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Le luxe dans tous ses éclats

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A l'heure où l'économie est à la peine, les entreprises du luxe ne semblent pas affaiblies outre mesure par la crise... Affichant des résultats plus qu'honorables, compte tenu de la conjoncture, ce secteur aux stratégies brillantes mérite d'être analysé.

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@ AFRICA STUDIO

Le marché du luxe serait-il en réalité une planète à part? Il semblerait que oui! En effet, depuis 2010, le secteur connaît une franche croissance, de près de 10 % en 2011. Des chiffres en hausse qui contrastent avec le reste de l'économie: « La crise touche essentiellement les classes moyennes et populaires. Les clients des marques de luxe restent épargnés, d'où le maintien du secteur », explique Michel Phan, professeur associé de marketing de luxe à l'EM Lyon. Toutefois, cette tendance globale cache différentes réalités. Tout d'abord, des disparités suivant les activités. Alors que l'horlogerie et la joaillerie bénéficient d'une expansion marquée, les parfums et cosmétiques ou encore les arts de la table enregistrent des croissances moindres. Par ailleurs, le marché du luxe est intimement corrélé au PIB mondial. Les prévisions économiques n'étant pas au beau fixe pour les années à venir, il se pourrait que le marché du luxe subisse tout de même un ralentissement en proportion. Cependant, pas de quoi s'affoler, les marques haut de gamme ont encore de beaux jours devant elles.

Les acteurs du marché

Quelles sont les marques de luxe? Et surtout, par quoi définit-on le domaine du luxe? « Il ne suffit pas de vendre cher pour prétendre être une griffe de luxe », souligne d'emblée Valérie Blin, manager chez Avista Partners, société britannique de conseil en stratégie de commercialisation. Et de préciser: « Même si le prix est souvent élevé, la marque doit faire preuve de discrétion, de sobriété, d'innovation, de classe et de qualité... » En témoigne la marque de café Nespresso, qui a su se faire une place parmi les marques premium en soignant son image et en poussant sa relation client à l'exception: services client personnalisés, création d'un club select, packaging ultra-peaufiné, boutiques dignes des plus grands... Les marques de luxe se regroupent essentiellement au sein de quelques secteurs d'activité: le prêt-à-porter et les accessoires de mode, la joaillerie et l'horlogerie, les voitures et les motos, les bateaux et les avions, l'hôtellerie, l'immobilier et la décoration d'intérieur, la restauration et enfin les vins et spiritueux. La plupart sont présentes à l'international, et la renommée des grandes marques de luxe dépasse aisément les frontières de leur pays d'origine. Si certaines griffes de luxe ont préféré garder leur indépendance - Chanel, Longchamp, Hermès, Rodriguez (bateaux) ou Mauboussin pour la France, Rolex en Suisse, Burberry et Tiffany's aux Etats-Unis... - d'autres appartiennent à de grands groupes, deux principaux étant français. Tout d'abord, l'empire français LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy) qui, avec ses 23,65 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011, regroupe autour de ses marques éponymes Christian Dior, Givenchy, Kenzo, Guerlain, Bulgari, Belvedere, Mercier, Dom Perignon... En deuxième position se trouve le groupe français PPR (Pinault Printemps La Redoute) détenteur des marques Gucci, Yves Saint Laurent, Boucheron, Sergio Rossi, Gucci... PPR a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires de 12,227 milliards d'euros. Puis, vient le groupe suisse Richemont, qui occupe la troisième place du trio de tête, avec 6,89 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011. Celui-ci rassemble des marques de prestige comme Cartier, Montblanc, Lancel, Alfred Dunhill, Piaget ou encore Van Cleef & Arpels.

@ Source : Xerfi-Precepta

La menace des pays émergents

Sans surprise, l'Hexagone est un pays qui marque de son empreinte l'univers du luxe: « Le made in France jouit d'une aura planétaire et constitue un gage de qualité puissant aux yeux de la clientèle internationale », précisent les auteurs de l'étude Xerfi-Precepta Les stratégies des groupes de luxe. Mais pour combien de temps encore? « La France est historiquement liée au développement du luxe... Mais elle perd peu à peu sa position de force, car elle ne soutient pas suffisamment son savoir-faire et ses investissements dans l'innovation », avertit Valérie Blin (Avista Partners).

Une autre menace pèse sur le marché du luxe français: l'essor de grandes marques asiatiques, notamment chinoises. La concurrence s'accroît, comme le souligne l'étude Xerfi-Precepta, qui pointe du doigt un phénomène grandissant: des griffes de luxe asiatiques délocalisent leur production dans des pays occidentaux afin de bénéficier de leur savoir-faire. Et de citer l'exemple de Qeelin, joaillier chinois, qui installe sa production en France.

Vendre aux marques de luxe

Globalement, les marques de luxe recourent à deux types d'achats. Les matières premières, propres à chaque produit, qui s'achètent indépendamment, et les achats groupés: marketing, communication, développement de réseau... qui sont négociés pour plusieurs marques d'un même groupe. Parmi ces derniers, le budget publicité et ouverture/aménagement de lieux de vente pèse très lourd. « Les marques de luxe conçoivent des projets au budget parfois faramineux », informe Michel Phan (EM Lyon), en citant pour exemple Louis Vuitton qui a fait construire une île artificielle à Singapour dans le seul but d'y implanter un nouveau magasin...

Mais si les marques de luxe peuvent s'avérer très dépensières, il existe une règle commune à tous ces achats: « Les produits et services doivent être de qualité irréprochable », insiste le professeur basé en Chine. En effet, pour garantir la qualité des produits finis, la sélection des matières premières répond à un cahier des charges très strict. Côté négociations commerciales, rien de spécifique. Celles-ci s'effectuent comme pour d'autres entreprises, et le recours aux appels d'offres est très fréquent, en particulier pour les grands groupes. « Au sein de certaines petites structures, Christian Louboutin par exemple, l'interlocuteur peut être, sinon quelqu'un de proche, directement le patron de la marque », informe Valérie Blin.

Les marques de luxe nouent assez naturellement des relations commerciales entre elles. A l'instar du Long Beach Hotel à l'Ile Maurice, dernier-né de Sun Resorts. Nicolas de Chalain, directeur de cet établissement cinq étoiles, explique: « Nous réalisons certains achats auprès de marques qui sont en accord avec notre image et celle de notre clientèle ». Ainsi, l'hôtel dispose d'un spa équipé en produits Givenchy Parfois, le concept de partenariat commercial va encore plus loin. C'est le cas pour Ducati. La marque mythique de motos a, en effet, développé un modèle en série limitée, le Monster Diesel, en association avec la marque de prêt-à-porter. « Entre marques de prestige, nous partageons le même univers. Ainsi, Diesel a apporté sa connaissance et ses produits spécifiques (design, cuir, coloris...) pour créer cette moto qui correspond aux valeurs de nos deux griffes » , explique Valérie Robert, directrice marketing et communication de Ducati.

Autre particularité des marques de luxe, elles recourent souvent à plusieurs fournisseurs pour une même matière première. « Cela leur permet d'assurer une continuité de la production en cas de manquement de l'un d'entre eux », indique Michel Phan (EM Lyon). Ainsi, il n'existe pas d'exclusivité: les fournisseurs de cuir peuvent aussi bien approvisionner plusieurs maroquiniers.

L'essor de l'e-commerce

Les marques de luxe se laissent peu à peu tenter par les attraits de la vente en ligne, à l'instar de Christian Dior, Burberry ou encore Hermès, alors que l'idée n'était pas envisageable pour la plupart, au début des années 2000: la part des transactions en ligne dans le total des ventes n'était que de 0,8 % en 2005. Ce taux a grimpé pour atteindre 4 % en 2011, spécifie l'étude Xerfi-Precepta. Cela peut paraître marginal mais, selon la Fondation Altagamma, association de marques de luxe d'origine itaIlienne, l'activité commerciale en ligne dans le luxe devrait bondir de 20 % par an à partir de 2012. Helena Rubinstein, marque de cosmétique de luxe, a même poussé la stratégie jusqu'au 100 % e-commerce pour pénétrer le marché français. La vente en ligne offre un double avantage: toucher une clientèle nouvelle et surtout économiser des frais de points de vente. « Les magasins des marques de luxe coûtent très cher, souligne Valérie Blin, car ils doivent se situer dans les plus beaux quartiers des plus grandes villes, c'est-à-dire là où les loyers sont les plus élevés! » Mais, même lorsque le pas n'a pas été franchi (Rolex, Cartier, Louis Vuitton...), les griffes de marque sont bien présentes sur le Net, avec des sites très travaillés, véritable écrin digital pour leurs produits. Enfin, en parallèle, se développent les ventes privées en ligne dans le luxe. Les grandes marques négocient alors avec des sites spécialisés, comme celui de Bazarchic, fondé par Liberty Verny. Ce dernier côtoie les acteurs du luxe (prêt-à-porter, joaillerie, décoration, vins et alimentaire) pour vendre leurs produits à prix réduits, mais toujours dans le respect des marques: « Nous travaillons en partenariat avec les griffes pour mettre en valeur les produits selon l'exigence et les codes de chacune: choix des mannequins, photos, effets artistiques... », explique-t-il. Ainsi, le respect de l'ADN des marques de luxe est une condition sine qua non pour développer des relations commerciales.

Michel Phan, professeur associé de marketing de luxe à l'EM Lyon

Michel Phan, professeur associé de marketing de luxe à l'EM Lyon

Michel Phan, professeur associé de marketing de luxe à l'EM Lyon

«Les marques de luxe conçoivent des projets au budget parfois faramineux.»

Valérie Blin, manager chez Avista Partners

Valérie Blin, manager chez Avista Partners

Valérie Blin, manager chez Avista Partners

«La France est historiquement liée au développement du luxe, mais elle perd peu à peu sa position de force.»

Patrick Szarga, p-dg de Pandora France

Patrick Szarga, p-dg de Pandora France

Patrick Szarga, p-dg de Pandora France

Pandora resserre sa stratégie de distribution


Depuis l'été 2011, les bijoux Pandora sont distribués en France. Le joaillier danois a misé, au départ, sur un choix de couverture large, avec 650 revendeurs multimarques et trois boutiques monomarques. « Nous nous sommes aperçus que cette stratégie ne correspondait pas à notre image de marque », se souvient Patrick Szarga, p-dg de Pandora France. « Notre produit emblématique, un bracelet en métal précieux qui évolue au fil des envies du client par l'ajout et le remplacement de pièces symboliques, demande aux vendeurs des connaissances particulières. Par ailleurs, nos ventes requièrent des exigences: scénario de vente, type de mobilier, démonstration... », précise-t-il. C'est pourquoi le bijoutier décide de resserrer son réseau de distribution à huit boutiques monomarques, 25 corners dans les grands magasins (Galeries Lafayette, Printemps) et seulement 260 distributeurs multimarques. Un recentrage qui lui permet d'être plus proche de son réseau et de former régulièrement l'ensemble des vendeurs. C'est ainsi que, avec un nombre de points de vente moins important et mieux ciblé, Pandora a su conquérir la clientèle française.

Liberty Verny, fondateur de Bazarchic

Liberty Verny, fondateur de Bazarchic

Liberty Verny, fondateur de Bazarchic

«Nous travaillons en partenariat avec les griffes pour mettre en valeur les produits selon l'exigence et les codes de chacune. »

Lionel Meyer, cofondateur de Luxury Attitude

Evoluer vers le premium?


Lionel Meyer, cofondateur de Luxury Attitude, cabinet de conseil en stratégie pour les acteurs du luxe, accompagne les marques dont certaines souhaitent monter en gamme. « Les entreprises doivent faire un choix. Le positionnement low cost est lucratif, tout comme le haut de gamme. Les intermédiaires sont généralement à éviter car ils sont menacés des deux côtés! » Cependant, atteindre l'univers du luxe ne se fait pas en un tour de main. « Il faut opérer une stratégie de montée de gamme en commençant par travailler ses produits premium ou par supprimer ses produits bas de gamme. Attention, tout au long de ce processus, il est capital de conserver de la cohérence », avertit l'expert. En effet, une marque ne peut pas à la fois se positionner sur du bas et du haut de gamme. Enfin, deux éléments sont essentiels à la réussite d'une montée de gamme: la patience et la création de valeur émotionnelle. « Le repositionnement prend du temps: il faut transmettre à ses salariés le nouvel ADN de la marque. Ces derniers ne répondent plus simplement aux besoins des clients mais doivent faire de l'acte d'achat une expérience et un plaisir », confie Lionel Meyer. C'est ainsi qu'Audi, Nespresso ou encore Le Printemps ont émoussé le côté fonctionnel de leurs produits et services pour davantage de rêve et d'émotion. C'est aussi ça, l'univers du luxe!

 
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Laure Tréhorel

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