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Forces de vente/ marketing direct: qui va gagner le match ?

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Il y a vingt ans, les gourous du marketing direct annonçaient la mort des forces de vente. Qu'en est-il, aujourd'hui, de ce match MD/commerciaux? Mailings et télémarketing auront-ils raison du travail de fourmi réalisé, sur le terrain, par les vendeurs nomades?

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Jamais le marketing direct (MD) ne s'est aussi bien porté. Selon l'Union française du marketing direct, le montant total des dépenses dans ce domaine s'est élevé, en 2004, à 11 milliards d'euros, en hausse 4,5 % par rapport à 2003. Mailing, e-mailing, télémarketing, imprimés sans adresse et maintenant SMS... Confortée par l'essor des nouvelles technologies, la panoplie des solutions de conquête et de fidélisation des clients ne cesse de s'étendre. Mieux: ces outils sont devenus d'authentiques canaux de vente, qui permettent aux entreprises de “faire du chiffre” sans intervention d'un seul commercial terrain. Ces constats donneraient-ils raison aux oiseaux de mauvais augure qui, il y a vingt ans, en plein avènement du marketing direct, prédisaient la mort des commerciaux nomades? Le match “vendeurs terrain” contre “marketing direct” est-il, actuellement, dominé par les tenants de la télévente et de la relation clients à distance? La question, en tout état de cause, semble toujours d'actualité.

MD: une productivité incomparable

En témoigne la société Vivactis MailCall, spécialisée dans le télémarketing pour les professionnels de la santé, qui, forte de son centre de contacts, revendique de meilleurs résultats que les visiteurs médicaux terrain. «Chaque téléopérateur est capable de contacter 50 médecins par jour, alors qu'un visiteur médical ne pourrait guère, dans le même temps, réaliser plus de six visites», assure-t-on chez Vivactis MailCall. Difficile, dans de telles conditions, de ne pas céder aux sirènes du marketing direct… Chez Parcours, spécialiste de la location automobile longue durée en B to B, on réfléchit actuellement à l'utilisation de l'outil MD au service de la prospection. Le loueur, qui vise prioritairement les PME-PMI, doit, depuis peu, faire face à la concurrence de plus en plus féroce des poids lourds du marché, «qui tentent à leur tour de conquérir les structures moyennes», explique Jérôme Munck, directeur commercial de Parcours. Dans ce contexte, la prospection prend des airs de guerre concurrentielle et «occupe une part de plus en plus importante du travail des commerciaux». Jérôme Munck demande à son équipe de passer une heure et demie, chaque matin, au téléphone, afin de courtiser de nouveaux clients PME. Une situation qui tend à l'inquiéter: «Ils y consacrent un temps fou, au détriment de leurs autres missions.»

C'est pourquoi, depuis peu, le manager teste l'utilité d'un centre d'appels externe, à qui il a confié la tâche de qualifier un fichier de 600 PME. «La mission des téléacteurs consiste à savoir si ces prospects sont intéressés par la location de véhicules, mais ils ne prennent pas de rendez-vous. Nous pensons que seuls nos commerciaux peuvent le faire.» Est-ce un premier pas, encore timide, vers l'externalisation totale de la prospection? Il est, en tout cas, évident que la plupart des entreprises se sont délestées de la partie amont du travail de prospection. D'autant que, comme le souligne Éric de la Taille, consultant en développement des ventes et dynamique commerciale chez Demos, «la qualification de fichiers est loin d'être la partie la plus intéressante de la mission commerciale». Valérie Gisberti, directrice du développement de Caribou, agence conseil en marketing direct, invoque, elle, l'argument du rendement: «Les entreprises veulent du volume, et aucun commercial terrain, aussi performant soit-il, ne pourra rivaliser, en termes de retours immédiats, avec une campagne de prospection par mail ou par téléphone.»

Déplacements: une facture salée

Les nouvelles technologies au service du marketing direct offrent ainsi la possibilité de lancer une campagne de prospection en quelques heures. Maileva, filiale du groupe La Poste, propose une solution d'automatisation de ce type de campagnes. Un manager commercial peut, en se connectant sur le site Internet de Maileva, réaliser entièrement une campagne de marketing papier, fax ou e-mail. Il suffit alors à l'annonceur de quelques minutes pour toucher des dizaines de milliers de prospects! Un challenge irréalisable pour une force de vente nomade. Reste qu'«un commercial en chair et en os possède des atouts maîtres comme la chaleur humaine, la dimension relationnelle, une capacité à répondre directement aux objections ainsi qu'un véritable pouvoir de conviction», rappelle Pierre Desmet, responsable du master de marketing direct à Paris Dauphine et professeur de marketing direct à l'Essec.

De fait, au fil du temps, se tisse entre un vendeur et ses clients une authentique relation de confiance qui se situe, bien souvent, sur le registre de l'affectif. Mais voilà: au regard du coût d'une campagne de marketing direct, le prix de revient de la conquête, confiée à des commerciaux terrain, est prohibitif. Chez Vivactis MailCall, on estime à 7 euros par contact le coût d'une opération de qualification téléphonique de fichier, contre 100 euros pour la même mission effectuée par un visiteur médical. On comprend pourquoi les entreprises hésitent à envoyer leurs vendeurs sur le terrain sans travail préalable de repérage des prospects “tièdes” ou “chauds”. «Cela reviendrait beaucoup trop cher, pointe Stéphane Guéneau, responsable clientèle chez 100 % VAD, agence conseil en vente à distance. Le marketing direct sert à “débroussailler” un dossier et à optimiser le coût de l'action commerciale de terrain.»

À chacun son territoire

A fortiori lorsque ces actions de conquête visent l'export! Quest Software est typiquement dans ce cas de figure. La société, spécialisée dans les solutions d'administration et d'optimisation d'infrastructures logicielles, vient de partir à l'assaut de l'Afrique du Nord. «Il n'est, bien sûr, aucunement envisageable d'envoyer des commerciaux dans ces pays sans analyse préliminaire du marché, confie Richard Frajnd, directeur France, également en charge du Maroc, de la Tunisie et de l'Algérie. Dans un premier temps, nous allons mener des campagnes d'e-mailing et de télémarketing. Puis, en fonction des résultats obtenus, nous déciderons d'envoyer ou non des vendeurs sur place.» Pour autant, le marketing direct n'est pas la panacée. À y regarder de près, il présente même certaines limites. En simplifiant quelque peu, on pourrait affirmer que la prospection terrain demeure l'outil privilégié des ventes complexes. C'est-à-dire celles à cycle long et à forte marge, qui nécessitent un argumentaire sophistiqué et qui s'opèrent, le plus souvent, à partir de fichiers restreints et hautement ciblés.

A contrario, le marketing direct est parfait pour toucher des cibles larges (en B to B et à plus forte raison en B to C), à l'aide de produits simples à faible valeur nominale et plutôt aisés à vendre. Ce que résume Jacques Inizan, consultant spécialisé dans le management des forces de vente: «Pour choisir la bonne arme, il faut s'interroger sur la valeur ajoutée qu'apporterait un commercial, que ce soit en prospection ou en fidélisation.» «Au fond, analyse Anne Julien, professeur de marketing à l'ESC Reims, la force de vente terrain fait partie des différents outils à la disposition des entreprises pour conquérir des clients et pour vendre. Elle est à considérer comme l'un des outils d'une stratégie multicanal.» D'ailleurs, relève Marc Lolivier, directeur général de la Fevad (Fédération des entreprises de vente à distance) et vice-président du Cercle du marketing direct, une entreprise qui bouleverserait les habitudes de ses clients en leur imposant, brutalement, une relation à distance encourt une sanction immédiate du marché. «Changer son mode de relation clients, c'est prendre le risque de déstabiliser ses fidèles, voire de les perdre», commente-t-il.

Vendeurs-conseils

De plus, s'il est vrai que le marketing direct permet d'identifier des prospects en nombre, encore faut-il, ensuite, pouvoir les convaincre de passer commande. Pour Jérôme Munck (Parcours), «il ne sert à rien de démarcher des milliers de prospects si les commerciaux n'ont pas la capacité, ensuite, de travailler sérieusement ces leads». Se pose, ici, la question de l'utilisation raisonnée du marketing direct, qui doit être correctement dimensionné par rapport à l'entreprise. Enfin, le meilleur mailing du monde ne pourra rivaliser avec un commercial chevronné lorsqu'il s'agit de répondre aux objections d'un client. Si Créfidis, société de crédit, envoie de nombreux mailings pour promouvoir ses offres de paiement auprès du grand public, elle ne souhaite pas faire de même auprès de ses revendeurs. «Pour cette cible, l'humain reste capital. Un courrier ne remplacera jamais l'argumentaire d'un commercial», constate Bruno Petitjean, directeur du développement et du réseau. Si le marketing direct attire l'attention du prospect et lui apporte un premier niveau d'information, il est en revanche incapable d'offrir du conseil.

Ainsi délestée de la partie la plus “industrielle” du processus, l'équipe commerciale se recentre sur la vente-conseil. Pierre Desmet confirme cette évolution du métier: «Désormais, les directions commerciales privilégient les formations qui concernent la gestion d'affaires ou la maîtrise des nouvelles technologies, plutôt que les techniques de prospection. Grâce à la montée en puissance du marketing direct, le métier de commercial est en train de changer.» La force de vente demeure la principale source de connaissance du client: rien de tel que le travail de fourmi qu'elle opère au quotidien pour sentir les évolutions du marché et de la demande. D'autant que les outils technologiques permettent, désormais, aux entreprises de toutes tailles de recueillir, classer, faire circuler et pérenniser, malgré le turn-over, la somme d'informations précieuses que recèle la base de données commerciale. «C'est un nouveau challenge pour la direction commerciale, conclut Pierre Desmet: savoir faire cohabiter, de façon riche et durable, l'équipe commerciale, le marketing direct et les outils de gestion de la relation clients.» Un triangle équilatéral dont le centre n'est autre que le client.

L'e-mailing s'impose en prospection

Entre janvier et mars 2005, plus de 44,8 millions d'e-mails de prospection ont été envoyés par les annonceurs français, contre 16,1 millions au premier trimestre 2004, d'après SNCD/TNS Media intelligence. L'e-mail marketing ne semble donc pas avoir souffert de l'entrée en application de la Loi sur l'économie numérique (Len), puisque le budget total dévolu par les annonceurs à ce type de campagne a atteint 9,3 millions d'euros au premier trimestre 2005, soit une augmentation de 321 % par rapport à la même période de 2004. Dans les faits, le secteur des services semble le plus actif puisqu'il pèse, à lui seul, près d'un quart des e-mails de prospection.

«Le marketing direct ne remplacera jamais l'action des vendeurs terrain»

«Plus de la moitié de nos concurrents sont de purs vendeurs à distance, dont le marketing direct est l'outil de travail principal. Pour rester performants, nous avons dû nous adapter à ces techniques», constate Eudes de Villiers. Cependant, la direction commerciale d'Henry Schein reste persuadée que la fidélisation est bien plus efficace lorsqu'elle est assurée par un vendeur qui rend visite à ses clients plutôt que par l'envoi d'un courrier. «Nos concurrents qui gèrent l'ensemble de leur relation clients à distance ont de bien moins bons taux de fidélisation que nous, analyse-t-il. En revanche, il est certain qu'ils prospectent mieux compte tenu du large rayonnement de leur action. C'est pourquoi nous travaillons essentiellement à renforcer les synergies entre les différents canaux, en concevant notamment nos catalogues comme de véritables outils d'aide à la vente pour nos commerciaux. Pour nous, ces derniers sont irremplaçables!»

«Plus nous investissons en marketing direct, plus nous avons besoin

Lorsque Dell vend une solution informatique à un particulier ou à une PME, tout se passe par téléphone. Le marketing direct a donc pris, dans l'entreprise américaine, une place fondamentale. «Nous envoyons, chaque mois, plus de 3 millions de catalogues, qui entraînent un flot d'appels téléphoniques vers nos télévendeurs, indique Loïc Martinelli, marketing manager en charge des PME et des particuliers. Ces derniers ont pour mission de prendre les commandes.» Un processus qui évite aux vendeurs sédentaires de se charger du travail de conquête. «Aucune force de vente, aussi performante soit-elle, ne pourrait approcher 3 millions de contacts par mois.» Pour le géant de l'informatique, le marketing direct est donc le complément essentiel d'une force de vente qui opère, elle-même, à distance. «Ils ne sont en aucun cas en concurrence. D'ailleurs, plus nous investissons en marketing direct, plus nous recrutons de télévendeurs.»

 
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Isabelle Sallard et Laurent Bailliard

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