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Jugements décalés sur les métiers des commerciaux

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La Cegos vient d’approcher en profondeur le “paysage commercial” afin d’éclairer les métiers commerciaux à l’horizon 2000. Les forces de vente terrain se sont exprimées, leur encadrement aussi. Et les résultats sont loin d’être identiques.

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“Les vendeurs avancent comme mission numéro un la fidélisation des clients. Les managers sont d’accord, mais ils aimeraient bien insister davantage sur la prospection.” Alice Lenôtre, fin limier de la Cegos et directrice générale adjointe de la division marketing et commerciale menée par Philippe Korda, a travaillé tout l’été avec son équipe pour mettre à jour les analyses d’une enquête d’envergure menée auprès de vendeurs et de leur management direct*. On ne peut pas réellement parler de fossé, mais certainement de décalage entre les perceptions de chaque partie. Sur tous les sujets, qu’ils s’agissent des évolutions de la fonction commerciale, de leurs métiers, et du management. Les missions et compétences La fidélisation, quel que soit le secteur d’activité, et la qualité de service viennent largement en tête des missions prioritaires exprimées par les vendeurs. Prospection et conseil des clients suivent à distance. Chez les managers, le son de cloche est un peu différent : ils sont deux fois plus nombreux à mettre en avant la nécessité de vendre l’ensemble de la gamme. La prospection est bien plus haute en nombre de citations. Elle constitue pour eux la troisième mission des vendeurs. Quant à la qualité de service, elle fait bien moins recette : elle passe loin derrière la vente en volume, la défense des prix, le conseil aux clients. Bonne dernière au chapitre des missions prioritaires, et cela ne surprendra personne, la remontée des informations. Les vendeurs et leurs managers sont au moins d’accord là-dessus. Corollaire de cette préoccupation de fidélisation largement soulignée, la capacité d’écoute apparaît loin devant dans la liste des facteurs de réussite dans le métier. Huit personnes sur dix, vendeurs et managers confondus, la propulsent en tête de cortège des qualités. Le cocktail à succès serait composé d’un doigt de sens du contact, d’une lampée de ténacité et de rigueur (qui ont encore davantage la cote auprès des commerciaux les plus expérimentés), d’une goutte de volonté de l’emporter, et même d’une pincée d’imagination et d’astuce. Là encore, fidèles à leur envie de dynamisme commercial, les managers se montrent plus volontiers demandeurs de ténacité et de volonté de l’emporter. Management, motivation, évolutions Un commercial sur trois se dit tout à fait motivé. C’est plus que ce qu’en pensent leurs managers, qui ne sont que 12 % à croire leur équipe motivée. Plus la prise de fonction est récente, et plus la motivation est partagée. Malgré cette vision pessimiste, les managers – mais peuvent-ils réellement avouer le contraire – se postent eux-mêmes à un haut niveau de motivation. Pourtant, l’étude révèle que les deux motivations sont très liées. Pour Alice Lenôtre, “la corrélation est démontrée entre manager disponible, commerciaux motivés et compétents”. 48 % des commerciaux qui ont des entretiens individuels plus que mensuels se déclarent tout à fait motivés, soit 11 % de plus que la moyenne. Ce tableau, au fond assez traditionnel, paraît peu affecté par l’évolution de l’environnement de la fonction commerciale. Que ce soit vis-à-vis de la réduction du temps de travail, de l’arrivée de l’euro, du développement des call centers, les vendeurs se sentent peu concernés. Seul le développement des réseaux informatiques leur paraît d’un réel impact. Pourtant, les commerciaux des secteurs agro-alimentaires et financiers accordent une importance supérieure à l’introduction de l’euro. Peut-être la vision de la concentration et de l’internationalisation de la grande distribution propre à la grande consommation y est-elle pour quelque chose. Les managers ne rattrapent pas les choses, puisque leurs réponses sont encore en retrait de celles de leurs commerciaux. Une remarque toutefois : les avis changent lorsque l’on ne s’intéresse qu’aux réponses issues des forces de vente de plus de 200 personnes. Il semblerait qu’elles réalisent l’impact de la création des cellules de télévente ou de service clients. En fait, l’évolution, les forces de vente la sentent – et la vivent certainement – bien plus dans la relation avec le client, et dans l’augmentation de la pression concurrentielle. Les managers, eux, se concentrent avant tout sur l’évolution de leur propre rôle, et sur l’organisation de la structure commerciale, ex-æquo avec la relation avec le client. Si tout au long de l’enquête les avis ont divergé, les déclarations retombent sur le même pied dès qu’il s’agit de la relation avec le client. Qu’est-ce qui assure le succès ? L’ordre d’arrivée est le même : les performances du service ou du produit, la capacité d’adaptation du fournisseur aux besoins du client, la relation de confiance avec le commercial pour deux tiers des réponses, et la réactivité du fournisseur. Bizarrement, le prix n’intervient selon eux dans les critères des acheteurs qu’en cinquième position, au même niveau que la capacité du commercial à conseiller. Au final, afin de visualiser toutes ces données, les consultants de la Cegos ont tracé deux droites : en abscisse, la relation au client (basée sur la prospection et le prix ou la fidélisation et la relation de confiance) ; en ordonnée, la relation à l’entreprise (en bas les vendeurs peu managés qui se sentent seuls sur le terrain, en haut les vendeurs managés, outillés, encadrés). À chaque directeur commercial de se livrer à sa propre analyse pour savoir la proportion dans son équipe de vendeurs “équipiers”, “conservateurs”, “abandonnés”, ou “autonomes”. En décembre, la Cegos devrait se remettre sur l’ouvrage en interrogeant de nouveau des managers commerciaux, afin d’établir la même typologie que celle des vendeurs. *Méthodologie de l’enquête : 430 commerciaux et 135 managers commerciaux, reçus comme stagiaires dans les formations interentreprises, ont répondu au dense questionnaire de la Cegos.

Ce que les managers attendent des vendeurs, ce sont avant tout des qualités personnelles, le renforcement de leurs compétences en prospection et de leur dynamisme commercial. Un sur deux cite le renforcement des techniques de vente comme une priorité. 63 % des managers citent la fidélisation des clients comme une des trois missions prioritaires des forces de vente. Mais c’est pour y ajouter tout de suite son pendant, l’agressivité commerciale en prospection (41 %). Ils tombent d’accord avec leurs vendeurs pour mettre au rang des facteurs de succès les qualités relationnelles. Mais les managers voudraient trouver chez les commerciaux une meilleure organisation de l’action commerciale, gestion du temps, et une meilleure prospection. Ils comptent surtout pour y arriver sur le partage d’expérience entre les vendeurs (encore faut-il le susciter et l’organiser), et sur les stages de formation (ce qui réjouit la Cegos) pour faire évoluer les compétences des vendeurs.

Ce que les vendeurs attendent de leurs managers, c’est avant tout le développement des compétences, l’information sur la stratégie de l’entreprise et la reconnaissance. C’est aussi de la disponibilité : 27 % des commerciaux jugent leur manager “pas disponible”, et ils ne sont que 7 % des managers à le reconnaître. Deux tiers des vendeurs démotivés jugent leur manager indisponible. Deux gros décalages sont à noter dans les appréciations : les conseils de la hiérarchie ne sont cités que par un vendeur sur deux (surtout les plus jeunes et les plus diplômés) dans le développement de leurs compétences, alors que près de huit managers sur dix pensent faire évoluer leurs vendeurs grâce à leurs conseils. Un tiers des managers pensent apporter de bonnes informations sur leurs performances aux commerciaux, seuls 17 % de ceux-ci le croient. Et les points de vue sont très divergents sur l’intérêt des outils mis à la disposition des commerciaux. Un point en particulier est à surveiller de près : si 56 % des managers considèrent que les commerciaux disposent d’objectifs précis, ils ne sont que 39 % des commerciaux à penser la même chose.

Ce qu’il faut retenir Les priorités des managers et des commerciaux, leurs visions de l’évolution du métier, sont en décalage. Un décalage particulièrement fort sur les appréciations du management. Les attentes des commerciaux varient selon leur âge : les moins de 35 ans sont plus sensibles à la reconnaissance, les 45-54 ans à la fixation d’objectifs clairs. Les plus récents dans l’entreprise se déclarent aussi les plus motivés. Les actions mises en place par les managers ne sont pas toujours jugées très efficaces. 43 % des commerciaux considèrent que leur manager n’est pas performant dans la reconnaissance de leurs efforts et de leurs succès. Cette enquête de la Cegos est destinée à devenir une base, un référentiel pour étalonner compétences, motivations et management à l’intérieur des entreprises conseillées. Les données vont régulièrement être remises à jour, pour constituer une sorte de baromètre.

 
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Sylvie Brouillet

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