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Les “grands” de la vente, un vivier pour les entreprises ?

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De Danone à Procter, en passant par L’Oréal, les mastodontes de la performance commerciale forment de jeunes talents qui peuvent séduire d’autres entreprises.

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« Après deux ans passés chez Danone, j’avais acquis des méthodes imparables et, surtout, des qualités précieuses : polyvalence, capacité d’anticipation, réactivité et goût du travail. » Au sortir de l’ESC Brest, Jean-Marc Buannic, aujourd’hui consultant associé pour le cabinet de recrutement Diaphane, a biberonné aux méthodes de la grande consommation. C’est à l’issue d’un stage de six mois chez Kronenbourg, filiale de Danone, qu’il a été embauché en tant que commercial grands comptes, chargé des ventes aux grandes et moyennes surfaces. “ Cette première expérience m’a transmis de nombreuses compétences en matière de reporting, d’organisation, de gestion du temps, d’argumentation commerciale, etc. Chaque aspect de ma mission était formalisé à l’extrême. On me demandait d’appliquer ces méthodes éprouvées, avec rigueur et conscience professionnelle. ” C’est précisément pour s’approprier les recettes des grands chefs que bien des employeurs se disputent leurs ex-vendeurs. “ Dans ces grands groupes, considérés comme de véritables écoles de vente, l’apprentissage n’a rien d’aléatoire ; il est systématique, parfaitement organisé ”, explique Jean-Michel Azzi, p-dg de Maesina International Search, cabinet conseil en recrutement et gestion des ressources humaines. Or, partout, la démarche commerciale se complexifie et nécessite des connaissances de plus en plus pointues et sophistiquées. D’où le succès croissant des candidats justifiant d’une première expérience chez un grand de la vente.

Des têtes bien faites

Mais jeter son dévolu sur un ex-Procter, un ex-L’Oréal ou un ex-Xerox constitue-t-il une garantie de succès ? De l’avis des spécialistes, c’est, en tout cas, un gage de qualité. “ Ces entreprises sont passées maîtres dans l’art de recruter des juniors et de les “modeler” à leur image, souligne Didier Simon de Bessac, directeur du pôle recrutement de Taillandier Conseil. Ils choisissent des têtes bien faites, des profils battants, combatifs et ambitieux, puis capitalisent sur leur potentiel. ” En d’autres termes, ils préfèrent bâtir sur un terrain vierge plutôt que de rénover l’existant. Pour cela, ils n’hésitent pas à investir des sommes importantes : chez Compaq, par exemple, la force de vente passe une quinzaine de journées par an en formation, et, chez Danone, elle y consacre jusqu’à deux jours par mois. “ Nous alternions formations inter et intra-entreprises, relate Jean-Marc Buannic. Ces mises à niveau étaient dispensées soit par notre manager, soit par le marketing, soit par des intervenants extérieurs. ” Un apprentissage théorique et pratique qui donne à ses bénéficiaires de très nombreuses connaissances, bien entendu, mais aussi, selon Didier Simon de Bessac, “ une curiosité et une ouverture d’esprit, également stimulées par la mobilité géographique. En outre, ajoute l’expert, cela développe leur capacité à se remettre en question. Dans ce type d’environnement, on retourne régulièrement sur les bancs de l’école, même lorsque l’on possède une confortable expérience. ” Outre ces qualités liées à leur savoir-faire et à leur savoir-être, ces candidats aguerris aux méthodes des grandes écoles de vente ont une grande habitude du reporting. “ Dans ces structures, note le porte-parole de Taillandier Conseil, chaque niveau a l’habitude de rendre compte très précisément et très fréquemment au niveau n + 1. Il existe, pour ce faire, des process et des outils qui permettent au management de faire remonter un grand nombre d’informations d’ordre quantitatif et qualitatif. ” “ Notre mode de fonctionnement est basé sur la transparence ”, confirme, de son côté, Luc Greth-Merenda, directeur des ressources humaines et des affaires juridiques de Würth France. Sur un effectif total de 2 500 salariés, cette entreprise de produits de fixation et d’outillage professionnels emploie 1 800 commerciaux et intègre, chaque année, quelque 450 vendeurs juniors. “ Pour mieux les accompagner dans leur mission quotidienne, nous leur offrons un management de proximité. ” Chez Würth, un responsable régional chapeaute un maximum de huit ou neuf vendeurs. “ Cela nous permet de suivre au plus près ce qui se passe sur le terrain. Ainsi, aucune information importante ne peut nous échapper. ” Autre qualité fréquemment développée chez ces commerciaux : la culture du client. “ C’est l’obsession des grands, affirme Didier Simon de Bessac. Dans ces groupes, on ne cherche plus seulement à vendre mais à faire acheter le client. La notion de besoin, d’envie, est donc au cœur des préoccupations. ” De fait, chez Compaq, le “customer focus” (ou “orientation client”) est l’un des leitmotiv de l’équipe de formation. “ Nos commerciaux apprennent à cerner les attentes de leurs interlocuteurs et à établir des partenariats business ”, témoigne Nathalie Rimasson, directrice de la formation et du développement du constructeur informatique. Habitués à faire face à une pression importante, ils savent aussi gérer leur stress et organiser leur temps de travail. Mais ces équipiers sont de moins en moins des mercenaires de la vente : au contraire, ils ont bien souvent appris à apprécier l’esprit d’équipe. “ Les grandes entreprises ont bien compris que cela créait de la richesse, reprend Didier Simon de Bessac. Mais elles comptent aussi sur la dimension collective pour lutter contre le turn-over et fidéliser des collaborateurs sur lesquels elles ont investi du temps et de l’argent. ” D’ailleurs, dans ces grandes équipes commerciales, la culture d’entreprise est si forte qu’elle se matérialise par le biais d’annuaires, associations sportives et autres associations d’anciens. Autant d’éléments tangibles de ralliement qui, s’ils ne sont pas à proprement parler professionnels, traduisent une intense fierté d’appartenance qu’un ex-Danone ou un ex-Pernod peut vraiment importer dans une société de dimension plus modeste.

Gare aux “divas” !

“ À condition, toutefois, de ne pas avoir “pris la grosse tête” ! ”, lance Jean-Marc Buannic. De l’avis de l’ensemble des recruteurs, il est, en effet, impératif d’éviter les “divas”, ceux qui pensent que leur prestigieuse carte de visite leur donne tous les droits. “ C’est le danger avec ce type de profil, poursuit l’ex-Danone converti aux ressources humaines. Ces candidats peuvent, parfois, manquer d’humilité. Ils ont le sentiment d’appartenir à une caste. Un sentiment largement entretenu par leurs pairs : les “Proctériens” ou les “Danoniens” forment un authentique réseau. ” Alors, comment éviter qu’une “star”, fût-elle talentueuse, ne vienne troubler l’équilibre de votre équipe ? “ Assurez-vous que vous offrez une vraie promotion à ce nouveau venu, répond Jean-Michel Azzi, de Maesina. Il peut, par exemple, gagner en autonomie, prendre des responsabilités managériales, faire travailler sa créativité, etc. De toute façon, vous devez, pour l’intéresser, lui offrir quelque chose qu’il n’avait pas auparavant. ” “ De plus, renchérit le porte-parole de Diaphane, il faut choisir des personnes capables de se retrousser les manches, de gérer eux-mêmes leur back office, de rédiger leur courrier, etc. ” Autre conseil : jouez franc jeu. Insistez sur les atouts du poste, mais aussi sur ses travers. “ Avoir “l’esprit PME”, sourit Didier Simon de Bessac, c’est être capable de polyvalence, aimer prendre des décisions rapides, savoir faire beaucoup avec trois bouts de ficelle. ” En effet, une fois sortis du cadre formel et rassurant dans lequel ils ont tout appris, certains collaborateurs s’épanouissent totalement, d’autres cèdent à la panique. “ Enfin, conseille Jean-Marc Buannic, testez leurs qualités de formateur. Si vous achetez le savoir de quelqu’un qui se révèle incapable de le transmettre, vous aurez perdu sur les deux tableaux ! ” Car – et ce n’est pas le moindre de leurs défauts – ces candidats coûtent 10 à 20 % plus cher, à expérience égale, que leurs homologues issus d’un environnement PME : ils monnaient, légitimement, leur capital-formation. Il s’agit donc, pour leur futur employeur, de veiller à la rentabilité de son investissement.

Témoignage

Thierry Papoin, directeur commercial de Claranet (Internet services provider) “ J’ai tout appris chez un “géant” de la vente ” Thierry Papoin a “roulé sa bosse” chez Oléane, Access (cabinet conseil en ressources humaines) et, surtout, chez EGT, filiale de France Télécom bien connue pour sa culture commerciale et la performance de ses méthodes de vente. C’est dire si ce vendeur né connaît les coulisses des grandes écoles de vente. D’ailleurs, le directeur commercial recrute de préférence des profils débutants qu’il façonne à son image : “ J’assure moi-même les formations ; j’y consacre une demi-journée par semaine. Je suis un enfant d’EGT. Je m’efforce donc d’importer, chez Claranet, une culture similaire. ” Une culture qui passe d’abord par des méthodes. “ Par exemple, nous montons des opérations téléphoniques “commando”, durant lesquelles les commerciaux se regroupent par équipes afin de décrocher des rendez-vous téléphoniques. Pendant quelques heures, six commerciaux travaillent ensemble et se présentent tous sous le nom de Jacques Durand. C’est EGT qui m’a appris cette recette. Aujourd’hui, je fais la même chose chez Claranet. ” Et demain, Thierry Papoin enrichira-t-il son équipe de commerciaux seniors, capables de lui apporter une autre culture commerciale ? “ Pourquoi pas. Nous aimerions, en effet, nous enrichir d’autres savoir-faire. ”

 
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Stéfanie Moge-Masson

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