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Net privé au bureau : quelle tolérance ?

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Difficile de fixer des limites à l’usage personnel du Net. Pour éviter les dérives, optez pour une charte et responsabilisez vos effectifs.

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Qui ne s’est jamais, entre deux dossiers, connecté au Net pour consulter son horoscope, commander un CD, réserver son billet de train ou tout simplement répondre par e-mail à la blague d’un ami ? Le Web a, depuis quelques années, remplacé la partie de solitaire ou de démineur, cette inévitable pause de l’homme de bureau stressé. Une pratique innocente ? Pas tant que ça. Du moins si l’on en croit les résultats de l’enquête menée par Taylor Nelson Sofres Interactive pour le compte de Websense, société spécialisée dans la gestion de l’usage du Net en entreprise : le surf au bureau représenterait chaque année, en France, une perte annuelle de productivité égale à 14,4 milliards d’euros ! Un tiers des salariés bénéficiant d’un accès individuel à Internet, passerait trois heures par semaine en moyenne, à surfer “privé” au bureau. “ En prenant comme référence un salaire horaire moyen de 12,75 euros, une entreprise de 100 salariés connectés à l’Internet, perd environ 4 160 euros par mois en productivité salariale, enchaîne Philippe Birot, responsable grands comptes de Websense France. Les coûts d’utilisation des réseaux sont les plus onéreux. Selon nos calculs, 30 % des accès au réseau n’ont aucun lien avec les activités professionnelles. ”

Il est interdit ... d’interdire

Pour Serge Gauthronet, consultant spécialiste des nouvelles technologies et des enjeux de société, le phénomène est classique et sa diabolisation, excessive. “ Un vrai feu de paille !, s’exclame-t-il. Chaque nouveau média fait, au départ, l’objet d’utilisations effrénées mais les usagers s’en lassent rapidement. ” Quoi qu’il en soit, la pratique provoque l’interrogation, voire l’inquiétude d’entreprises en général peu au fait de leurs droits et de... leurs devoirs. D’autant que les marges de manœuvre de l’employeur viennent d’être sérieusement émoussées, côté e-mails en tout cas, par l’arrêt Nikon France rendu le 2 octobre 2001 par la Chambre de Cassation, suite à la plainte d’un employé du groupe quant au contrôle de sa correspondance électronique à son insu. Désormais, l’employeur ne peut plus prendre connaissance des mails personnels émis et reçus par le salarié. Et ceci, “ même si l’employeur a interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur. ” , précise le législateur. Une décision qui a délié les plumes mais pas les langues puisque chez Nikon, on se dit “ indifférent à cette mesure ” sans pour autant être “ prêt à en parler ”. Côté surf, les règles sont tout aussi claires. “ Le surf personnel se scinde en trois catégories, explique Maître Alain Bensoussan, du cabinet d’avocats Alain Bensoussan et Associés, spécialiste du droit des nouvelles technologies. Le surf à vocation privée, une réservation de billets de train par exemple, est permis à condition qu’il soit exceptionnel. La recherche d’informations sur la pédophilie est strictement interdite, en revanche les sites pornographiques ne sont pas interdits aux majeurs. Vous serez donc dans l’impossibilité de sanctionner un salarié surpris en train de surfer sur un site pornographique, à moins d’avoir conçu une charte sur l’usage du Net. ” Et c’est peut-être la solution. Pour apaiser les débats et les esprits, il est possible de rédiger, avec l’aide d’un juriste, une charte qui fixera les conditions d’utilisation d’Internet et des outils informatiques dans l’entreprise.

Optez pour la modération

Websense avait, par exemple, suggéré aux entreprises, lors des dernières fêtes de Noël, d’autoriser ses salariés à acheter en ligne lors de tranches horaires bien définies. À cette fin, le cabinet conseil exhortait les employeurs à mettre en place une charte d’utilisation d’Internet dans l’entreprise comprenant plusieurs étapes : un rappel, par e-mail, de la politique de la société concernant l’utilisation d’Internet, une explication des conditions exceptionnelles générées par les fêtes de fin d’année en positionnant Internet comme un avantage et non comme une ressource gratuite, et une date limite d’achats. Mais, quel que soit le contenu de la charte, elle n’aura de valeur juridique que si elle est intégrée au règlement intérieur ou mentionnée dans le contrat de travail (article L 432-2-1 du code du travail). D’une façon générale, le mieux est tout de même de s’en remettre au bon sens et à la maturité de chacun. “ Sanctionner les salariés ou limiter leur accès à quelques sites évite les tentations et... les comportements adultes !, s’insurge Serge Gauthronet. D’autant que l’utilisation du Net, y compris à des fins non professionnelles, permet aux utilisateurs de s’approprier la technologie et d’acquérir de bons réflexes d’utilisation. Le solitaire a permis à des quantités de salariés à manier la souris ! ”

Avis d’expert

Serge Gauthronet

, sociologue, président d’Arete, cabinet conseil aux entreprises “ Une perte de temps et des risques de virus ” Serge Gauthronet, consultant, a réalisé, pour l’État et la Commission des communautés européennes, des travaux sur les enjeux de la protection des données personnelles. Il dirige depuis trois ans, un programme d’études sur le développement d’Internet et la vie privée. “ Le problème n’est pas tant de perdre son temps à surfer, explique-t-il. Et d’évoquer un autre problème : celui du risque de transmission de virus par les e-mails personnels. “ Les coûts de communication par e-mail sont dérisoires ; en revanche, les frais générés par la transmission de virus sont énormes, explique-t-il. Si une entreprise, dont le chiffre d’affaires moyen par jour est de 22 800 euros, est paralysée par un virus de type “I love you” durant 10 jours, le manque à gagner sera de 230 000 euros ! ”

Témoignage

Guy Vialard

, directeur marketing et communication de Buhrmann France Image “ Nos collaborateurs sont responsables ” “ Je n’ai jamais eu la moindre plainte d’un chef de service sur des usages abusifs du Net dans l’entreprise ”, déclare Guy Vialard. Pourtant, les 330 salariés de l’entreprise ont accès au Net et à l’e-mail. Pour Guy Vialard, c’est une question de responsabilité et de bonne conduite. “ Nous n’avons pas établi de charte parce que nous estimons les gens sont assez sages pour ne pas abuser du Net, poursuit-il. De toutes les façons, nous avons peu de moyens de contrôle. ” En revanche, Guy Vialard n’exclut pas, à terme, dans le cadre du projet d’entreprise “Qualité Management et Progrès” lancé en 2001, que l’usage du Net soit codifié. Mais ceci “ dans le même esprit de recommandation, de responsabilité, et de tolérance. ”

Bon à savoir

La modération, c’est aussi ce que préconise la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) dont le rapport sur la cybersurveillance sur les lieux de travail vient d’être adopté le 5 février dernier. Concernant le contrôle des connexions à Internet, la CNIL préconise “ un usage aisonnable, non susceptible d’amoindrir les conditions d’accèsprofessionnel au réseau et ne mettant pas en cause la productivité. ” Même constat pour la messagerie électronique, “ tolérée dans le cadre des nécessités de la vie courante et familiale à condition que son usage du courrier électronique soit généralement et socialement admis. ” Par ailleurs, le rapport autorise l’entreprise à s’équiper de dispositifs de filtrage de sites (produits à caractère pornographique, pédophilie, etc.) et à fixer certaines limites à des pratiques telles que le téléchargement des logiciels ou la connexion à des forums.

 
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Caroline Thiévent

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