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Débat. Pour ou contre la cooptation ?

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Embaucher grâce au concours des salariés de l’entreprise, tel est le principe de la cooptation. Un mode de recrutement efficace, à manier avec précaution.

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1- POUR

« Quoi de plus naturel, pour un manager amené à recruter un nouveau collaborateur, que de demander aux membres de son équipe si l’un d’entre eux connaît quelqu’un de compétent pour le poste à pourvoir ? », lance Yves Cahen, directeur général de la transition de carrière chez Right Garon Bonvalot. Le principe de la cooptation – à ne pas confondre avec le piston – est somme toute assez simple : lorsqu’un poste se crée ou se libère et qu’il ne peut faire l’objet d’une nomination en interne, les collaborateurs sont invités à recommander une ou plusieurs personnes de leur entourage (un ami, un compagnon de promo ou un ancien collègue) et à transmettre leur curriculum vitæ à la direction. Seule assurance pour le coopté, qui sera soumis au même processus de sélection que l’ensemble des candidats : l’obtention d’un premier entretien. Pour le coopteur : une dotation (chèque-cadeau, par exemple) ou une prime, qu’il touche – le plus souvent – à la signature du contrat avec le nouvel équipier. Quant à l’entreprise, elle a, a priori, tout à y gagner. Premier atout de la formule : elle est économique. « Une embauche “classique” – avec la diffusion de petites annonces dans la presse et le recours à un cabinet de recrutement – coûte entre 20 000 et 30 000 euros, avance Emmanuel de Prémont, associé du cabinet de conseil en ressources humaines Finaxim. Résultat : en période de restriction budgétaire, les entreprises se tournent volontiers vers la cooptation, qui leur permet de réduire les frais de recrutement de manière considérable. »

Des candidatures de qualité

Chez Xerox, constructeur de copieurs et d’imprimantes, la cooptation est encouragée depuis plus de quinze ans. La raison ? « Nous avons constaté que le taux de réussite des recrutements était multiplié par deux lorsque le candidat était coopté », explique Hervé Farret, responsable du recrutement chez Xerox France. Forte de ce constat, l’entreprise a donc mis en place, il y a cinq ans, un programme dédié à la cooptation, intitulé “Passe à ton voisin”. Sur les murs des concessions, des affiches invitent l’ensemble des collaborateurs à se faire chasseurs de têtes. Le slogan : “Ceux qui vous ressemblent nous réussissent”. « En effet, qui, mieux que l’un de nos salariés, peut identifier les profils capables de s’adapter ou non à la culture de l’entreprise, à son ambiance de travail et à ses codes ?, lance Hervé Farret. En outre, le coopteur se sent investit d’une mission d’accompagnement à l’égard de son “poulain”, qu’il guidera naturellement afin de faciliter son intégration. » Enfin, la cooptation incite l’entreprise à “s’ouvrir” aux candidatures atypiques. « L’entreprise reçoit ainsi des postulants qui n’auraient sans doute même pas franchi la porte du cabinet de recrutement, explique Pascal de Longeville, directeur associé du cabinet Eos Conseil. De fait, un quinquagénaire dont la candidature aurait sans doute été écartée au cours d’un processus classique de recrutement peut séduire l’entreprise et, finalement, être retenu.

2- CONTRE

“Économique”, “fiable”, “efficace”, la cooptation semble remporter tous les suffrages. Cependant, les experts émettent de fortes réserves quant à l’emploi exclusif de ce canal de recrutement. « La cooptation doit s’inscrire dans la politique générale de l’entreprise, au même titre que les leviers classiques », met en garde Emmanuel de Prémont, associé du cabinet de conseil en ressources humaines Finaxim. Sans quoi, l’entreprise se priverait des conseils d’un cabinet de recrutement et, par conséquent, de l’expertise de ses consultants. « Demander le concours des collaborateurs pour dénicher la perle rare est une chose, renchérit Pascal de Longeville, d’Eos Conseil. Encore faut-il, au préalable, avoir dimensionné précisément le poste à pourvoir et défini clairement les contours du profil à recruter. » « De la même façon, renoncer aux petites annonces, c’est se priver d’une diversité pourtant essentielle à l’efficacité des troupes », renchérit Yves Cahen, du cabinet Right Garon Bonvalot. Les experts vont même jusqu’à recommander aux entreprises de recruter un nombre limité de collaborateurs via la cooptation. « Si l’on n’y prend pas garde, il peut se créer, au sein de l’entreprise, des clans et des chapelles, prévient Emmanuel de Prémont (Finaxim). À trop recruter de profils similaires, on risque, sinon de tendre vers le clonage des salariés, du moins de faire naître des réseaux d’influence qui compliqueront la tâche des ressources humaines au moindre problème. »

Institutionnaliser la pratique

Enfin, dès lors qu’une incitation financière est associée à la cooptation, l’entreprise risque – paradoxalement – d’être submergée de CV moins bien ciblés. La solution ? « Professionnaliser la pratique !, lance le porte-parole de Finaxim. Il faut donner un cadre et des règles bien précises afin d’éviter toute dérive. » Ainsi, l’entreprise doit-elle accompagner la liste des postes à pourvoir diffusée auprès des collaborateurs des qualités requises, du profil recherché, etc. Chez PagesJaunes, filiale de Wanadoo, des annonces de “parrainage” sont ainsi diffusées au sein des agences. Et lorsqu’un collaborateur coopte une de ses connaissances, le candidat est soumis à un processus classique de recrutement. Karine Jérémie a ainsi rencontré le directeur des ressources humaines et le responsable d’agence avant d’être recrutée, en janvier 2003, en tant que télévendeuse prospects au sein de l’agence de Toulouse, où l’avait cooptée Karine Suné, télévendeuse “master”. Une autre bonne idée : mettre à profit l’intranet de la société pour officialiser la cooptation. Ainsi chez Xerox, une rubrique du site totalement dédiée à ce canal de recrutement est accessible dès la page d’accueil. Les salariés y trouvent les informations nécessaires et peuvent transmettre des CV en ligne.

Avis d’expert

Emmanuel de Prémont, associé du cabinet de conseil en ressources humaines Finaxim « Une manière de développer le sentiment d’appartenance à l’entreprise » « En impliquant les collaborateurs dans le choix des nouvelles recrues, on valorise les salariés et, donc, on les motive. En outre, dès lors qu’un collaborateur repère dans son entourage un candidat potentiel et décide de lui faire part du projet de recrutement de son entreprise, il doit ensuite parvenir à le convaincre de lui transmettre son CV, poursuit l’expert. Pour ce faire, il est amené à parler de sa société en des termes élogieux, ce qui développe son sentiment d’appartenance. »

Témoignage

Richard Folliot, directeur des ressources humaines de Complétel, opérateur de solutions télécoms « Un canal de recrutement fiable et efficace » Lorsque Complétel voit le jour, en juin 1998, la priorité est de trouver les hommes et les femmes qui pourront œuvrer à son développement. « La cooptation s’est imposée comme un moyen rapide et efficace », raconte Richard Folliot. Les deux premières années, 38 % des recrutements ont été réalisés grâce à la cooptation, les autres embauches étant confiées à un cabinet de recrutement. « La cooptation s’est révélée très fiable, à condition de passer l’ensemble des cooptés au filtre d’un processus classique de recrutement, à savoir un ou plusieurs entretiens, note Richard Folliot. Jusqu’à présent, nous n’avons connu aucun échec suite à un recrutement de ce type. » Quant aux primes allouées aux “coopteurs” – qui s’élèvent à 1 500 euros –, Complétel les attribue à l’issue de la période d’essai de la nouvelle recrue, afin de ne pas « transformer les salariés en “chasseur de primes” », ce qui risquerait d’entraîner un flot de candidatures plus ou moins bien ciblées.

À retenir

- En période de restriction budgétaire, la cooptation est un très bon canal de recrutement. - L’expérience montre que les salariés sont souvent les mieux placés pour identifier, dans leur entourage, les profils capables de s’adapter à l’entreprise. - Cependant, la cooptation doit s’inscrire dans la politique générale de recrutement de l’entreprise, sans quoi celle-ci risque de se priver de l’expertise d’un cabinet de recrutement et d’une diversité de candidatures.

 
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Maud Aigrain

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