chose essentielle : l’audace !

Une entreprise déjà cotée en Bourse

En 2003, année de son lancement effectif, Poweo a réalisé un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros avec une trentaine de clients. Comme pour Self Trade, l’autre société qu’il a créé, Charles Beigbeder a opté pour une entrée en Bourse rapide ; l’entreprise est déjà cotée au Marché Libre d’Euronext Paris. Ceci lui a permis d’augmenter son capital, qui atteint désormais 10,5 millions d’euros. Désormais, Poweo dispose, pour son développement, de fonds suffisants afin de renforcer sa position de challenger face à EDF.

Un entrepreneur visionnaire

Charles Beigbeder est, comme son frère l’écrivain à succès Frédéric Beigbeder, une personnalité atypique qui apprécie les paris risqués. Sorti de Centrale en 1988, il aurait pu poursuivre sa carrière toute tracée dans les banques d’affaires par lesquelles il est passé (Paribas, Crédit Suisse). Mais après huit ans dans le milieu de la finance, il décide de voler de ses propres ailes en créant son entreprise. Il lance alors Self Trade en 1997, ce qui est plutôt visionnaire à une époque où ni Internet ni la Bourse ne sont encore démocratisés. La pari est réussi : Self Trade devient rapidement le site français leader de la Bourse en ligne. Charles Beigbeder ne manque alors pas de flair, puisqu’il revend son entreprise en 2000, quelques mois avant l’explosion de la bulle Internet, lorsqu’elle est valorisée 137 millions d’euros. Un an plus tard, il lance le projet Poweo, en pressentant que la dérégulation du marché de l’électricité laisse de la place pour des concurrents d’EDF.

Ouverture le 1er juillet 2004

C’est à partir du 1er juillet prochain que toutes les entreprises seront libres de choisir leur fournisseur d’électricité. Jusqu’à présent, seules celles consommant beaucoup d’énergie (plus de 150 Giga Watts par heure) pouvaient faire jouer la concurrence. À partir de l’été prochain, les PME, les commerçants et artisans pourront également décider de souscrire des offres auprès d’autres fournisseurs que l’opérateur historique. Ce marché représente un potentiel de 3 millions de clients dans l’Hexagone.

EDF riposte à Poweo

EDF Entreprises et EDF Pro sont les deux nouvelles marques lancées par l’opérateur historique, pour renforcer sa position de leader sur le marché des professionnels. L’offre d’EDF Entreprises, destinée aux 180 000 PME-PMI et grands comptes de l’Hexagone, proposera des services similaires à ceux du challenger Poweo avec, par exemple, Option Équilibre, qui permettra de se fournir en électricité “verte”. Quant à EDF Pro, il s’agit d’une marque réservée aux artisans, commerçants et professions libérales. Les offres ne seront dévoilées que peu avant l’été. Selon EDF, il s’agit essentiellement de simplifier la vie des clients, notamment en leur offrant du conseil et des solutions adaptées à leur consommation.

 
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Frédéric Thibaud

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