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La graphologie, dépassée ou d'actualité ?

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Bien que mise à mal par la montée en puissance de l'e-recrutement, la graphologie conserve aux yeux de certains managers un intérêt, notamment en phase finale de recrutement.

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Anne Caron, responsable qualité de la société ACS, Caron services automatiques, spécialisée dans la distribution automatique de boisson, et la torréfaction

« Depuis septembre, nous avons recruté une dizaine de collaborateurs, six sont encore aujourd'hui parmi nous. C'est très encourageant, parce que nous avons l'habitude de perdre beaucoup de candidats dans les trois premiers mois. Sans la graphologie, nous n'en aurions pas conservé plus de deux. » L'effectif de notre société augmente chaque année de 20 à 30 %. Nous recrutons des profils assez peu qualifiés pour des postes néanmoins très sensibles puisqu'en contact avec la clientèle. Il y a quatre ans, nous avons recruté un commercial par le biais d'une agence spécialisée qui a réalisé une analyse graphologique. Nous nous sommes par la suite aperçus que l'analyse collait tout à fait à sa personnalité. Depuis septembre dernier, nous intégrons une évaluation graphologique dans le processus de recrutement. Celle-ci intervient si la phase des entretiens et le test sur le terrain ont laissé une bonne impression. La graphologie nous permet de mieux cerner la personnalité des candidats. Mais attention : nous la pratiquons en toute transparence avec le candidat, qui rencontre le graphologue pour une restitution de ses conclusions. La graphologie est, de ce fait, très bien vécue. Cette analyse nous permet également de mesurer les capacités du candidat à évoluer et le type de management qui lui convient. Nous considérons la graphologie non pas comme une fin en soi, mais comme un outil permettant d'étayer une première opinion. La graphologie nous a également permis de mieux définir le profil du candidat recherché. Nous avons fait passer le test à deux collaborateurs expérimentés et ainsi pu déterminer les points forts de nos meilleurs éléments. Chaque analyse nous revient à environ 500 francs (76,22 euros). C'est pour nous un moyen de professionnaliser nos entretiens, d'aller au-delà d'une entrevue, sans pour autant basculer dans une démarche onéreuse.

Sylviane Amzallag, vice-présidente du Groupement des graphologues conseils de France (GGCF)

« Au même titre qu'il y a de bons et de mauvais médecins, il y a de bons et de mauvais graphologues. La profession n'est pas protégée et si, demain, vous voulez vous installer, personne ne peut vous en empêcher. » La graphologie apporte un avis complémentaire des autres outils : l'entretien, les tests de personnalité, l'assesment center. Le recruteur doit ensuite croiser les résultats. La plupart du temps, ce dernier a déjà rencontré les candidats et les a évalués sur des critères objectifs : expérience, diplômes, etc. La graphologie permet de confirmer ou d'infirmer les impressions sur les candidatures retenues. Mais elle ne doit pas prendre la forme d'un acte isolé. Le graphologue doit discuter avec les recruteurs et s'il le souhaite, le candidat doit pouvoir avoir accès aux résultats (même si dans la pratique ce n'est pas systématique). Bien entendu, un candidat qui a un CV formidable, mais dont l'écriture pose certaines interrogations, ne doit pas être écarté pour autant. La même souplesse doit être observée pour un candidat qui a une expérience a priori insuffisante, mais dont l'écriture révèle un fort tempérament de commercial. La graphologie doit permettre d'ouvrir les profils. Au GGCF, nous regrettons que la profession ne soit pas protégée et nous travaillons de façon à ce que la graphologie soit reconnue par des normes de qualité garantissant l'éthique et la méthodologie. Cela dit, il existe une formation à la Société française de graphologie, qui dure trois ans et que l'on peut compléter par deux ans au GGCF et un mémoire. Quoi qu'en disent nos détracteurs, la pratique se maintient et ce, malgré l'arrivée du Net dans le recrutement, qui intervient à la source de la procédure mais n'empêche pas certaines entreprises de faire une analyse en fin de recrutement.

Béatrice Galievsky, p-dg du cabinet de conseil en recrutement Favereau Consultants

« La graphologie est de moins en moins pratiquée dans la phase de tri des courriers, tout simplement parce que les lettres sont de moins en moins manuscrites. En revanche, elle est plus fréquemment pratiquée vers la fin de la procédure de recrutement, lors de la présentation des candidatures à l'entreprise. » En France, on a multiplié les outils de recrutement de façon à encadrer et à limiter la part irrationnelle, à rassurer les employés. La graphologie est l'un de ces outils, rien de plus, dont l'avantage est d'être réalisable en l'absence du candidat. Une fois réceptionné, le courrier n'appartient plus à son expéditeur mais à son destinataire. Il peut donc à sa guise pratiquer une analyse graphologique. Bien entendu, lorsqu'un candidat me demande le résultat de l'analyse, je le lui donne. En fonction du poste à pourvoir, le graphologue mesure non pas les compétences qui ont été jaugées à travers le CV, mais la capacité d'animation du candidat, son équilibre général, ce qui peut freiner son efficacité, son mode de fonctionnement, s'il est plutôt du genre à travailler sur la durée ou bien s'il est adepte des “coups”, sa ténacité, etc. Cela donne un éclairage sur le comportement et le tempérament. Mais attention, une analyse graphologique ne résout pas tout. Ce n'est en aucun cas une boule de cristal. Elle confirme juste le ressenti de l'entretien. Les praticiens ? Comme dans tous les corps de métier, il y a des charlatans. Un bon graphologue est d'abord quelqu'un qui possède une vraie technique et qui procède à un véritable diagnostic. Il faut également une certaine maturité. Il n'existe pas de très jeunes graphologues de qualité.

Hubert L'Hoste, directeur général du cabinet de recrutement Mercuri Urval France

« La graphologie est une pratique franco-française qui fait sourire en dehors de nos frontières, tant dans les pays latins que nordiques, et plus encore, qui choque certains patrons étrangers, aux yeux desquels elle relève du divinatoire. » La graphologie est, à mon avis, un outil en perte de vitesse. Ce déclin s'explique pour deux raisons : d'une part, le développement de l'informatique et d'Internet a fait tomber le mythe de la lettre rédigée. D'autre part, les candidats sont de plus en plus matures et demandent à être traités en adultes, et refusent que l'on ait accès à des informations sur eux à leur insu. Pour moi, le problème de fond de la graphologie est de deux ordres : primo, c'est un outil qui n'a jamais fait l'objet d'études scientifiques, ce qui conduit à de grandes différences sur la façon de l'utiliser et empêche toute mesure de sa fiabilité. Tout cela est occulte, ce qui est tout de même excessivement gênant, compte tenu du fait qu'il s'agit de juger des personnes. Secundo, la plupart des graphologues ne rencontrent jamais les candidats, y compris pour un débriefing, et ne connaissent pas le contexte de l'entreprise. Pour ma part, je préfère utiliser des outils interactifs et transparents (tests et entretiens). Je ne considère pas la graphologie comme un outil scientifique. Néanmoins, je serais moins réticent vis-à-vis d'un graphologue qui aurait trente ans de métier, qui connaîtrait l'entreprise, rencontrerait le candidat pour parler avec lui du résultat de l'analyse…

Vincent Dupray, directeur général France du site de recrutement Jobline « L'analyse graphologique n'est pas un outil déterminant pour prendre la décision de recruter. » Au-delà de la publication d'annonces, nous offrons des prestations de recrutement. Pour cette deuxième activité, nous avons des consultants, qui recherchent des candidats dans la base de CV, qualifient les candidatures au travers d'entretiens téléphoniques ou en face à face. Il est certain que la graphologie n'est pas un outil adapté au recrutement sur le Net. Cela dit, si un client souhaitait absolument y faire appel dans le processus de recrutement, ce serait possible. Nous n'en faisons pas la promotion, notamment parce que nous avons une approche internationale, que la graphologie est une spécificité française, et que nous essayons, dans la mesure du possible, d'uniformiser les processus de recrutement sur les différents pays. Si nous étions positionnés sur des profils de top managers, nous serions peut-être plus souvent sollicités par nos clients.

Ce qu'il faut retenir

Si la montée en puissance de l'e-recrutement ne favorise pas l'utilisation de la graphologie, rien n'empêche un recruteur d'y faire appel en fin de procédure. L'analyse “grapho” est un outil de recrutement parmi d'autres, dont l'objectif est de confirmer ou d'infirmer les impressions qu'ont laissées les différents entretiens. En aucun cas il ne faut la considérer comme une boule de cristal. La plupart du temps, le candidat n'a pas accès aux résultats, même s'il est en droit de les demander. La profession n'est pas protégée. Choisissez de préférence un graphologue expérimenté, qui connaît l'entreprise et rencontre le candidat à l'issue de l'analyse

 
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Propos recueillis par Anne-Françoise Rabaud

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