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La recommandation, une carte à jouer ?

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Les spécialistes sont unanimes : la recommandation est à la fois économique et efficace. Pourtant, les entreprises adoptent le concept en ordre dispersé. Certaines le formalisent, d’autres se contentent de l’évoquer. Témoignages de professionnels de trois secteurs : assurance, immobilier et bureautique.

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La recommandation consiste pour un commercial à demander à son client les coordonnées de personnes intéressées par ses services. Le client devient alors partenaire de l’entreprise, on lui demande de s’engager." La démarche est différente du parrainage, car le client ne reçoit pas systématiquement un cadeau en échange de son aide. Cette définition de Philippe Beaupré, consultant à la division marketing et commerciale de la Cegos, montre combien la recommandation est à manier avec subtilité. Sélectionner un client satisfait, au carnet d’adresses bien garni, attendre le moment idéal pour lancer la demande et enfin surmonter les réticences, exige du doigté. Pourtant le jeu en vaut la chandelle. "Obtenir ne serait-ce que trois noms de prospects par ce moyen est économique, rapide et efficace, argumente Philippe Beaupré. On obtient un meilleur taux de transformation de prospects en clients." Apparemment, la mutuelle d’assurance vie La Mondiale adhère parfaitement à ce point de vue. "La recommandation profite du principe de la mutualité. Les 400 000 sociétaires se doivent de participer au développement de La Mondiale. Aux commerciaux de leur expliquer l’importance de cette démarche", explique Philippe Dabat, directeur du réseau. Le principe est simple : chaque semaine les 780 conseillers commerciaux du réseau de proximité doivent récolter 10 à 15 noms de prospects. Pour les aider, le service marketing du groupe leur fournit, avant toute visite à un sociétaire, une liste de confrères établie notamment à partir de fichiers INSEE. Le commercial demande à son interlocuteur s’il est prêt à le recommander auprès de ces quelques personnes préciblées. "Le plus souvent le vendeur prend le premier contact au nom du sociétaire, précise Philippe Dabat. Si le contrat est signé, il le remercie. Mais il n’offre aucun cadeau." En général, les visites sont espacées de 18 mois, mais la liste n’est jamais oubliée. Autre méthode toute aussi astucieuse, celle utilisée par un groupe spécialisé dans la prévoyance, qui préfère conserver l’anonymat. Tout client qui souscrit un contrat donne les coordonnées de quelques proches qui doivent être contactés après son décès. À la demande du commercial, le client peut accepter que ces personnes soient contactées de sa part. La démarche commerciale démarre une dizaine de jours après l’autorisation pour ne pas brusquer les interlocuteurs. Le groupe, qui se fait un point d’honneur à ne pas "prendre de noms à l’arraché", songe à aller plus loin avec un "document navette". Ce document serait remis au proche avec la signature du souscripteur. Une façon de rassurer les uns et les autres du bien-fondé et du sérieux de la demande. Du relationnel dans l’immobilier Il n’existe pas de recommandation aussi formalisée au sein du groupe immobilier Century 21. Cette technique tient une place primordiale, mais tout se joue sur la qualité du relationnel. La méthode dite des "100 premiers" implique que chaque conseiller immobilier d’une des 490 agences du réseau français établisse des liens avec son interlocuteur en vue d’une recommandation. "Cela doit se faire naturellement, commente Didier André, responsable d’une agence dans le 15e arrondissement de Paris. Notre meilleur atout est un journal consacré à la vie de l’arrondissement que nous envoyons à nos clients pour les fidéliser. Ensuite, nos commerciaux les recontactent pour être recommandés. Si l’affaire est conclue, nous envoyons une caisse de champagne en remerciement, mais jamais de somme d’argent." La qualité du relationnel est également déterminante pour Guy Welsch, directeur des Nouveaux Constructeurs, société de cession de biens immobiliers neufs. L’équipe de 32 commerciaux, 20 en Île-de-France et 12 en province, avance sur ce terrain avec prudence. "Il est exclu d’aborder le sujet de la recommandation le jour de la signature du contrat, précise Guy Welsch. Cela déstabiliserait un client qui s’engage dans un acte important. Mais nous avons des occasions de renouer le contact, ne serait-ce que pour régler les aspects du plan de financement, ou les actes notariaux. Au commercial de choisir le moment opportun." Lever les réticences de l’interlocuteur est en effet primordial. Pour Philippe Beaupré de la Cegos, "il faut profiter de quelques instants privilégiés, pendant lesquels le client se sent satisfait et redevable, par exemple à la suite d’un service rendu. Le commercial peut aussi saisir sa chance lors d’un temps de détente hors du cadre du travail, par exemple." D’une façon générale, il est déconseillé de brusquer son interlocuteur, car il fournit une aide gracieuse. Ce qui compte cependant c’est de le remercier par écrit, de vive voix, ou par un cadeau, si la recommandation aboutit à la signature du contrat. Du facultatif en bureautique Il ne suffit pas de lever les réticences du client. Le commercial doit aussi être aidé et motivé tant la recommandation lui demande d’efforts : il n’est jamais agréable de se retrouver dans la position de "quémandeur". Jean-Pierre Tricard, à la tête du cabinet de conseil du même nom, a constaté un "frein psychologique dans la tête des vendeurs. Ils considèrent que cela ne se fait pas de demander. Ils sont déjà assez satisfaits d’obtenir la signature du contrat et ne poussent pas à la recommandation. Pourtant, le client peut se sentir valorisé par cette démarche." "C’est vrai que le commercial n’est pas à l’aise avec la recommandation, car il a l’impression de rentrer dans la vie intime de son client", commente Florence Lenfant, responsable de la formation pour Ronéo, filiale du groupe hollandais Samas spécialisé dans le mobilier et l’aménagement de bureau. Adepte des méthodes de Daniel Eppling du cabinet de formation Krauthammer (cf. témoignage), elle perçoit cependant la recommandation comme "la ceri-se sur le gâteau". Les 34 commerciaux de la force de vente Ronéo sont seulement "incités" à s’enquérir des références de prospects, aucune obligation n’est imposée. Une attitude partagée par le groupe Xerox. "À l’occasion de chaque enquête de satisfaction, on demande au client s’il accepterait de nous recommander, explique Yves Gadal, directeur de la satisfaction client. S’il est d’accord, un commercial poursuivra la démarche lors d’un entretien." À l’heure actuelle, ce procédé qui vient d’être testé à Lyon et à Lille est à l’étude. Ce n’est pas encore demain que les 1 400 commerciaux des réseaux de ventes directe et indirecte lanceront leur requête. Il n’existe ni argumentaire, ni formation précise. "Nous manquons de recul, reconnaît Yves Gadal. 80 % des clients sondés se disent favorables au principe, mais nous n’avons pas mesuré la qualité des données. Du côté des forces de ventes, les commerciaux sont intéressés. Les vrais pros ne nous ont pas attendus pour pratiquer la recommandation." Simple affaire de sens commercial.

"Lors des visites pour le suivi des clients, le commercial pose systématiquement la question de la recommandation. L’accueil est en général favorable, car beaucoup de professionnels travaillent par bouche à oreille et selon le principe du service rendu." Philippe Dabat, directeur du réseau de la mutuelle d’assurance vie La Mondiale. Il croit en la recommandation pour recruter des prospects et des commerciaux. En ce qui concerne les prospects, une pré-liste est définie par les services marketing (cf. article central). Pour ce qui est du recrutement, les sociétaires sont sollicités afin de compléter les canaux classiques petites annonces et ANPE. Explications : La Mondiale doit engager plus d’un millier de vendeurs jusqu’en 2000. Leur profil est précis : entre 28 et 40 ans, dotés d’un Bac + 2 et de 5 ans d’expérience. La moitié des CV envoyés sur recommandation sont jugés "dans la cible". "C’est un système économique et efficace, qui a permis d’embaucher la moitié des 780 commerciaux du réseau."

"Si un agent immobilier Century 21 contacte un prospect prêt à céder un bien dans une autre ville, il recommande celui-ci à son homologue le mieux placé géographiquement." Hervé Bléry, directeur général de Century 21 France. Le réseau Century 21 compte 6 000 agences dans le monde dont 490 en France. 10 % du chiffre d’affaires est assuré par ce type de recommandation. Ce système est important pour le groupe qui consacre des formations adaptées à ses conseillers et agents immobiliers. Son rôle est croissant puisque 1 700 contrats ont été signés en France par ce moyen en 1997 et 2 000 en 1998. L’agence qui bénéficie d’une recommandation informe son homologue qui lui a transmis le dossier et lui remet 20 % des honoraires lorsque l’affaire est conclue.

"Recommandation et parrainage sont deux notions différentes. La première repose sur la valeur ajoutée et la qualité du relationnel du commercial. Le parrainage est lié au cadeau qui motive le client." Daniel Eppling, directeur du cabinet de formation au management, à la communication et à la vente Krauthammer International Il considère que les entreprises pourraient utiliser davantage la recommandation, car c’est une façon économique de prospecter. Mais il reconnaît aussi qu’il y a un gros travail de formation à mener, qui passe d’ailleurs par des mises en situation : "Nous peaufinons des entretiens selon différents cas de figure, pour obtenir une version optimale."

Cinq règles pour faire de la recommandation 1. Il faut sélectionner un client satisfait, redevable et qui possède un bon carnet d’adresses. Mieux vaut éviter ce type de requête auprès d’un prospect, car la confiance n’est pas encore instaurée. 2. Veiller à choisir son moment : après la signature d’un contrat, à l’annonce d’un événement positif, ou lors du déjeuner. 3. L’argumentaire doit être travaillé afin que le commercial se sente à l’aise et anticipe les refus. La formation tient une part importante car la recommandation n’est pas "naturelle". 4. Le vendeur doit obtenir la permission de contacter immédiatement la personne recommandée, de respecter un délai ou d’attendre que son client fasse le premier geste. 5. Très important, le remerciement. Il ne faut pas oublier d’informer le client de l’avancée du dossier, et le remercier lorsque l’affaire est conclue. Contrairement au parrainage, le cadeau est discrétionnaire et facultatif.

 
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Marie Nicot

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