Externalisation commerciale. Trouver le bon dosage
Si l'externalisation tactique des forces de vente (animation, merchandising, lancement de produits, etc.) est aujourd'hui plus ou moins démocratisée, l'externalisation stratégique (prospection, fidélisation, grands comptes…) est loin d'être généralisée.
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Vous évoluez dans un univers concurrentiel de plus en plus complexe et
éprouvez un besoin de flexibilité grandissant. Manager une force de vente
terrain n'est pas toujours aisé, sans compter la gestion du turnover et le
temps passé à recruter. L'externalisation commerciale ne serait-elle pas une
solution envisageable ? Vous pensez sans doute que c'est impossible. Qu'une
telle décision représenterait plus une perte d'influence qu'un avantage
compétitif.
Chez Energizer, en tout cas, les nécessités du marché ont primé sur
les craintes. En dix ans, le fabricant de piles est, en effet, passé d'une
force de vente interne d'une trentaine de commerciaux à une externalisation de
ses équipes sur le terrain. Les raisons d'une telle politique ? « Notre
capacité de couverture du territoire était insuffisante. Nous recherchions plus
de flexibilité et souhaitions transformer nos coûts fixes en coûts variables »,
argumente Franck Frogé responsable des grands comptes internationaux chez
Energizer. La force de vente externalisée du fabricant – qui a tout de même
conservé ses commerciaux grands comptes en interne – se compose à la fois d'une
quarantaine de commerciaux permanents et d'effectifs intervenant ponctuellement
lors de missions commando. Et ce, chez deux prestataires différents que sont
Énergie Services et Daytona.
Procéder pas à pas…
Energizer fait-il figure d'exception ? Apparemment. Les dirigeants commerciaux
semblent encore réticents à confier leur force de vente à un tiers. « Pourtant,
un dirigeant commercial est plus jugé sur la stratégie qu'il peut développer
que sur la taille de sa force de vente », assure Jérôme Déliry, porte-parole du
Sorap, syndicat professionnel de l'action commerciale terrain. Il faut aussi
dire que la France ne reflète pas la même tendance que des pays comme
l'Allemagne ou la Grande-Bretagne dans lesquels l'externalisation de la
fonction commerciale est beaucoup plus courante.
« À titre d'exemple, il y a
quasiment trois fois plus de commerciaux externalisés en Grande-Bretagne que
dans l'Hexagone, assure Georges Beaux, directeur général de l'outsourceur
Service Innovation Group. Ceci s'explique sans doute parce qu'en France
beaucoup d'entreprises considèrent la force de vente comme le pivot du business
alors que dans les pays anglo-saxons, la place de la marque ou du produit est
beaucoup plus valorisée… »
Mais même chez Energizer, l'externalisation totale
de la force de vente terrain ne s'est pas faite en un jour. En 1996,
l'industriel a commencé par confier les grandes surfaces alimentaires à un
tiers, tout en se gardant les grands magasins spécialisés. Une démarche
prudente, qui lui laissait une marge de manoeuvre. « Nous avons vite réalisé
que le prestataire disposait d'un niveau d'expertise que nous n'avions pas
nous-même atteint, notamment lors d'opérations promotionnelles où il fallait
déployer un bataillon de vendeurs sur le terrain », confie Franck Frogé. Telle
est, en effet, la première motivation des partisans de l'externalisation
commerciale.
« Certains industriels ont besoin d'une expertise terrain et ne
sont pas capables de mettre en scène 25 vendeurs en un mois. Ils vont donc
chercher une expérience ailleurs, chez les professionnels des forces de vente
externalisées », affirme Jean-Claude Montaudoin, directeur commercial de
Circular Provente, un spécialiste des forces de vente externalisées. En 1999,
Energizer se sépare finalement de ses derniers commerciaux terrain. « Nous
avons confié le reste de nos vendeurs – ceux qui travaillaient alors en interne
auprès des grands magasins spécialisés – à un prestataire externe, relate
Franck Frogé.
En effet, la fonction terrain nous apparaissait importante, mais
pas stratégique. Nous n'avons donc pas hésité longtemps. » Un argument relevé
par Luc Denis, directeur général de CPM, un des leaders du marché des forces de
vente supplétives : « Je défends fermement l'idée que l'entreprise doit garder
la main sur tout ce qui est stratégique pour elle. Si notre métier est de
mettre en place des missions à valeur ajoutée, il ne s'agit pas pour autant de
missions stratégiques. »
Ainsi, à l'instar d'Energizer, vous pourriez sauter le
pas. En commençant prudemment… Par l'externalisation de votre centre d'appels,
par exemple. Un acte qui semble aujourd'hui bien entré dans les moeurs, qu'il
s'agisse de la qualification de fichiers, de la prise de rendez-vous, de la
fidélisation ou de la prospection. « Une fois qu'on a rédigé un bon script,
pourquoi ne pas confier une campagne à un prestataire ? Ce que nous avons
d'ailleurs fait en juin 2005, remarque Thierry Bardin, directeur des ventes
indirectes chez Xerox. Effectuer 5 000 appels en une semaine est impossible
sans un centre d'appels interne surdimensionné. »
Pour le moment, le dirigeant
a décidé d'avoir recours à un prestataire uniquement pour des actions
ponctuelles. « L'externalisation est faisable quand il n'y a pas trop de valeur
ajoutée à déployer, poursuit Thierry Bardin, qui dispose, par ailleurs, de sa
propre cellule de télévente. Le travail de suivi de l'information et de réponse
aux questions des revendeurs est si précis que nous préférons en garder la
maîtrise. » Cette réticence est encore largement partagée.
« Je n'imagine pas
comment former des commerciaux externes tant il faut disposer d'une grande
compréhension du marché dans son ensemble pour aborder le client, même par
téléphone », affirme Pascal Chesnay, vice-président en charge des ventes chez
PTC, spécialiste des solutions de gestion de vie des produits.
Un argument
réfuté par Didier Briet, directeur du développement chez Phone Marketing,
gestionnaire de centres d'appels, pour qui « externaliser constitue un avantage
compétitif notable ». Et Anne-Sophie Legendre, directrice marketing d'Armatis,
outsourcer en centres d'appels, de renchérir : « Le retour sur investissement
est, qui plus est, facile à calculer. Les commerciaux sont souvent rémunérés à
la vente. » Une fois cette première étape franchie, vous pouvez continuer par
des actions ponctuelles ou en externalisant un canal de vente. C'est ce qu'a
fait la société Laboratoires Urgo. J
usqu'alors absente de la grande
distribution, elle a choisi, en 2005, d'externaliser une partie de sa force de
vente avec la société prestataire Demosthène pour “pousser” ses marques
distributeurs sur une période de dix jours. « Nous n'avions aucun lien avec les
grandes surfaces. Mettre en place une force de vente externalisée a permis
d'engager une réelle dynamique sans engager trop de frais », affirme Emmanuelle
Repiquet, responsable de marché grand public.
Facturation à la visite
Chez Microsoft, la démarche se fait au cas par cas, selon
les gammes et les réseaux de distribution. Pour la grande distribution, la
décision a été prise en 2000 par la filiale française. À l'inverse de la maison
mère américaine, qui a opté pour une campagne de communication, Microsoft
France a misé sur la promotion terrain dans la distribution. Résultats des
courses : une part de marché en hausse de 35 % pour la branche française,
contre 15 % outre-Atlantique. L'industriel n'a jamais ressenti de réticence à
externaliser.
Son maîtremot : « À chacun son métier ! », assure Laurent
Dugimont, responsable produits Windows Mobile chez Microsoft France. Celui de
Microsoft étant la technologie et non la grande distribution, le pas était sans
doute plus facile à faire. « Les nouvelles technologies n'ont pas de passé ni
de structure établie. Elles sont donc plus flexibles sur ce plan-là », affirme
Yves Ménardais, p-dg de Fym Action,prestataire de forces de vente
externalisées.
Mais comment s'assurer que le travail est réalisé, que les
visites sont effectuées comme nous le souhaitons, rétorquent nombre de
directeurs commerciaux ? « Si le travail est mal ou non fait par le
prestataire, cela peut porter préjudice à l'entreprise et lui faire perdre un
avantage compétitif », admet Cyril Végni, enseignant en gestion des risques à
la faculté d'Angers (Maine-et-Loire). Beaucoup de prestataires du marché
essaient d'atténuer ces doutes, mais la société d'externalisation Booster G@me
va plus loin dans ce besoin de rassurer. Constatant que certains de ses clients
n'avaient pas les remontées qu'ils souhaitaient, Maïté Quintana, directrice
générale de Booster G@me, a opté pour une facturation à la visite. Pour un
industriel qui a choisi d'externaliser sa force de vente, c'est un moyen
efficace de calculer la rentabilité de ses opérations. Mais ce mode de
facturation reste encore rare chez les prestataires et plutôt réservé aux
opérations commando ou aux petites entreprises, qui n'ont pas les moyens de
facturer, pendant un mois, un commercial.
Si Energizer s'est lancé dans
l'externalisation, c'est, avant tout, par besoin de flexibilité. D'autres ont
fait de même sans forcément prolonger l'aventure. Pas question, pour ces
derniers, d'aller au-delà d'une opération commando ou d'un simple test ! Moët
Henessy Diageo, filiale de distribution de LVMH et Diageo, spécialisée dans le
champagne et les spiritueux, a ainsi testé pendant trois mois 11 vendeurs qui
sont allés visiter 832 supermarchés. « Nos 40 commerciaux internes se
concentrent sur les hypermarchés, confie Jean-Philippe Maratray, directeur
national des ventes de Moët Henessy Diageo. Avec ce test, nous avons souhaité,
au dernier trimestre 2005, optimiser la distribution numérique en touchant des
points de vente que nous n'avons pas l'habitude de visiter. » Une expérience
que Moët Henessy Diageo pourrait renouveler en l'étendant, peut-être, à la
période estivale, mais sans aucune certitude.
Pour faire le pas de
l'externalisation à plus long terme, il convient de se poser les bonnes
questions. Selon Jean- Claude Montaudoin (de la société de forces de vente
Circular Provente), « l'avantage compétitif se dessine en prenant en compte
trois entrées : la segmentation clients, les différentes gammes de produits et
les canaux de vente. Sur chacun, il convient de se poser la question de la
place de ses concurrents ». Telle fut la réflexion de la marque Barilla pour
démarcher un nouveau canal, celui des restaurateurs. Finalement, la société a
décidé de défricher le marché avec une aide extérieure, quitte à
réinternaliser, ensuite, si cela devenait trop stratégique. Tout comme ce
fabricant de casques téléphoniques, « qui souhaitait aborder les centres
d'appels et prendre des parts de marché à l'un de ses concurrents », relate
Emmanuel Couturier, directeur commercial chez MGS Promotion, spécialiste de
l'action commerciale terrain.
Deux ingénieurs commerciaux ont décroché des
rendez-vous et proposé les produits en test. « L'entreprise a ensuite choisi,
au vu des bons résultats de nos vendeurs, d'embaucher ces commerciaux pour
qu'ils poursuivent ce travail de prospection », conclut le prestataire.
Certaines entreprises, une fois leur premier essai transformé, peuvent aller
beaucoup plus loin dans l'externalisation. Jusqu'à l'absence totale de
commerciaux terrain.
C'est le cas d'Energizer, qui ne compte plus aucun
commercial en interne, si ce n'est ceux dédiés aux grands comptes. C'est
également la stratégie choisie par un traiteur belge pour implanter sa marque
dans l'Hexagone. La mission, confiée à la société MGS Promotion, concernait au
départ quelques vendeurs. Ils sont 11 aujourd'hui. Et, il y a peu, un poste de
commercial comptes-clés a vu le jour, pour négocier avec les centrales. Un
exemple qui reste néanmoins un épiphénomène dans les grands groupes. Les
industriels gardent, en effet, jalousement en interne les négociations en
centrales, ainsi que tous types de comptes-clés.
« Nous tenons à garantir une
vraie confidentialité concernant nos négociations avec les opérateurs et les
centrales, car notre marché est hyperconcurrentiel », insiste Rafael Gonzalez,
directeur marketing du fabricant de téléphones mobiles BenQSiemens. Si le
dirigeant externalise sa force de vente terrain, il conserve donc ses liens
avec les centrales et les opérateurs mobiles. Idem pour DHL Excel Supply Chain,
qui exerce une activité B to B et dont chaque commercial est chef de projets. «
Nous fonctionnons sur des cycles de vente longs, et nos commerciaux ne sont pas
opérationnels avant deux années d'expérience.
Nous travaillons, qui plus est,
en mode projet, ce qui nécessite d'avoir tous les interlocuteurs sous la main.
Dans ce contexte, l'externalisation est difficilement envisageable pour nous »,
argumente Jean-Marc Lami, le directeur du développement de l'expert en
logistique.
Prise de risques
On le voit,
l'externalisation implique souvent une grande prise de risques, « notamment
concernant la perte de contrôle de l'activité, puisque la relation clients est
dans les mains d'un tiers », explique Cyril Végni (faculté d'Angers). Le risque
de ne plus maîtriser l'information et le savoir-faire des commerciaux fait
également partie des craintes des directions commerciales. Autant de freins qui
font toujours réfléchir les industriels.
« Nous vendons des services à valeur
ajoutée qui nécessitent environ vingt jours de formation par an. Nous préférons
donc préserver ces compétences en interne », explique Thierry Bardin (Xerox).
D'autant plus que le commercial n'a pas qu'une simple mission de vente. Il
détient la perception du marché. « Le vendeur a la capacité d'en comprendre les
mécanismes et fournit ainsi des données fondamentales à l'entreprise et à son
travail de veille, insiste Cyril Végni.
En se séparant de cet acteur de la
chaîne qui lie l'industriel à son client, on perd ce retour d'informations et
donc l'influence qu'on peut avoir sur le marché. » Un sentiment ressenti chez
Energizer au moment de se lancer dans sa politique d'externalisation
généralisée. « Nous nous disions que nous aurions plus de prise sur nos
vendeurs en interne et que nous pourrions mieux les former, mais nous avons
décidé de tenter l'externalisation et ne le regrettons pas », affirme Franck
Frogé. Le risque est aussi de se retrouver dans un contexte social tendu, lié à
la crainte des vendeurs en interne de se voir remplacés.
« Au départ, le
travail des commerciaux internes et externes se faisait sur deux canaux de
vente différents, donc sans heurts. Mais la démarche d'externalisation s'est
quand même accompagnée de quelques licenciements, se souvient Franck Frogé.
Puis, en 1999, nous avons effectué un transfert d'acti vité. Le choc
psychologique a alors été plus fort. Certains vendeurs n'ont pas voulu
poursuivre chez les prestataires qui les reprenaient. » Une situation qui
montre que les choses se font souvent dans la douleur. « Néanmoins, beaucoup
ont compris que c'était une bonne décision pour l'entreprise. La preuve : ils
étaient 18 en 1999, ils sont aujourd'hui 35 ! », conclut le responsable grands
comptes d'Energizer.
Crainte de perdre la main
Autre
frein à l'externalisation : en perdant la maîtrise de ses clients, le directeur
commercial redoute de ne plus avoir en main le management des équipes. C'est le
premier critère cité par 23 % des entreprises qui ne pratiquent pas
l'externalisation (16 % pour celle qui externalisent). C'est ce que révèle le
Baromètre Outsourcing 2005, publié par le cabinet spécialisé en audit, droit et
finance Ernst & Young. Cette étude dresse l'état des lieux des pratiques et
tendances du marché de l'externalisation en France (lire encadré p. 38).
«
Beaucoup de managers ne trouvent encore leur raison d'être, à tort, que
lorsqu'ils managent et vendent, analyse Éric Grasland, directeur général de
Daytona. La seule définition de la politique commerciale de l'entreprise ne
leur suffit pas. » L'opérationnel demeure donc un axe fondamental dans les
fonctions du directeur commercial. 13 % des managers qui ne pratiquent pas
l'externalisation (16 % pour ceux qui externalisent) interrogés par Ernst &
Young font d'ailleurs part de leur inquiétude concernant la disparition d'un
certain savoir-faire dans le cadre de l'externalisation de la fonction
commerciale.
Des arguments contre lesquels Emmanuel Couturier (MGS Promotion),
s'insurge. « Externaliser ne signifie pas déléguer. Cela demande, au contraire,
une très forte implication du client. Le traiteur belge avec lequel nous
travaillons agit ainsi comme avec ses propres équipes. Nous ne sommes en aucun
cas des freins à l'action du client, qui reste maître de sa stratégie sur le
terrain. » C'est pourquoi beaucoup d'industriels préfèrent opter pour une force
de vente externalisée dédiée que mutualisée. Si la seconde est financièrement
plus avantageuse, la première est gage de plus de disponibilité et
d'investissement des commerciaux.
« C'est la condition sine qua non sans
laquelle nous n'aurions pas opté pour cette formule. Les commerciaux se sentent
tout autant salariés du prestataire que collaborateurs de Ciel », insiste Henry
Benamram, directeur commercial et marchés du fabricant de logiciels pour les
PME Ciel. Pour visiter les grandes surfaces alimentaires et spécialisées, il a
fait appel à une douzaine de commerciaux de B&W. « L'externalisation représente
pour nous un avantage compétitif certain, car si nous savons parler à nos
clients finaux ou à des revendeurs, nous ne connaissons pas le monde de la
grande distribution. »
Une fois les freins levés et les moyens mis en oeuvre
pour rassurer en interne, « toutes les fonctions commerciales sont
externalisables ; il n'y a pas de limite », assure Philippe Jonglez de Ligne,
directeur commercial d'Ajilon, un autre prestataire de forces de vente
externalisées. Il n'hésite pas à envisager l'externalisation du management. Une
réalité pour Georges Beaux (Service Innovation Group), qui fournit déjà le
management de la branche connectique de Thomson en France. « Seul le directeur
commercial est interne, mais nous fournissons les directeurs régionaux en plus
des commerciaux ! »
Baliverne pour les uns, une telle décision ne l'est pas
pour Stéphane Benecchi, gérant du cabinet de conseil Aukland Management.
Lui-même directeur commercial en externe de deux PME avec des forces de vente
respectives de six et vingt commerciaux, il prône l'externalisation du
management. « J'approche les grands groupes, conscient de leur manque de
maturité sur cette idée. Mais ayant été directeur commercial et général chez
Samsung, Epson et Nec, je sais combien les managers sont absorbés par de
multiples tâches.
En tant que manager externalisé, ma mission est de planifier
le travail des équipes de vente quand le directeur commercial en interne
s'attelle, lui, à une mission plus stratégique de reporting à la maison mère ou
de mission au niveau européen. » Voilà sans doute le nouveau défi de
l'externalisation commerciale. Alors, vous, manager commercial, êtes-vous prêt
au partage des tâches ?
Le débat. Li-Lei Tsien, directeur marketing Europe de Tele Atlas, fournisseur de cartographies électroniques pour produits de navigation
« La force de vente externe nous permet de créer un lien avec la distribution » Jusqu'à cent commerciaux pour éduquer les chefs de rayons en magasins en fin d'année. Mais seulement cinq en permanence le reste du temps. La flexibilité chez Tele Atlas est étonnante. Fournisseur de cartes pour les logiciels de navigation, il n'est pas directement en lien avec la distribution, mais avec les industriels du marché (TomTom Go, ViaMichelin, etc.). « Nous sommes une industrie à forte croissance, ce qui ne nous permet pas de planifier nos besoins en ressources humaines, explique Li-Lei Tsien.
Nous avons, qui plus est, une activité très saisonnière. » Pour visiter les différents canaux de distribution (concessions automobiles, grands magasins spécialisés…), l'industriel a opté pour l'externalisation il y a 18 mois, et ce dans cinq pays européens. Les commerciaux de Booster G@me ont pour mission d'éduquer les chefs de rayons et les vendeurs à la technologie de Tele Atlas. « Il s'agit de briser leur manque de confiance. Ils seront alors plus à l'aise pour vendre », ajoute Li-Lei Tsien, qui affirme partager avec les autres filiales ses meilleures pratiques concernant l'externalisation.
Alexandre Wauquiez, directeur marketing Entreprises chez Neuf Cegetel
« L'externalisation représente aujourd'hui un frein à l'intégration des commerciaux » Pour cibler 100 000 PME, Neuf Cegetel a choisi de développer une force de vente massive d'environ 250 commerciaux et technico-commerciaux sur le terrain, répartis dans 20 agences à travers la France. La raison de ce choix ? « Le secteur des télécoms n'est pas encore assez stabilisé pour confier nos ventes à un tiers, indique Alexandre Wauquiez. Nos offres évoluent beaucoup et nous informons sans cesse nos équipes de vente. Nous avons donc besoin de proximité, ce qui n'est pas très compatible avec l'externalisation. Ce besoin de diffusion d'informations est un point-clé dont nous souhaitons conserver la maîtrise. L'externalisation représente aujourd'hui un frein à l'intégration des commerciaux », estime le directeur marketing Entreprises. Il précise néanmoins ne pas l'exclure lors d'opérations de fidélisation ponctuelles. Si, dans le cadre de sa fusion avec Cegetel, Neuf Télécom a, en effet, plutôt opté pour une “internalisation” des équipes, le groupe confie encore certaines franges de son activité à l'externe.
L'avis d'un vendeur. Jean-Claude Tomasini, chef des ventes chez Daytona, société d'externalisation
« Le métier de commercial à l'externe est gratifiant ! » « En étant en mission externe, j'ai l'impression de devoir fournir une expertise plus grande au client. Le travail de réflexion à mener avec lui sur la formation des commerciaux, mais aussi sur sa stratégie d'attaque du marché, est passionnant », s'enthousiasme Jean-Claude Tomasini, chef des ventes depuis mi-février chez Daytona, prestataire de forces de vente. Commercial depuis plus de vingt ans, il travaille aujourd'hui pour un fabricant de produits chaussants paramédicaux. « Nous prospectons les maisons de retraite, les centres de rééducation, etc. Le fait de bien connaître cette cible clients me permet d'être d'autant plus lié à l'entreprise », explique le chef des ventes, qui estime que ce métier est très gratifiant. « On est “challengé” à la fois par notre employeur et par le client. Nous disposons d'outils d'aide à la vente très complets, bien plus qu'en interne. »
Le témoignage de Olivier Blanchard, directeur commercial de Telecom Italia France
« Un suivi rapproché nous rassure » Afin de couvrir le plus grand nombre de points de vente en un minimum de temps, Telecom Italia France a mis en place, en février dernier, une équipe de six commerciaux “promoteurs” de son offre ADSL Alice, embauchés, formés et managés par le prestataire en forces de vente externalisées MGS Promotion. Leur travail ? Négocier la mise en avant de la marque sur le terrain. « Il s'agit de rendre plus lisible notre offre et de faire remonter de l'information sur nos implantations en grande distribution », explique Olivier Blanchard, qui émet tout de même une crainte : « Nous communiquons de façon indirecte avec les chefs de vente et les commerciaux de MGS Promotion. L'adhésion à la marque est donc moins aisée et nous maîtrisons moins nos messages qu'à l'interne. » Le prestataire a donc élaboré avec la société un outil de reporting quotidien fournissant des données aussi bien quantitatives que qualitatives. « Nous essayons de maîtriser un maximum de paramètres grâce à un rapport d'activité le plus fin possible de façon à élaborer un travail de veille concurrentielle efficace. »
Le témoignage de Éric Corrius, directeur de la division contacts clients chez Prosodie « L'externalisation commerciale se prête peu au B to B et aux cycles de vente longs »
À la croisée des télécoms et de l'informatique, Prosodie offre aux grandes entreprises des services à valeur ajoutée dans les télécoms. « Notre cycle de vente moyen est de neuf mois, explique Éric Corrius, et il faut plusieurs mois avant qu'un ingénieur commercial soit véritablement opérationnel. » Un argument qui ne laisse pas la place à une quelconque externalisation des forces de vente. Prosodie compte une quarantaine d'ingénieurs d'affaires, pour la plupart avec quatre à cinq ans d'expérience. « Le fait de vendre des services et non des produits rend plus difficile l'externalisation : nous répondons de manière très personnalisée aux clients. » Le manager commercial se livre pourtant à une réflexion permanente sur l'évolution des marchés. « Si nous devons nous lancer sur celui des PME, pourquoi ne pas envisager alors de nous allier avec des revendeurs ou encore de faire appel à l'externalisation ? » Mais Prosodie n'en est pas là.
Thierry Muller, associé chez Ernst & Young « Une pratique en nette progression depuis 1999»
« La version 2005 du Baromètre Outsourcing d'Ernst & Young est riche d'enseignements sur l'évolution en France de la pratique de l'externalisation depuis 1999 », confie Thierry Muller. En 2005, le taux de connaissance spontanée s'élève à 96 %, ce qui signifie que les entreprises sont capables de prendre en considération les avantages et les opportunités qu'offre l'externalisation. Les quelques confusions avec la sous-traitance et la délocalisation – encore présentes – entravent de moins en moins son développement.
« Selon notre baromètre, poursuit l'expert, l'externalisation des fonctions vente, marketing et communication n'a cessé de progresser depuis 1999 : elle était de 14 % à cette date, de 16 % en 2000 et de 17 % en 2001. Ce pourcentage est encore faible cette année – comparé aux autres fonctions externalisées –, puisque seulement 28 % des entreprises sondées pratiquent ce type d'externalisation. Il est tout de même en progression de 2 % par rapport à 2003. » Les fonctions tournées vers le client ou le marché, comme la vente, le marketing ou la communication, sont des domaines véritablement stratégiques qui touchent à des questions sensibles (image, notoriété, culture…) et qu'il demeure difficile de confier à un prestataire. « Les principaux freins qui demeurent touchent essentiellement à la question de la perte de contrôle », conclut Thierry Muller.
Repères Ne pas confondre externalisation avec…
¦ Sous-traitance On parle d'externalisation lorsque l'activité externalisée était auparavant réalisée en interne. Dans une opération de sous-traitance, le sous-traitant utilise ses propres ressources, alors qu'en externalisant, l'entreprise peut apporter à son prestataire ses méthodes, ses outils et même ses salariés. ¦ Délocalisation Délocaliser consiste à exporter tout ou partie d'une activité vers une entité située à l'étranger appartenant à la société mère. ¦ Outsourcing offshore Forme d'externalisation qui consiste à confier à un prestataire situé à l'étranger tout ou partie d'une activité non stratégique (centres d'appels, services informatiques…).
Repères
Les trois métiers de l'externalisation commerciale ¦ Les forces de vente Il s'agit de faire intervenir les commerciaux externes en amont de la vente d'un produit afin d'assurer son introduction dans des circuits de distribution (en grande distribution ou en circuits professionnels). ¦ L'animation On est ici dans l'acte de revente. Il s'agit de faire sortir le produit du réseau pour le vendre au client final, qu'il soit particulier ou professionnel. ¦ L'événementiel C'est l'optimisation de l'offre et la théâtralisation du point de vente (publicité sur lieu de vente, changement de signalétique, etc.).